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  • Test 12 Minutes : c'est déjà trop

    By DonBear
    Published in Tests
    August 22, 2021
    5 min read

    Attendu comme l’une des prochaines perles vidéoludiques par tous les amoureux de jeux narratifs, 12 Minutes est resté relativement discret jusqu’à sa sortie. Édité par Annapurna Interactive, autrement appelé l’éditeur-au-flair-aiguisé-pour-dénicher-les-excellentes-œuvres, tout annoncait une aventure mémorable. Il s’avère finalement que beaucoup seront déçus. Laissez-moi vous expliquer pourquoi.

    12 minutes de sueurs froides…

    Après une dure journée de travail, le protagoniste dont on ne saura jamais le nom rentre chez lui. Sa femme lui a préparé une surprise pour lui annoncer un heureux événement. Après une discussion romantique et quelques pas de danse, un policier sonne à la porte et urge le couple de lui ouvrir. À partir de là, tout part à vau-l’eau, puisqu’il nous ligote et nous interroge sur des sujets bien obscurs. Après qu’il se soit décidé à nous frapper comme le méchant pas beau qu’il est, la conscience du personnage s’éteint pour se retrouver à nouveau à l’entrée de son appartement, comme si rien ne s’était passé. Coincé dans une boucle temporelle, il va devoir comprendre ce que recherche le tueur et les secrets que lui cache sa femme.

    12 Minutes Screenshot

    Avec ce synopsis des plus chatoyants, Luis Antonio est déterminé à offrir une expérience vidéoludique proche des grands thrillers du cinéma. Shining de Kubrick, Fenêtre sur cour de Hitchcock ou encore Memento de Christopher Nolan sont cités par l’auteur comme principales références pour l’écriture du jeu. Si elles montrent bien l’intention du créateur, elles façonnent aussi l’ambiance du jeu qui se veut mature et intrigante. Un scénario à la hauteur de l’originalité du titre, qui se déroule dans un appartement en vue du dessus. Un huis clos avec en réalité assez peu d’interactions possibles. La proposition est rafraîchissante, peut-être même jamais aperçue dans le vaste monde du jeu vidéo. On s’extasie devant la singularité du jeu, et il va falloir se creuser les méninges pour réussir à progresser, ce qui ne sera pas toujours simple. 12 Minutes vous demandera de faire attention aux détails, de faire preuve d’imagination et d’utiliser avec intelligence les divers outils à votre disposition. C’est là d’ailleurs où le jeu se montre le plus enivrant : lorsque l’on tente d’appréhender les différentes possibilités et qu’on explore de nouveaux procédés.

    12 Minutes Screenshot

    Le jeu tire donc tout son intérêt du plaisir de la découverte. On se laisse prendre dans cette histoire, à la recherche du moindre indice qui permettrait de mieux comprendre la toile de fond. On tâtonne avec des repères qui s’accumulent à chaque boucle rejouée. Excepté quand on loupe un détail et qu’on patauge pendant des heures dans un marasme nauséabond. On est quelquefois frustré, surtout lorsque l’on a l’impression d’avoir épuisé toutes les idées qu’on avait en stock. Rien de bien compliqué pour les habitués du genre néanmoins, qui ne seront pas dépaysés : recherche d’objets, combinaison et exploration de nouveaux dialogues font partie des principales réflexions. Cette aisance leur permettra de découvrir avec un rythme effréné les twists prévus par Luis Antonio. De ce côté-là, j’avoue être mitigé : si les retournements de situation fonctionnent bien, les révélations à mesure qu’on s’approche du grand final me semblent un peu faciles, effleurant parfois le pathos et d’autres fois un effet choc maladroitement appuyé. Surtout qu’il devient difficile de ressentir de la compassion pour ces personnages après autant de morts et de mensonges. Ils finissent par se transformer en de simples engrenages d’un scénario bien huilé, tout en perdant peu à peu leur personnalité lors de dialogues répétés trop souvent.

    … Mais pas pour les bonnes raisons

    Et c’est là le principal problème du jeu. Recommencer une boucle et attendre 5 minutes une parole précise pour y déceler un nouveau détail ne peut qu’ennuyer le joueur, vite frustré par cette monotonie. Les mêmes actions se reproduisent sans cesse. Par exemple, au début de chaque essai, notre dulcinée vient embrasser goulument le protagoniste. La première fois, on trouve ça mignon, la deuxième aussi. Puis la dixième, on commence à pester. Et la trentième, on martèle avec frénésie le clic de la souris pour ignorer son étreinte – ce qui s’avère impossible. Il y a bien des raccourcis de faits et la possibilité d’accélérer les dialogues, octroyant un gain de temps non négligeable, mais rien qui n’empêche l’ennui de s’installer. À l’inverse d’un The Forgotten City qui joue astucieusement avec le temps, 12 Minutes enferme le joueur dans sa gestion des minutes pour l’oppresser et appuyer cette sensation d’urgence constant. S’il ne fait aucun doute que cette mécanique marcherait du feu de dieu dans une salle obscure, elle ne fait ici qu’agacer le joueur, las d’avoir à recommencer les mêmes actions pour déceler un détail – parfois anodin – supplémentaire. Et pourtant, ça partait clairement d’un bon sentiment : on sent le soin apporté au moindre détail, à la moindre possibilité d’action. Enfin, sauf les plus évidents, comme pousser une commode derrière une porte pour empêcher un assassin de venir vous étriper ou fouiller sous le canapé pour trouver un objet central dans le scénario.

    12 Minutes Screenshot

    Et ce n’est peut-être pas plus mal finalement. Parce qu’autant le dire tout de suite, les interactions dans 12 Minutes finissent par devenir une véritable torture. Prenez par exemple l’action de mettre de l’eau dans une tasse. Ça paraît simple et rapide, non ? On s’empare d’une tasse, on ouvre le robinet, puis on le ferme une fois la tasse remplie. Ici, rien que ça prend une dizaine de secondes – en étant à côté de l’évier. Alors, quand on stresse parce qu’on sait qu’un tueur va débarquer chez soi avec la délicate ambition de ne pas être gentil, ça devient vite exaspérant. Malgré le soupçon d’exagération derrière mon exemple, il faut bien comprendre la réalité qui se dévoile devant les yeux du joueur désespéré : toute action se voit enlisée dans une lourdeur effroyable. Bien sûr que cette lourdeur se justifie par l’intention réaliste du jeu. Et je pourrais l’entendre, si le personnage que l’on incarne n’avait pas connaissance ce qui risque de lui arriver dans les minutes qui suivent. Ne serait-il pas plus pragmatique d’avoir la peur au ventre et de se précipiter à l’endroit où le joueur l’envoie, plutôt que de marcher de manière détendue et à la vitesse d’un octogénaire à reculons ?

    12 problèmes à la minute

    C’est d’ailleurs un des éléments qui m’a le plus surpris lors des 4h qu’il m’a fallu pour voir le bout de l’aventure : le manque de personnalité du personnage principal. Pourtant doublé par MacAvoy (reconnu pour ses rôles dans Split et X-Men), le bougre semble totalement apathique, excepté en de rares occasions. Rarement affolé, jamais angoissé; voilà un précepte que j’aimerais moi aussi appliquer dans mon quotidien pour plus de sérénité. Sauf qu’en termes d’immersion, on se retrouve dans un entre-deux étrange. On n’est pas ici face à un RPG, qui laisse au joueur la possibilité d’instiller sa personnalité à travers des choix et une personnalité effacée du personnage; mais on n’est pas non plus face à un protagoniste aux réflexions riches. Excepté quelques instants de peur, de colère et un peu de joie, rien ne semble l’ébranler ou le déranger outre mesure. Revivre sans cesse le même schéma crée forcément une résistance à la douleur ou aux surprises, certes. Sauf que dès le début, cette histoire de boucle temporelle et de tueur qui revient à chaque fois le laisse globalement de marbre. En même temps, il faut bien avouer que sa chère et tendre, incarnée par Daisy Ridley, ne l’aide pas vraiment. Cette dernière ne lui renvoie pas plus d’émotion que moi face à un sapin – que je n’affectionne pas spécialement. Au-delà du manque d’entrain, les dialogues n’ont rapidement plus ni queue ni tête, s’enchaînant au gré des scripts sans conserver la moindre constance. Au beau milieu d’une discussion, les personnages peuvent passer du coq à l’âne en fonction de leurs envies ou des événements. On a presque l’impression d’assister à une scène de ménage entre bipolaires, ce qui s’avère trop souvent déroutant.

    12 Minutes Screenshot

    Et je ne vous parle même pas des autres problèmes techniques, qui enterrent définitivement toute immersion possible. Pris par le suspense, on les omet volontairement au début. Puis à force de recommencer les mêmes actions, elles finissent par sauter à la figure : les animations d’un autre temps comme les visages flous qui empêchent toute humanité font vraiment tache dans un jeu à la volonté cinématographique évidente. Il y a bien des effets de lumière sympas, mais tout le reste est au mieux passable, au pire décevant. On est à des kilomètres de la fluidité que laissait présager le premier trailer, celui qui a créé toute la hype autour du jeu.

    12 Minutes Screenshot

    Points positifs


    Le début du jeu...
    Le huis clos en vue du dessus
    Un scénario prenant
    La progression au fur et à mesure
    La voix de William Dafoe

    Points négatifs


    ... Jusqu’au moment où ça part en vrille
    Les dialogues et leur inconstance
    La lourdeur du personnage
    Certaines boucles vraiment inutiles
    McAvoy et Ridley, décevants
    Techniquement, c'est pas fou

    4
    Décevant
    12 Minutes surprend autant qu'il déçoit. Malgré un début intriguant, la rigidité de son gameplay, ses animations crispantes, l'inutilité de certaines boucles ou encore ses dialogues inconstants le font tomber dans des travers vidéoludiques qui l'empêchent de révéler son plein potentiel. Certains joueurs – comme le montre la presse américaine – y verront ce qui leur a été promis : un thriller prenant qui se base sur un élément de narration rarement vu dans un jeu vidéo, à savoir le huis clos. Pour les autres, ce sera surtout un point'n click aux défauts si imposants qu'ils ne sauront apprécier son scénario. Ce qui est sûr, c'est qu'il ne laissera personne indifférent, et qu'à la manière d'un Death Stranding, tout le monde aura un avis bien tranché dessus.

    Tags

    PCAnnapurna

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    DonBear

    DonBear

    Fondateur

    DÉVELOPPEUR :

    Luis Antonio

    ÉDITEUR :

    Annapurna Interactive

    DATE DE SORTIE :

    20 aout 2021

    PLATEFORME :

    PC et Xbox One/Series

    PRIX À LA SORTIE :

    24,99

    Testé sur PC

    Table Of Contents

    1
    12 minutes de sueurs froides...
    2
    ... Mais pas pour les bonnes raisons
    3
    12 problèmes à la minute

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