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  • Dans les coulisses de Cyberpunk 2077

    Par DonBear
    Publié dans Coulisses
    8 oct. 2023
    38 min de lecture

    C’est avec le trailer de 2013 que s’amorce une histoire pleine de rebondissements. Mais avant, il faut retourner quelques années en arrière.

    En 1982, Blade Runner sort au cinéma, et parmi les milliers de gens qui vont le voir se trouve Mike Pondsmith, créateur de jeu de rôle et fondateur de R Talsorian Games. Pour lui, c’est une grosse claque. En fait, c’est une si grosse claque que ça va le motiver à créer son propre univers cyberpunk.

    Une création qui nécessite beaucoup de recherches. Il regarde autour de lui et imagine l’utilisation des technologies dans un monde pas si fondamentalement éloigné du sien. Faut dire que, dans les années 80, l’imagination était fertile quant aux technologies à venir. Mais un élément en particulier lui pose problème : le genre cyberpunk est généralement centré autour d’un looser rarement victorieux à la fin. Et, je pense qu’on est d’accord, personne a envie de se lancer dans une bataille perdue d’avance. La solution pour Pondsmith consiste à créer un jeu où on n’incarne pas un héros badass mais quelqu’un de compétent dans un monde pourri jusqu’à l’os. Et pour ça, il faut que ce monde soit crédible. Le jeu de rôle Cyberpunk reprend à la perfection le thème central du genre : le but n’est pas de sauver le monde, mais de se sauver soi-même.

    Cyberpunk 2013 sort en 1988 et s’étend au fil des ans à travers un vaste univers, et c’est peu de le dire : à l’heure actuelle et en comptant les publications suivantes, à savoir Cyberpunk 2020 et Cyberpunk Red, on compte plus de 50 livres. Le jeu de rôle Cyberpunk se déroule dans un monde uchronique où les Etats-Unis s’enlisent dans un conflit en Amérique centrale, leur faisant perdre leur hégémonie économique et militaire. L’Europe et le Japon deviennent des super puissances, et l’URSS ne s’effondre pas. En parallèle, des stations orbitales sont créées et deviennent des états indépendants, tandis que sur Terre les mégacorporations gagnent en puissance et se vouent une guerre sans merci pour la domination économique. Le lieu principal du jeu s’appelle Night City, une ville d’environ 5 millions d’habitants entre Los Angeles et San Francisco, largement dominée par la culture japonaise. Elle est le théâtre d’événements importants, comme l’attentat commis par Johnny Silverhand contre Arasaka.

    Difficile de tout résumer, mais Pondsmith s’est surtout concentré sur l’utilisation de la technologie comme un outil : le but n’est pas de mettre des voitures volantes pour donner une ambiance futuriste, mais bien de savoir comment elles s’intègrent dans le quotidien des gens. C’est un monde crédible, ou les mécaniques de jeux se basent sur le système Interlock, inventé par Pondsmith. Tout ça va aboutir à un énorme succès avec pas moins de cinq millions de joueurs dans le monde.

    DEVELOPPEMENT

    Une vingtaine d’années plus tard, le téléphone de Pondsmith sonne. « Salut Mike, nous sommes des développeurs et… on aimerait faire un jeu Cyberpunk. ». Pondsmith voyage jusqu’en Pologne pour les rencontrer, mais sans y croire vraiment. Il s’attend plutôt à rencontrer « quatre mecs et une chèvre ». Autant dire qu’il va être surpris par l’enthousiasme des membres de CD Projekt. C’est pas la première fois qu’on lui demande de faire un jeu autour de sa création, mais c’est la première fois qu’il accepte. Le contrat prend environ 6 mois à se concrétiser, et octroie à CD Projekt la licence à partir de l’année 2077 dans l’univers du jeu « jusqu’à la fin des temps et qu’il gèle en enfer ». Tout ce qui se passe avant continue d’appartenir à R Talsorian Games, permettant à Pondsmith de publier Cyberpunk Red, qui fait le lien entre Cyberpunk 2020 et le jeu vidéo.

    Mais l’apport de Pondsmith à Cyberpunk 2077 ne se limite pas à une simple signature sur un contrat : il va activement participer à son développement en tant que consultant. Par exemple, sa connaissance de l’univers va permettre d’aiguiller certaines décisions artistiques, comme les visuels des armes. Le fait qu’il contribue également à l’écriture du scénario permet de créer une continuité cohérente avec le jeu de rôle, même si les scénaristes ont décidé de placer Cyberpunk 2077 dans une réalité alternative pour avoir plus de liberté.

    Et surtout, sa connaissance du monde du jeu vidéo lui donne des idées de gameplay. Il a par exemple bossé sur le célèbre Ultima, il a contribué à des jeux comme Crimson Skies ou The Matrix Online en tant que producteur chez Microsoft. En gros, il sait de quoi il parle. Autant dire que ça change d’ambiance comparé à Sapkowski, qui avait vendu les droits de The Witcher à CD Projekt sans se soucier de la suite et avait même refusé d’obtenir une part des ventes, avant de se rendre compte du succès phénoménal du jeu et revenir sur sa décision.

    De son côté, CD Projekt a de l’ambition. Une énorme ambition. Alors que The Witcher 2 est sorti l’année précédente et que The Witcher 3 est dans les tuyaux, Marcin Iwinski, co-fondateur du studio, présente Cyberpunk pour la première fois en 2012. Les superlatifs qu’il utilise ont le mérite de montrer leur volonté de faire un jeu sans précédent. L’annonce est faite : le studio va quitter la dark fantasy et les sorceleurs après The Witcher 3 pour se plonger dans le transhumanisme et les rues sombres. C’est là qu’on arrive en janvier 2013, avec le fameux trailer qui va susciter une énorme hype. Le jeu entre en préproduction, mais l’équipe est restreinte. Elle n’est composée que d’environ 50 personnes, et pour une bonne raison : tout le monde est concentré sur The Witcher 3. Au début, les têtes pensantes se disent que gérer deux projets en parallèle est faisable, mais The Witcher ne fait que grossir au cours de son développement, exigeant toujours plus de main d’œuvre. Jusqu’en 2016, les aventures du sorceleur et ses extensions vont finalement monopoliser la majorité des ressources. Fort heureusement, son succès va permettre au studio de rapidement grossir. Là où on comptait 250 développeurs sur The Witcher, ils sont plus de 500 sur Cyberpunk, sans compter les prestataires externes.

    Tout ce beau monde travaille sur ce qui est devenu la marque de fabrique de CD Projekt : créer une histoire prenante se déroulant dans un univers crédible. Parce que savoir raconter une histoire comme personne, c’est bien ça qui a fait le succès de CD Projekt. C’est d’ailleurs l’un des seuls studios à avoir une équipe spécialement dédiée à la construction des quêtes. Comme pour The Witcher, elles vont faire des merveilles sur Cyberpunk. Des merveilles résumées par Pawel Sasko lors d’une conférence à la GDC, que je m’en vais bien sûr vous expliquer.

    Bien sûr, certains points semblent tomber sous le sens, comme le fait de laisser de l’espace aux personnages pour les laisser exprimer leur personnalité. Pour ressentir de l’empathie, il faut qu’ils soient crédibles. Les moments plus intimistes qui sortent du cadre de l’histoire principale sont eux aussi importants car ils créent une connexion avec les personnages. Le fait que Panam pose ses jambes sur nous alors qu’on discute tranquillement avec elle, ça crée une situation qui peut sembler être une perte de temps si on pense à la progression du scénario, mais c’est pourtant ces moments et ces gestes d’affection qui rend les personnages si attachants. Ça semble aussi être du bon sens de donner une progression à la quête et de ne pas donner toutes les clés de compréhension dès le début pour happer le joueur et lui donner envie de savoir la suite. Ou de créer des passages émotionnellement impactants, des séquences qui restent gravé dans la mémoire et qui reviennent chaque fois qu’on parle du jeu.

    Mais d’autres aspects sont beaucoup plus subtils, notamment les choix, un élément important dans les jeux de CD Projekt. Selon Sasko, il ne suffit pas d’imposer un dilemme, mais bien de développer chacune des options en amont pour donner autant de crédibilité à chacune d’entre elles. Il faut aussi dans d’autres cas réussir à anticiper ce que veut le joueur pour lui proposer l’option parfaite, donnant lieu à une satisfaction immédiate. Bien sûr, les développeurs font tout en amont pour donner envie au joueur de choisir cette option. Toute cette construction, qu’elle concerne des choix sans importance ou des dilemmes moraux, doit être minutieusement étudiée. Il faut que les enjeux soient clairs et que les choix soient tous convaincants. Par exemple, dans Cyberpunk, le fait que Johnny Silverhand porte les traits de Keanu Reeves, ça influence forcément le joueur à l’apprécier, parce que c’est un visage familier. Forcément, si choix il y a, le joueur aura tendance à aller dans son sens par ce simple fait. Si c’est une ordure au début du jeu, c’est certes pour lui permettre d’évoluer au cours de l’aventure, mais aussi pour contrebalancer cette sympathie conférée par l’acteur.

    Toutefois, ces choix ne seraient pas aussi impactants sans leurs conséquences. Sasko explique qu’un bon choix doit avoir des conséquences sur le court terme et le long terme. Et surtout, qu’elles ne doivent pas être trop subtils, auquel cas le joueur risque de passer à côté. Bien sûr, le talent des designers ne se limite pas à ça. Ils réussissent à sortir de leur zone de confort et proposer du contenu qui sort des sentiers battus, ils savent décontenancer le joueur avec des choix inattendus, et ils savent mettre l’accent sur ce qui est important. Ils avaient déjà fait leurs preuves avec The Witcher 3, et ils n’ont fait que le confirmer avec Cyberpunk 2077. Même si certains partis pris font débat, comme celui de la cinématique à la fin de l’introduction, qui expédie six mois de la vie de V en 1 minute 30. Les joueurs considèrent que ça aurait dû être intégré au jeu et complètement jouable, mais les développeurs ne sont pas de cet avis. Si on ajoute le fait que beaucoup de joueurs trouvent The Witcher 3 trop long comme le montrent les statistiques et que CD Projekt a pris la décision de faire un jeu plus court, tout devient logique. Mon but n’est pas trancher pour savoir si c’était une bonne idée ou non, mais en tout cas c’est un choix cohérent.

    A côté de ça, il faut créer un monde futuriste, et c’est une autre paire de manches. Le cyberpunk ne se limite pas à des néons et de la pluie : il faut imaginer chaque recoin de la ville, créer des centaines d’assets pour divers accessoires, designer les armes et les voitures, et une tonne d’autres choses. Créer une ville de l’ampleur de Night City est un énorme challenge. The Witcher ne l’étais pas moins tant le monde était grand, mais sur Cyberpunk, la complexité est d’une autre nature :

    Ce n’était pas plus facile de construire toutes ces forêts et ces prairies, mais c’était plus permissif. Si un arbre est un peu trop à droite, c’est exactement ce à quoi ressemble une forêt. Mais si on place un bâtiment trop loin d’un autre au milieu de la ville, ça ne peut pas marcher. Il faut remplir l’espace entre les deux avec d’autres éléments.

    Borzymoski

    Et comme le studio se refuse à utiliser la génération procédurale pour créer la ville, une équipe entière est uniquement dédiée à sa cohérence. La première chose a être réfléchie n’est pas le style visuel de la ville mais plutôt l’agencement et la taille de chaque élément qui la compose. La taille que doit faire telle route ou telle pièce, la hauteur sous plafond, etc. Quelque chose qui s’apparente à un travail architectural indispensable pour qu’ensuite les environment artists puissent donner vie aux lieux. Lorsqu’ils entrent en scène, leur but est de rendre crédible ce style rétro futuriste des années 80. Pour se faire, ils mettent en place un livre de référence et commencent par créer des dizaines et des dizaines d’objets pour déterminer un style cohérent.

    On a décidé qu’on ne voulait pas utiliser un style futuriste qui correspondrait à une extension de notre réalité. C’est une sorte de dystopie où les choses ont mal tourné, le genre d’histoire qu’on retrouve dans le jeu de rôle.

    Pawel Mielniczuk

    Pour le design général de la ville, les artistes s’inspirent principalement du mouvement brutaliste, qu’ils vont imaginer avec l’aide d’urbanistes. Pour apporter de la diversité, quatre styles sont imaginés : le kitsch, l’entropisme, le néo militarisme et le néo kitsch. Ces quatre styles sont ensuite disséminés dans six quartiers, reprenant en quelques sortes la même logique que The Witcher 3 : chaque zone possède sa propre histoire et ses codes distinctifs, des spécificités architecturales, et même les gens qui la composent sont différents. Mais une ambiance globale doit se dégager, et ça passe par chaque détail. Mais si la ville doit être unique en son genre, les intérieurs doivent eux aussi être minutieusement travaillés. Les level designer vont largement lorgner du côté de l’immersive sim comme System Shock ou Dishonored : le but est d’obtenir des niveaux non linéaires qui proposent différentes options, certaines nécessitant des capacités spécifiques.

    Le level design est pensé de telle sorte que le joueur doit toujours faire un choix entre la route A et la route B. Comme l’explique Miles Tost à la GDC, il ne faut surtout pas qu’elles soient trop proches l’une de l’autre, sinon on a l’impression qu’elles sont similaires. Ou du moins, il ne faut pas que le joueur ait l’impression qu’elles sont proches l’une de l’autre. Il faut aussi que ces différentes routes soient exclusives, parce que sinon la curiosité du joueur est assouvie et il n’a pas l’impression d’être passé à côté de quelque chose. On ne risque pas de se demander ce qu’il y a au bout du couloir si on peut l’emprunter et revenir en arrière. Changer de chemin doit avoir un coût, comme par exemple un ennemi redoutable au croisement des deux routes. Bien sûr, chaque route doit posséder quelque chose d’unique pour gratifier le choix du joueur. Par exemple, choisir d’accompagner tel ou tel personnage est le meilleur moyen d’attiser la curiosité : « et si j’avais choisi l’autre ? », chose qui était d’ailleurs poussée à l’extrême dans The Witcher 2. Pour créer une aventure personnalisée, beaucoup de ces chemins, demande un pouvoir ou un perk spécifique. Par exemple, avoir mis un point dans tel élément pour forcer une porte ou avoir mis un point dans tel élément de piratage.

    Parce que le cœur du game design de Cyberpunk 2077, c’est la liberté, les trois core pillars étant la liberté dans le scénario, la liberté dans le monde, et la liberté dans le gameplay. Les deux premiers étaient déjà au cœur de The Witcher 3, mais celui sur le gameplay est nouveau pour les développeurs : certes il y a différents builds possibles pour Geralt, mais les approches restent malgré tout limités. Dans Cyberpunk, le joueur doit pouvoir se la jouer ninja, bourrin à distance ou au corps à corps, ou encore hacker de l’ombre. Ce qui signifie que chaque choix dans la construction du personnage doit être viable. Pour se faire, ils vont bien sûr bosser l’équilibrage, mais aussi s’assurer que le level design propose toujours un chemin générique, autrement dit un chemin qui ne nécessite aucune compétence spécifique. Comme ça, même avec un personnage pas du tout optimisé, le joueur peut toujours réussir à aller au bout de la mission. Mais ça pose aussi quelques problèmes : le chemin générique est celui utilisé lorsqu’un build ne permet pas d’autres approches, ce qui en fait aussi le plus évident. Et surtout, comme les développeurs veulent que les joueurs aient accès à un maximum de contenu, ils mettent les meilleures récompenses sur cette route. En résumé, spécialiser son personnage donne accès à un sentiment de puissance mais n’apporte pas grand-chose de plus.

    Le fait que Cyberpunk 2077 soit un FPS a donné lieu à de nombreux débats lorsqu’il a été présenté au public. Beaucoup n’étaient pas convaincus car ils s’attendaient à un jeu à la troisième personne. Et les développeurs eux-mêmes pensaient comme ça, puisqu’ils avaient au départ imaginé le jeu avec cette vue-là. Cyberpunk 2077 devait bien être un TPS, mais en 2016, Adam Badowski, directeur de CD Projekt, devient directeur du projet. il décide qu’il en sera autrement et impose le fait que Cyberpunk soit un RPG à la première personne. Une décision qui est loin de faire l’unanimité, au point ou certains développeurs décident de démissionner. Parce que pour eux, c’est un changement radical qui les forcent à aller sur un terrain totalement inconnu. Une façon de faire discutable, qui apporte néanmoins un constat indéniable : ce choix permet de renforcer l’immersion et de rendre la ville d’autant plus impressionnante. Un autre élément est aussi à prendre en considération : dans la trilogie du sorceleur, on incarne Geralt, qui a une histoire et une personnalité propre. On le joue et on le regarde, mais on est pas censé être lui. Alors qu’on est censé être V : c’est notre personnage, façonné de A à Z par nos soins. On est censé être dans son corps. En plus de la perspective, les développeurs vont aussi aller plus profondément dans la narration libre. Dans les The Witcher, la narration et le gameplay étaient nettement dissociés avec d’un côté les promenades, les combats, le craft, etc., et de l’autre l’avancement du scénario à travers des cinématiques où les développeurs montrent ce qu’ils veulent à travers la position de la caméra. Dans Cyberpunk 2077, on ne retrouve pas cette coupure entre les dialogues et le gameplay : les cinématiques à proprement parler se font très rares. En général, on conserve le contrôle de la caméra pendant les dialogues.

    Ceci étant dit, la vue FPS et la liberté offerte pendant les dialogues posent deux problèmes. Le premier, c’est ce que les développeurs appellent la présence du corps : une des grandes difficultés concernant la perspective à la première personne était de donner une physicalité au corps de V. Ça passe par une tonne de questions. Par exemple, à quelle distance faut-il être d’un objet pour pouvoir l’attraper ? Peut-il le faire avec n’importe quel angle ? Pour renforcer l’immersion dans ce corps créé de toute pièce, les développeurs ont choisi de le rendre visible. Dans un dialogue où on est assis, on peut voir nos jambes. Mais réussir à rendre cette vue FPS crédible demande un énorme boulot. Parce qu’on n’incarne plus une caméra qui flotte autour du personnage, mais bien le personnage lui-même. On voit à travers ses yeux. Les équipes vont donc utiliser pleins d’astuces pour appuyer cette présence du corps.

    Le deuxième, c’est que cette liberté dans les dialogues donne la possibilité au joueur de se barrer d’un dialogue quand il veut. Au début, les équipes cherchent 1000 moyens de résoudre le problème, mais finalement, la solution est assez évidente. Et bien sûr, si le jeu est pauvre en cinématique, il n’en est pas exempt malgré tout. Certaines parties vitales du scénario prennent le contrôle du personnage, ou du moins limitent ses mouvements. Le meilleur exemple de cette liberté limitée, et de la présence du corps, c’est bien ce passage : le fait d’être coincé dans un endroit exigu justifie le fait qu’on ne puisse pas regarder derrière soi, et force le joueur à regarder la scène, tout en rappelant au joueur que le corps est physiquement bien présent avec la main sur la vitre.

    Mais pour intégrer cette vue FPS, il a fallu changer le moteur maison en profondeur, le RedEngine. Parce sa version 3 utilisée pour The Witcher 3 était spécifiquement conçu pour les TPS. Un énorme travail, qui est fait en parallèle du développement du jeu. Et pour ceux qui ont vu ma vidéo sur FFXV, vous savez que c’est loin d’être une bonne idée : certaines équipes sont bloquées le temps que les fonctionnalités dans le moteur soient terminés, certaines compétences se retrouvent bloqués, bref c’est un beau bordel. Dans un article de Jason Schreier, un des développeurs fait un parallèle avec le fait de conduire un train en construisant les rails en même temps. Le dérapage semble inévitable. Les équipes le savent bien, mais quand elles en parlent à la direction, la seule chose qu’on leur répond, c’est « on trouvera bien une solution. »

    Les équipes vont malgré tout réussir à passer à la 4eme version du RedEngine, et autant dire qu’ils ne font pas les choses à moitié, puisque chaque aspect du moteur est retravaillé. Ça va permettre beaucoup d’options visuelles, mais aussi de meilleures performances en utilisant une technique nommée le culling, qui, résumée de manière très simpliste, ne calcule pas les objets autour du champ de vision, permettant d’économiser de la ram. Ça ne va pas s’arrêter là, avec la mise en place de partenariats : grâce à l’aide de Nvidia, les développeurs vont intégrer le ray tracing en temps réel, un élément important dans un monde rempli de néons et de lumières artificielles. Mais ce n’est pas tout, puisqu’ils vont aussi utiliser une suite d’outils appelée Jali. Le résultat est bluffant, et à ma connaissance, aucun jeu n’a de meilleure synchronisation labiale que Cyberpunk à l’heure actuelle.

    Pour autant, le développement n’est pas des plus joyeux : les équipes subissent un terrible crunch. On parle ici de semaines à 100 heures, de gens qui bossent le soir et les weekends. Il est difficile d’estimer concrètement quand il a débuté, mais ce qui est sûr, c’est que les conditions de travail sont désastreuses : des employés témoignent après la sortie du jeu et dévoilent l’envers du décor. A force de travail, certains se sont vu abandonnés par leur famille, d’autres qui ont mis leur santé en danger. CD Projekt a beau avoir déclaré ne pas forcer les employés à faire d’heures supplémentaires, la pression sociale les forçait malgré tout à outrepasser leurs limites. Et ce n’est pas tout, parce que l’organisation semble quant à elle totalement débordée. Le studio est rapidement passé de 200 et quelques employés à plus de 500 pour développer Cyberpunk 2077, recrutant dans toute l’Europe. La communication va largement en patir, avec des employés polonais ne parlant pas toujours anglais et ayant donc du mal à se faire comprendre. Il arrive même que deux personnes fassent le même élément en double sans le savoir. Et surtout, malgré tout ce monde qui arrive, ça reste insuffisant : 500 personnes pour un quadruple A, c’est largement pas assez. En comparaison, GTA V et Red Dead Redemption 2 ont été créés par plus de 1000 personnes, The Last of Us 2 comptait plus de 2300 personnes sur le projet, et même Assassin’s Creed en 2007 avait nécessité le travail de 1600 personnes. Des équipes sous staffée, qui bossent sur des fonctionnalités nouvelles : forcément, ça crunch comme pas possible.

    LA COMMUNICATION

    Tout ça, le public n’en a aucune idée. Parce que CD Projekt va rester silencieux jusqu’en 2018. Cyberpunk 2077 revient en grande pompe même s’il ne montre pas grand-chose : on a pas de gameplay, aucun élément scénaristique, simplement l’ambiance de la ville et une direction artistique à tomber par terre. Mais le coup de maître, ce sont ces 48 minutes de gameplay présentés uniquement aux journalistes qui ressortent tous avec un avis dithyrambique. On parle d’avant et d’après Cyberpunk, de Gautoz qui a la mâchoire au niveau du sol en se demandant s’il avait devant lui le légendaire jeu vidéo capable de les gouverner tous. En gros, des avis qui créent un énorme engouement, et CD Projekt le sait bien. Alors l’entreprise va laisser passer un peu de temps en disant ne pas vouloir montrer le jeu en l’état, mais finit par le faire le 27 aout 2018 sur sa chaîne Twitch. Le monde entier découvre alors pourquoi les journalistes étaient aussi emballés : tout dans cette démo laisse rêveur. Ce n’est que la première mission et c’est pourtant déjà hyper prenant, tout a l’air parfait ou presque. Personnellement, je crois bien l’avoir regardé une dizaine de fois tellement je n’en revenais pas.

    Mais… c’était trop beau pour être vrai. La grande majorité de la démo est construite de toute pièce et ne repose absolument pas sur ce qu’est réellement le jeu. On ne parle pas d’un simple boost graphique comme ça a pu être le cas avec The Witcher 3, mais bien de fonctionnalités pas encore développées. Quand on voit la ville grouiller de PNJ, les embuscades en voitures non scriptées, la possibilité de grimper aux murs, tout ça n’existe pas en réalité. Les équipes ont perdu plusieurs mois de travail pour créer cette démo et faire rêver les gens.

    Ça, seul les employés de CD Projekt le savent en 2018. Le reste du monde exulte devant une ambition démesurée et imagine déjà tenir le jeu de la décennie. A partir de là, c’est un véritable capharnaüm : un nombre incommensurable d’articles paraît tous les jours. On ne parle que de Cyberpunk qui vole la vedette à d’autres jeux très attendus. La hype grandit, grandit encore et ne s’arrête plus.

    Elle s’accroit d’autant plus à l’E3 suivant lorsque un nouveau trailer est présenté et qu’on y aperçoit un certain monsieur. Quand il débarque sur scène, tout le monde est en liesse, avec le désormais célèbre « you’re breathtaking ». Un coup de génie de la part de CD Projekt pour une raison toute simple : Keanu Reeves est le boyfriend d’internet. C’est un acteur avec une réputation intacte et très appréciée par tout le monde. Sans doute parce qu’il joue dans l’un des meilleurs films de l’histoire, mais aussi parce qu’il est souvent dépeint comme un homme à la vie simple, loin du star system. Il a vécu des drames, il prend le métro, il est respectueux et mange même parfois sur un banc, comme tout le monde. Il offre des rolex aux cascadeurs, bref c’est apparemment quelqu’un de bienveillant et généreux. Alors le voir dans Cyberpunk 2077, ça ne peut que faire monter la hype d’un cran et enthousiasmer même les plus récalcitrants.

    Mais il y a autre chose. Durant cette présentation en 2019, après que Keanu Reeves… ai fait du Keanu Reeves, un petit trailer va révéler une information primordiale : TRAILER DATE DE SORTIE. Cyberpunk 2077 est censé sortir dans moins d’un an. Et à partir de là, la communication va s’accélérer d’un coup : des lives sur Twitch sont régulièrement diffusés avec des making-of, des extraits de gameplay, des interviews, etc. Les fans passent de 5 ans sans aucune nouvelle à un jeu au centre de toutes les attentions. Tout le monde en parle, tout le temps. Tout semble rouler pour CD Projekt, malgré l’annonce en janvier 2020 d’un report du jeu d’avril à septembre de la même année. Le jeu est jouable de bout en bout, mais il faut encore beaucoup de travail pour tester le jeu et le polisher. Une annonce plutôt positive donc, puisque le but est de sortir le jeu dans le meilleur état possible. Sauf que la suite va mal se passer. Très mal.

    LA DESCENTE AUX ENFERS

    Si la Pologne n’impose pas un confinement aussi strict que celui mis en place en France, CD Projekt décide malgré tout de mettre tout le monde en télétravail, tout en précisant dans un communiqué que ça ne change rien à la date de sortie, toujours fixée à septembre. Mais en réalité, les équipes sont confrontées au même problème que d’autres studios : passer d’un travail en présentiel à du télétravail à temps complet demande beaucoup d’adaptation et de réorganisation. Difficile d’estimer concrètement l’impact sur le développement de Cyberpunk, mais le Covid a assurément joué un rôle non négligeable. Par exemple, les kits de développement sur console n’étaient pas à disposition des développeurs, les empêchant de faire des tests pour voir comment tourne le jeu. Selon Iwinski, un travail qui prend plusieurs minutes au bureau se transforme en plusieurs heures à distance.

    Evidemment, ça ne va pas louper, l’annonce est faite le 18 juin que le jeu est repoussé une nouvelle fois du 17 septembre au 19 novembre. Selon les dires du studio, le jeu est terminé mais il a besoin d’équilibrage et de nombreux bugs restent présents. Sauf qu’en septembre, un article de Jason Schreier dénonce les pratiques douteuses de CD Projekt. Contrairement à la promesse faite en 2019 que les développeurs n’auront pas à cruncher , une semaine de six jours est mise en place. En plus de cette annonce, on peut aussi lire le témoignage d’un employé anonyme qui déclare que la situation est tendue pour certains depuis déjà plus d’un an, avec des semaines avoisinant les 100h. Adam Badowski a beau déclarer que les heures supplémentaires seront payées , ça n’empêche pas certaines critiques de se faire entendre et le doute de s’installer.

    Et il ne va faire que s’intensifier lorsque le jeu est de nouveau reporté. Alors que CD Projekt annonce le 5 octobre que le jeu passe gold, un nouveau report est annoncé le 20 octobre : Cyberpunk 2077 ne sortira plus le 19 novembre mais le 10 décembre. Il faut vérifier que toutes les versions sont stables, et ça en fait quand même 9 au total. En interne, ça semble être une évidence : de nombreux bugs importants sont toujours découverts quotidiennement. Le jeu n’est en réalité pas du tout viable, et ce n’est pas le report de trois petites semaines qui va changer grand-chose. Contrairement aux deux autres reports, celui-ci passe mal auprès des joueurs : quelques abrutis vont même jusqu’à envoyer des menaces de morts aux développeurs. Je vous laisse imaginer l’état psychologique dans lequel ils sont : ils font des semaines qui vont jusqu’à 100h de travail, ils reçoivent des menaces de mort, et en plus ils apprennent le report en même temps que le grand public ! Pourquoi CD Projekt cacherait à ses propres équipes que le jeu est repoussé ? Parce que la décision a été prise sur un coup de tête et que la loi polonaise interdit d’informer ses employés sans leur faire signer un accord de non divulgation, auquel cas ça pourrait être considéré comme de la manipulation de marché. Je vais pas rentrer dans le détail, un article de GameInformer est disponible en description pour ceux qui veulent, mais ce qui est sûr c’est que les développeurs sont désemparés. Le pire, c’est que leur descente aux enfers n’est pas prête de s’arrêter.

    Malgré tout, l’attente autour du jeu est colossal. Il reçoit des prix de partout, Gamesindustry déclare dans un article qu’aucun jeu dans l’histoire du jeu vidéo à part peut-être GTA 6 n’a crée d’attente aussi élevée. Tout le monde s’attend à recevoir une claque similaire à celle prise avec The Witcher 3, voire plus grande encore. Même BFMTV en parle. Mais le jour J, la réalité écrase tous ces espoirs : Cyberpunk 2077 sort dans un état catastrophique.

    Le 7 décembre, 3 jours avant la sortie, les premiers tests de la version PC arrivent. Il reçoit de bonnes notes, avec des avis qui vont globalement dans la même direction : Cyberpunk 2077 n’est pas à la hauteur des attentes, mais ça reste un excellent jeu. Jusque là, rien de grave, exception faite d’un détail qui a son importance : CD Projekt a uniquement envoyé des clés PC aux journalistes et aux influenceurs. Personne ne connaît l’état des versions consoles. La seule chose à laquelle on peut se fier, c’est la parole du studio qui annonçait le 27 novembre qu’elles tournaient étonnamment bien. Un mensonge de plus dont tout le monde va pouvoir être témoin ce fameux 10 décembre : le jour de la sortie signe un tournant avec le plus gros scandale industriel de l’histoire du jeu vidéo.

    La première chose qui frappe, ce sont les bugs en pagaille : rien ne semble marcher correctement sur les versions PS4 et Xbox One. Des centaines voire des milliers de vidéos sont postées et montrent l’étendue des dégâts. Je ne vais pas m’attarder sur ce point précis parce que je pense que ça a été la partie la plus visible de l’iceberg autour de la sortie de Cyberpunk, mais c’est du jamais vu. CD Projekt réussit à faire pire que Bethesda. A côté de ces bugs qu’on pourrait considérer comme tristement drôles, il y a aussi ceux qui posent de vrais problèmes, à l’instar d’un bug sur PC qui peut tout bonnement corrompre la sauvegarde. Si elle dépasse 8 Mo, vous pouvez dire adieu à votre partie. Et le problème, c’est qu’on peut facilement y arriver puisque chaque objet ajouté à l’inventaire augmente sa taille. Que répond CD Projekt quand les joueurs leur demande de l’aide sur leur forum ? N’ajoutez pas trop d’objets à votre inventaire. Bravo.

    Les performances sont elles aussi une sombre histoire. Sur les PC récents c’est au petit bonheur la chance, et sur console c’est une boucherie. Tout s’effondre, et les promesses non tenues arrivent au cœur des discussions. la routine des PNJ, la police qui vous poursuit et qui peut être corrompue, exit la possibilité de tirer en voiture, exit les lames mantis qui permettent de grimper sur les murs, exit la foule et la ville pleine de vie, exit la caractéristique cool qui devait influencer sur la réputation et les dialogues, exit le métro, exit les choix liés au chemin de vie choisi au début du jeu, exit la possibilité d’avoir plusieurs appartements, et encore tant d’autres choses. Un joueur a créé un fil sur Reddit qui revient sur toutes ces promesses non tenues, et la liste semble interminable.

    Peu importe où on regarde, Cyberpunk ressemble au Titanic. Une journaliste a fait une crise d’épilepsie lors de la scène où V enfile un casque pour entamer une braindance, et bien sûr aucune option n’est possible pour empêcher ces flash lumineux. Bref, rien ne semble aller pour Cyberpunk 2077 que les gens attendaient depuis 8 ans. Tout le monde a l’impression d’être lésé. Même la déclaration selon laquelle Keanu Reeves aurait apprécié le jeu est fausse, puisqu’il a avoué n’y avoir jamais joué. Quand on repense au fait que CD Projekt se comparait à Rockstar en 2018, ça pourrait prêter à rire si ce n’était pas aussi dramatique, à l’image de ce tweet amusant en 2018, beaucoup moins en 2020. Heureusement, la communauté de moddeurs est au taquet et propose très rapidement de quoi améliorer l’expérience de jeu sur PC, déjà moins catastrophique que celle sur consoles. Avec parfois quelques écarts. Mais le scandale va faire tellement de bruit qu’il va même remonter jusqu’aux oreilles du gouvernement, via l’Office de la concurrence et de la protection des consommateurs, qui menace le studio de l’amputer de 10% de ses revenus de 2020 s’il ne fait rien pour remédier à la situation. Il faut dire que le gouvernement polonais a contribué au développement du jeu à hauteur de 7 millions d’euros , et ne doit pas se réjouir de voir le résultat.

    Malgré la grogne des joueurs, qu’on ne se voile pas la face : le jeu est un immense succès commercial. Avec pas moins de 8 millions de précommandes, Cyberpunk 2077 réalise le meilleur lancement de l’histoire sur PC. Rendez vous bien compte : Cyberpunk 2077 était déjà rentable le jour de sa sortie, malgré un budget global estimé à 328 millions d’euros, ce qui en fait au passage l’un des jeux les plus chers de l’histoire. 2 semaines avant la sortie, il générait déjà 50 millions de dollars seulement sur Steam , et 2 semaines après il était déjà à 13 millions de ventes. Un succès phénoménal donc, mais il faut malgré tout limiter les dégâts. Parce que si le portefeuille se porte bien, la réputation est quant à elle sacrément écorchée, et récupérer la confiance des joueurs est primordiale.

    4 jours après le lancement du jeu, CD Projekt s’excuse auprès des joueurs avec l’habituel fond jaune et leur propose un remboursement s’ils ne sont pas satisfaits du jeu, même sur console. Si ça semble être du bon sens, c’est pourtant quelque chose qui va contre les conditions d’utilisation : à partir du moment où un jeu est téléchargé, il n’est plus sujet à un potentiel remboursement. Et autant le dire simplement, Sony n’est pas aux anges. Le 18 décembre, le constructeur met en ligne un formulaire pour les demandes de remboursements, et retire Cyberpunk de son store. Un jeu qu’on ne peut pas acheter en ligne tellement les retours sont mauvais, c’est l’un des nombreux records qu’on peut ajouter au sinistre palmarès de Cyberpunk 2077. Quelques mois plus tard ont été communiqués les chiffres de demandes de remboursement : CD Projekt déclare avoir enregistré 30 000 demandes de remboursement, sur 13,7 millions de ventes au moment de la déclaration, soit 0.23 % des joueurs. Mais la petite filouterie, c’est que ce chiffre ne concerne que les demandes faites directement à CD Projekt : on ne compte pas celles faites sur Steam ou sur consoles directement.

    Quoiqu’il en soit, les investisseurs n’aiment pas trop la tournure des événements. Iwinski a beau essayé de justifier ses choix et de leur expliquer ce qui a mené à un tel drame, ils n’en ont cure et vont tout bonnement poursuivre le studio en justice. La plainte se justifie par le fait qu’on leur a « menti, ainsi qu’aux consommateurs, sur l’état de Cyberpunk 2077 sur les consoles PS4 et Xbox One ». Les investisseurs réclament 11 millions de dollars de dommages et intérêts, qu’ils n’obtiendront finalement pas : l’affaire se résout à l’amiable en 2023, avec CD Projekt qui débourse quand même 1,85 millions de dollars.

    Le 13 janvier 2021, Marcin Iwinski accompagné de ses valises sous les yeux présente ses excuses et promet une amélioration du jeu dans les mois à venir. La fin du calvaire ? C’était sans compter sur Jason Schreier, qui rebalance un pavé dans la mare. Dans un long article appuyé par une vingtaine de témoignages, le journaliste va dévoiler les sombres coulisses d’un développement au moins aussi houleux que la sortie du jeu. Tout y est : le crunch, la démo de 2018 qui était fausse, les choix de la direction totalement à l’ouest, tout dans l’article montre la déconnexion totale des dirigeants de CD Projekt avec leurs employés. En lisant ça, Adam Badowski n’a pas pu s’empêcher de réagir sur Twitter. Il tente d’apporter des précisions, qui ne convaincront sans doute pas grand monde. Par exemple, il explique que c’est normal que les éléments changent entre la démo de 2018 et la version finale, tout comme c’est normal dans le processus de développement de supprimer des fonctionnalités. Ce qui n’est bien évidemment pas le vrai problème : le vrai problème, c’est d’avoir menti aux joueurs en leur vendant quelque chose qui n’existe tout simplement pas. Bref, vous en faites ce que vous voulez, mais la défense me paraît faible.

    Et du coup, les primes dans tout ça ? Un rapport annuel de la boite permet de connaitre à peu près les montants. Les employés ont bien eu une prime grâce au succès commercial du jeu, allant jusqu’à 20 000 dollars pour les développeurs les plus anciens, et plus encore pour les managers. On pourrait se dire que c’est pas mal, jusqu’au moment où on apprend que les membres du conseil d’administration ont des primes qui se comptent en millions. Oui, c’est bien ceux qui ont pris des décisions insensées tout au long du développement qui récoltent la plus grosse part du gâteau.

    POURQUOI UN TEL NAUFRAGE ?

    Avant d’aller plus loin, j’aimerais ouvrir une parenthèse sur les causes de cette catastrophe industrielle. On l’a vu, les conditions de développement et la communication mensongère y sont pour beaucoup, mais ce n’est selon moi pas suffisant pour expliquer l’ampleur du phénomène. On parle quand même d’un événement qui est entré dans les annales, quelque chose d’unique à l’heure actuelle et sans commune mesure. Alors, comment expliquer tout ça ? Ce qui suit n’est qu’une interprétation des faits et une analyse personnelle, c’est donc bien sûr à prendre avec des pincettes.

    Je crois que globalement, ça se résume à deux facteurs déterminants : l’ambition démesurée de CD Projekt, et le rapport aux actionnaires. L’ambition démesurée de CD Projekt, elle se ressent dès le premier trailers et la tonne de superlatifs utilisés pour parler du jeu : un immense RPG, ultra immersif, du jamais vu, etc. Si le studio s’est donné les moyens pour y arriver avec un budget faramineux, on parle quand même d’un tas de nouveautés pour les développeurs : développer un RPG à la troisième personne dans un monde de dark fantasy, c’est pas la même chanson que développer un RPG à la première personne dans un monde futuriste. Le feeling des armes, la conduite, la ville grouillante de monde, la police, le piratage, tout ça c’est nouveau pour eux. Et même s’ils ont réussi à créer l’une des plus belles villes qu’il m’ai été donné de voir, ça faisait sans doute trop. Surtout avec le Covid en 2020 qui en a rajouté une sacrée couche, et bien sûr l’organisation déjà foireuse à la base. Et c’est sans parler de l’aspect technique : vouloir sortir un jeu d’une telle ampleur sur la précédente génération de console, c’est possible, mais ça demande un polish irréprochable, chose dont CD Projekt n’a jamais été capable à la sortie d’un de ses jeu. Parce que si The Witcher 3 est devenu l’un des meilleurs jeux de sa génération à mon sens et assurément l’un des plus marquants pour l’industrie, il n’en restait pas moins complètement cassé à sa sortie. Cette image là (ablette sur un toit), elle parle d’elle-même.

    Et ça m’amène à mon deuxième point : sortir Cyberpunk sur PS4 et Xbox One, c’était clairement dans le but de toucher un plus large public, au même titre que les dates de sorties annoncées alors que les développeurs savaient pertinemment que c’était impossible à tenir. Mais il fallait bien contenter les actionnaires. Alors, mon but n’est pas d’opposer les gentils développeurs et les méchants requins de la finance… Enfin, si en fait. Bien sûr que le jeu vidéo est une industrie, et l’une des plus prolifique économiquement parlant. Bien sûr que le but d’une entreprise est d’engranger de l’argent, quelque soit les considérations artistiques de ceux qui la constitue. Mais il serait peut-être temps pour leur propre bien que ces entreprises sachent ce qui est bon pour elles, et respecter les équipes qui travaillent dur et les joueurs qui ne veulent pas être pris pour des ânes serait déjà un excellent point de départ. Forcer la sortie d’un jeu alors que tout ceux qui ont les mains dans le cambouis disent que c’est une mauvaise idée, ben c’est une mauvaise idée. Tout comme cadrer un créateur un peu trop perfectionniste est compréhensible, mais le virer du projet et enlever son nom des crédits ne l’est pas. Mon but n’est pas ici d’apporter une vision manichéenne des choses, mais bien de dénoncer les mauvaises pratiques beaucoup trop répandues, qui consiste à privilégier le bénéfice au détriment de la qualité.

    Et dans le cadre de la sortie de Cyberpunk 2077, ces choix économiques se mélangent à une hype toujours plus folle, ce qui donne forcément lieu à un naufrage. Parce que cette attente autour de Cyberpunk était vraiment dingue, j’en ai rarement vu de cette ampleur dans ma vie de joueur. Là se pose forcément la question : pourquoi autant de hype ?

    La réponse la plus évidente, c’est le succès de The Witcher 3. La conclusion des aventures de Geralt a été un immense triomphe, qui a posé des bases dont tout le monde s’inspire encore aujourd’hui. Le petit groupe de développeurs polonais en 2007 a pu devenir la deuxième plus grosse boite d’Europe grâce à cette réussite. Alors forcément, leur prochaine proposition etait attendue au tournant, d’autant plus quand il s’agit d’un nouvel univers. Avec un support d’origine solide, qui possède une forte identité et une fan base bien établie, ça ne peut qu’envoyer des signaux positifs, surtout lorsque les développeurs ont fait leur preuve et sont fan du jeu de rôle. Si on rajoute par dessus le temps passé entre l’annonce et la sortie qui laisse largement le temps de rêver, la campagne marketing maitrisée avec un long silence puis une tonne d’information et Keanu Reeves en guest, le cyberpunk qui reste très présent dans l’imaginaire collectif avec des œuvres comme Blade Runner et Ghost in the Shell, on a tout les ingrédients pour générer une immense hype.

    Mais dans toute cette histoire, il y a un acteur que je trouve spécifiquement problématique, c’est la presse. Parce qu’en faisant la course au clic, elle contribue à toujours plus stimuler l’engouement des joueurs, qui du coup en parlent, qui du coup génèrent plus de clics, et la boucle est bouclée. Bien sûr, son rôle est d’informer, et il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier : certains ont un regard plus critique que d’autres, et de toute façon elle ne peut se fier qu’à ce que communique CD Projekt, c’est donc périlleux de reprocher aux journalistes d’avoir des avis dithyrambique ou d’imaginer qu’ils sont de mauvaise foi. Mais forcément, ça a été un rouage important dans la communication du studio, et la tonne d’articles insipides sur tel ou tel élément n’a fait que maintenir Cyberpunk 2077 dans la tête des gens, presque continuellement pendant 4 ans. C’est compliqué de ne pas s’intéresser à un sujet qui revient constamment, et c’est là où la presse aurait peut-être du avoir un peu plus de discernement. Surtout qu’elle n’apprend pas de ses erreurs : je spoile la suite de la vidéo, mais on retrouve exactement la même attitude avec Phantom Liberty. Peu nombreuses sont les chances que CD Projekt fasse deux fois la même erreur, et le traitement médiatique de l’extension est probablement justifié ; mais un regard plus critique ou a minima la prise en compte des mensonges de l’entreprise par le passé n’aurait sans doute pas été de trop.

    Un autre élément dont je n’ai pas parlé mais qui pourrait aussi avoir eu d’importantes conséquences, c’est l’histoire autour de Quantic Lab. Pour vérifier que le jeu fonctionne bien, CD Projekt a fait appel à une entreprise d’assurance qualité, autrement dit une entreprise qui a pour but de tester le jeu et de remonter les bugs. Pour CD Projekt, pas de raison de se méfier puisqu’ils ont déjà bossé avec Quantic Lab sur The Witcher 3. Mais selon le témoignage d’un lanceur d’alerte, l’entreprise aurait volontairement menti pour signer le contrat. Au lieu d’employer des vétérans, ça serait des juniors qui se seraient occupés de Cyberpunk 2077. Et ce n’est pas tout, l’entreprise aurait imposé aux testeurs un quota de bug remontés, ce qui les a poussé à remonter plus de bugs mineurs, plutôt que des bugs importants. Rien de tout ça n’excuse le fait que CD Projekt a menti et caché des informations importantes sur l’état du jeu, mais ça permet potentiellement de mieux comprendre tous les rouages qui y ont contribué.

    Fin de la parenthèse, revenons à nos moutons.

    LA REMONTEE

    Les équipes qui espéraient pouvoir souffler après la sortie du jeu vont finalement continuer à bosser comme des forcenés. Au lieu de la libération tant attendue vient le moment de la rédemption. Au-delà des petits DLC gratuits, ce sont surtout les mises à jour pour améliorer l’état du jeu qui vont être au centre de toutes les attentions. Enfin, toutes les attentions de ceux qui restent : si on comptait 330 000 joueurs en décembre, le chiffre est tombé à 9000 joueurs en juin 2021. Le premier gros patch sort le 24 janvier et vient régler divers bug, en se concentrant sur ceux pouvant être bloquants. Le patch suivant est prévu pour février, mais CD Projekt continue à se prendre des murs avec cette fois une cyberattaque. Aucune donnée personnelle des joueurs n’a été volé, mais le problème reste grave : des malotrus ont mis la main sur le code source de Cyberpunk 2077 et The Witcher 3, en plus de documents confidentiels concernant l’entreprise. Les pirates menacent de tout publier sur le net si aucune réponse n’est donnée sous 48h. CD Projekt ayant décidé de ne pas négocier, ils mettent leur menace à exécution et vendent les code sources lors d’enchères en ligne qui commencent à 1 million de dollars. On n’en saura pas beaucoup plus, si ce n’est qu’un acheteur suffisamment convaincant a obtenu les droits exclusifs des fichiers, et qu’ils trainent désormais quelque part sur le net.

    Forcément, cette mauvaise nouvelle entraine un retard sur la publication de la version 1.2, ce qui est pour le coup compréhensible. Elle finit par sortir le 27 mars et corrige des centaines de bugs. Les problèmes restent nombreux, mais les développeurs mettent du cœur à l’ouvrage pour rendre le jeu stable. Au fil des mises à jour, Cyberpunk s’améliore et finit même par revenir sur le Playstation Store le 21 juin 2021 avec la version 1.5. Un retour triomphal, puisqu’il devient le jeu le plus téléchargé sur PS4 de ce mois-ci. CD Projekt restera discret le reste de l’année 2021, malgré d’excellentes ventes pour Cyberpunk lors d’une promo pendant le Black Friday avec cette fois des retours positifs de la part des joueurs. Une petite victoire pour un jeu qui revient de loin.

    La prochaine grosse étape, c’est la mise à jour next gen pour les versions PS5 et Xbox Series. Un patch sort le 15 février 2022 et apporte sur les consoles de nouvelle génération du ray tracing, une ville plus fournie en PNJ et toujours plus de stabilité. Mais le gros événement de 2022, celui qui va redorer le blason de CD Projekt et convaincre les derniers récalcitrants, c’est bien la série Edgerunners sur Netflix et le patch 1.6. Si la série est un énorme carton et doit sans doute donner des élans de nostalgie à beaucoup de joueurs, c’est bien la mise à jour qui change beaucoup de choses : en plus de divers correctifs, elle intègre des éléments de l’anime, apporte de nouvelles quêtes, de nouvelles armes et des cosmétiques, un support pour les mods et les sauvegardes cross plateformes. C’est une mise à jour capitale qui profite certes de la notoriété de l’anime, mais qui bonifie le jeu et signe la fin du chemin de croix des développeurs. Plutôt que de regarder vers le passé, il est désormais temps d’imaginer l’avenir.

    Et l’avenir, on est en plein dedans. Le 26 septembre sort l’extension Phantom Liberty, avec l’acteur Idriss Elba dans l’un des rôles principaux. Pour bien faire les choses, ce nouveau contenu s’accompagne d’une mise à jour gratuite, la 2.0, qui apporte des modifications plus que bienvenue, comme le fait que la police ait une réelle utilité, une refonte des arbres de compétences, et beaucoup d’autres choses. Ça sera à priori la dernière grosse sortie de Cyberpunk 2077, à moins que tout le cirque de 2020 recommence à nouveau.

    Même si, initialement, il devait en autre autrement : Cyberpunk 2077 devait avoir deux grosses extensions, comme The Witcher 3. Sauf que certains choix techniques en ont décidé autrement.

    Pour être honnête, c’est une raison technologique. C’est la dernière fois qu’on travaille sur le RedEngine, pour le moment en tout cas, et dans le futur nous travaillerons sur l’Unreal Engine d’Epic. C’est une des raisons qui nous a poussé à faire ce choix.

    Nowakowski

    Un autre gros changement concernant la roadmap, c’est l’annulation du standalone multijoueur. Le lancement catastrophique du jeu a modifié les priorités : il ne fallait pas se concentrer sur un nouveau triple A, mais réparer les pots cassés.

    La priorité était de faire en sorte que l’expérience principale soit viable pour le public. Le changement de priorités signifie que certains projets doivent s’arrêter. Avec Cyberpunk, on voulait faire beaucoup de choses en même temps, on avait juste besoin de se concentrer sur une seule chose et dire “Ok, qu’est-ce qui est important ? Ouais, on va faire ça bien.”

    Philipp Weber

    Le multijoueur avait été teasé à de nombreuses reprises lors de la campagne marketing, mais nous ne saurons finalement jamais à quoi il ressemble. Par contre, ce qu’on sait, c’est que la suite de Cyberpunk est dans le carton, sous le nom de code Orion. Prions pour que cette fois, CD Projekt fasse les choses bien.

    CONLUSION

    Quel gâchis. Pour moi comme pour des millions de joueurs, Cyberpunk 2077 a été une attente interminable. Exception faite de The Witcher 3, je n’ai jamais attendu autant un jeu, et j’y ai placé tellement d’espoirs qu’il n’aurait jamais pu être à la hauteur. Quand j’ai vu le premier trailer, j’avais 20 ans. Quand j’ai lancé le jeu, j’en avais 28. Comment aurait-il pu être à la hauteur ? Et pourtant, ce n’est pas un mauvais jeu, loin de là. Mes pérégrinations dans Night City m’ont marqué, et les 100h qu’ont duré ma partie étaient mémorables. Les discussions avec Judy, avec Panam, avec River, ce moment hors du temps avec Kerry, la mort de Jackie, ses funérailles et la discussion avec sa mère, tout ça reste gravé dans ma mémoire. Cette mélancholie au moment de faire le choix fatidique, l’épée de Damoclès au dessus de ma tête, Skippy et les tranches de rires qu’il m’a apporté, les musiques de Samourai que j’écoute encore aujourd’hui, Brendan le distributeur, le taxi fou qui m’insulte ; l’ambiance de la ville, l’Afterlife, ces tours gigantesques, ces poissons holographiques, ce désert d’ordures ; cette impression de me perdre dans les méandres d’une ville sans fin ; et Johnny, ce bon vieux Johnny que je n’ai jamais réussi à détester même quand il était sacrément con. Sans doute parce que c’est impossible de détester quelqu’un qui porte le visage de Keanu Reeves, mais aussi parce que j’ai vu son évolution, je l’ai vu s’ouvrir petit à petit et montrer ses blessures derrière ses airs fiers de punk rebelle, que sa cause me semblait plutôt juste et qu’on était finalement d’accord dans le fond, juste pas dans la façon de faire. Il a pris tellement d’importance que j’étais prêt à lui laisser mon corps, mais il a choisi de me transmettre sa flamme pour que je continue le combat. Cette fin m’a marqué, vraiment. Bien sûr que je n’oublie pas tous ces points inutiles sur la carte, le classicisme de son scénario, ce gameplay parfois approximatif, ses choix finalement pas si importants, son IA totalement aux fraises, l’interface peu ragoutante, le loot à foison et la conduite souvent malheureuse. Je n’oublie rien de tout ça, puisque je vous en parle sans avoir relancé le jeu une seule fois depuis que je l’ai fini, il y a maintenant presque 3 ans. Le jeu est sans aucun doute dans un meilleur état qu’à l’époque, mais la peur d’entacher tous ces souvenirs me maintient loin du jeu, en tout cas jusqu’à la sortie de l’extension.

    Quel gâchis. Parce que tout ça a été enseveli sous une tonne de bugs qui ont conduit à l’histoire qu’on connaît tous. J’ai personnellement eu de la chance d’obtenir une 3080 juste avant la sortie (parce qu’à l’époque c’était vraiment pas gagné, souvenez vous de la pénurie infernale) et de pouvoir profiter du jeu dans de relativement bonnes conditions. J’ai même eu le bonheur de voir le jeu devenir fluide grâce à un petit mod qui réglait les problèmes de performances lié au processeur. Mais la plupart des gens, ceux qui n’ont pas un PC de la Nasa ou qui jouent sur console, tout ce qu’ils ont trouvé, c’est un jeu injouable. Un comble pour l’un des jeux les plus attendus de l’histoire. L’écart entre ce qu’on imaginait et le résultat est tel que personne n’aurait pu l’imaginer. Et pourtant, c’est ce qui est arrivé : CD Projekt s’est tiré un missile dans le pied et a perdu la relation de confiance bâtie grâce au succès des The Witcher.

    Le pire dans tout ça, ce n’est pas le fait que les joueurs se soient fait entourlouper, parce que bon, une déception de ce genre, on finit par s’en remettre, d’autant plus quand tout ce qu’il y a à faire c’est d’attendre que le jeu devienne viable. Non, le pire, c’est bien sûr la situation des développeurs qui ont sué sang et eau pour satisfaire une direction totalement à l’ouest qui ne comprenait rien de ce qu’elle faisait et imposait pourtant ses choix incohérents. Ou du moins, qui j’espère ne comprenait rien, parce que si c’est le cas, c’est largement pire. Les développeurs ont souffert pendant des années d’un crunch intensif, d’une œuvre pas du tout en accord avec ce qu’ils ont imaginé au départ, tout ça pour se prendre une montagne de merde sur la tête et des menaces de mort. Je sais pas vous, mais moi j’aurais lâché l’affaire très vite pour aller élever des chèvres. Et c’est sans doute ce que certains ont fait, mais beaucoup d’autres sont restés pour réparer les dégâts. Quelque part, je suis admiratif de la pugnacité dont ils sont capables, mais d’un autre côté, je me dis que personne ne devrait avoir à subir ça.

    J’espère que tout ça aura servi de leçon. Que la presse prend désormais du recul, que les joueurs affinent leur esprit critique et arrêtent de gober tout ce qu’on leur donne, que la rentrée d’argent passe après la créativité, que les travailleurs ont enfin l’estime qu’ils méritent, finalement que tout aille bien. Mais je crois que j’ai oublié un léger détail : le cyberpunk, c’est pas en 2077, c’est maintenant.

    SOURCES

    Mike Pondsmith et le JDR Cyberpunk

    https://www.eurogamer.net/making-cyberpunk-when-mike-pondsmith-met-cd-projekt-red https://youtu.be/VxmDCQw1Q8s https://youtu.be/bZZVj7OaymI https://youtu.be/xYxt7cwDk4E https://youtu.be/K2j8cKfGb-M https://youtu.be/mDuobNTsxWE

    Développement du jeu

    La communication (mensongère)

    La descente aux enfers

    La remontée

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    Sommaire

    1
    DEVELOPPEMENT
    2
    LA COMMUNICATION
    3
    LA DESCENTE AUX ENFERS
    4
    POURQUOI UN TEL NAUFRAGE ?
    5
    LA REMONTEE
    6
    CONLUSION
    7
    SOURCES

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