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  • Le triomphe de Dark Souls

    By DonBear
    Published in Coulisses
    September 28, 2024
    37 min read

    Impossible maintenant d’évoquer le nom d’un jeu FromSoft sans que des yeux remplis d’amour se lèvent subitement. Je pense pouvoir dire sans trop me mouiller qu’ils comptent parmi les jeux les plus influents de ces quinze dernières années, et pour de bonnes raisons. Mais justement, si on remonte 15 ans en arrière, tout ne se passe pas si bien pour le créateur de ces jeux, Miyazaki, et ses équipes : Le jeu fondateur du genre, Demon’s Souls, est un échec au Japon et l’éditeur de FromSoft, Sony, les lâche car ils sont déçus des ventes. …Ouais, c’est pas vraiment le moment de sabrer le champagne. Et pourtant, Miyazaki a le droit à une dernière chance. Un pari audacieux, qu’on connait aujourd’hui sous le nom de Dark Souls.

    Contexte

    C’est donc en 2009 que commence le développement du futur Dark Souls, juste après la sortie de Demon’s Souls. Évidemment, on le sait aujourd’hui, c’était une excellente idée. Parce que Demon’s Souls, via le bouche à oreille, arrive jusqu’en Occident et y rencontre un immense succès. Mais au moment où FromSoftware accepte de laisser Miyazaki bosser sur une suite spirituelle, c’est vraiment un pari ultra risqué, parce qu’au Japon le jeu est considéré comme un échec à cause des ventes assez faibles, au point même ou Sony décide de ne pas éditer le jeu en dehors des frontières nippones.

    Le développement de Dark Souls a commencé quelques temps après la sortie de Demon’s Souls. À ce moment là, Demon’s Souls n’avait pas encore obtenu sa reconnaissance actuelle, que ce soit au Japon ou ailleurs. Elle est venue après. La sortie mondiale de Demon’s Souls est arrivée ensuite. Les critiques sont arrivée à la fin de l’année, et il a gagné des récompenses, mais le développement de Dark Souls avait déjà commencé.

    Et quand je parle de suite spirituelle, on est clairement là dedans : ce nouveau projet devait à la base être une suite directe à Demon’s Souls, mais les droits de la licence appartiennent à Sony. Comme le constructeur a refusé d’exporter le jeu en dehors des frontières nippones à cause des chiffres de ventes décevant, nul doute qu’il n’acceptera jamais de financer une suite. Quelque chose qui ne dérange pas Miyazaki plus que ça, c’est même plutôt arrangeant selon lui. En fait, bien qu’il soit déçu de ne pas pouvoir faire une suite à son tout premier jeu, il se dit que c’est aussi le meilleur moyen de ne pas être limité par des contraintes un peu sournoises, comme le respect de la continuité scénaristique ou le fait de pas pouvoir ajouter des mécaniques trop éloignées du précédent jeu, ce genre de choses. Bon après, il dit ça, mais il reste quand même sur quelque chose de très similaire : Ok, Dark Souls apporte des changements importants, mais ça n’aurait pas été choquant s’il s’était appelé Demon’s Souls 2.

    D’ailleurs, l’équipe reste quasiment la même. Globalement, peu de postes changent, si ce n’est quelques exceptions comme le compositeur Shunsuke Kida qui laisse sa place à Motoi Sakuraba. L’équipe ne grossit pas spécialement non plus, on reste aux alentours d’une centaine de personnes.

    Quant à Miyazaki, il décide de ne plus seulement être directeur et prend aussi le role de producteur, pour s’octroyer toujours plus de liberté créative. Mais toute la bonne volonté du monde ne suffit pas à rallonger les 24h qui composent une journée :

    C’était un gros défi, pour être honnête. Les attentes pour Dark Souls surpassaient nos estimations initiales, à la fois au Japon et dans le monde. Même si on en était content, la charge de travail en tant que producteur est devenue substantielle plus tard dans le développement, et je ne pouvais pas correctement remplir mes fonctions en tant que directeur. J’ai fini par ralentir le processus de développement et j’ai causé beaucoup de soucis aux équipes. Pour être complètement honnête, je ne pense pas que que je prendrais à nouveau cette double casquette pour un projet de cette ampleur.

    Parce que oui, si vous avez vu ma vidéo sur Elden Ring, vous connaissez la façon de faire de Miyazaki. Une manière de diriger qu’il appelle la direction totale, où il participe au moindre petit détail du jeu. Le gameplay, la direction artistique, l’univers et la narration, il gère tout ça dans le moindre détail. Chaque élément implémenté dans le jeu doit être validé par Miyazaki. Mais ce n’est pas tout, car c’est aussi lui qui s’occupe de tous les textes du jeu, que ce soit les descriptions, les noms d’objets ou les dialogues, et c’est même lui qui choisit la police d’écriture ! Donc forcément, avec une telle philosophie, ça n’a finalement rien d’étonnant qu’il cherche à occuper les deux rôles principaux du développement pour profiter d’une liberté créative optimale.

    Choisir le nom du jeu

    Enfin en tout cas, tout est paré pour se lancer, à un détail près : il faut un nom. Et alors là, préparez vous, parce que c’est assez cocasse.

    La problématique autour du nom nécessite de jouer l’équilibriste : d’un côté, il faut que les fans comprennent que ça sera bien un jeu dans le même style que Demon’s Souls, mais d’un autre côté, les droits appartenant à Sony, il faut réussir à suffisamment le dissocier. Il faut à tout prix éviter de potentiels malentendus sur le fait que ce n’est pas une suite à Demon’s Souls.

    En premier lieu, Miyazaki pense à Dark Race, parce que ça colle bien avec l’idée de jouer une créature maudite. Ça va rester son nom une bonne partie du développement, jusqu’au moment où le jeu doit être présenté au Tokyo Game Show en 2010. Heureusement, à ce moment-là, quelqu’un dit aux équipes que le nom Dark Race possède une connotation raciste en Occident, et qu’il vaudrait mieux en choisir un autre. Donc, deux petits jours avant le début du Tokyo Game Show, le jeu passe de Dark Race à Project Dark, parce que Miyazaki apprécie le mot Dark et décide de le garder. Bon évidemment, c’est un nom temporaire et par la suite, il pense aux noms Dark Lord et Dark Ring, mais le premier est un peu compliqué à garder à cause des droits et le deuxième… c’est pas simple non plus :

    On ne pouvait pas s’assurer les droits du premier, mais le deuxième était disponible. Donc, on s’est mis d’accord sur “Dark Ring”. Puis, autour du nouvel an, on nous a dit que “Dark Ring signifie anus,” et je me suis dit “c’est ridicule !” Au final, sans faire de vagues, on s’est mis d’accord sur Dark Souls.

    Prendre les avis en compte

    Ça y est, maintenant tout est en place, le développement commence. La première chose que fait Miyazaki pour trouver la direction à suivre, c’est de regarder les retours des joueurs sur Demon’s Souls. Il scrute autant les avis positifs que négatifs. Parce qu’après tout, Demon’s Souls était un jeu rempli de mécaniques expérimentales, à l’image des tendances par exemple. En analysant ce que les joueurs pensent de chacune d’entre elles, ça permet à Miyazaki de savoir ce dont les joueurs ont besoin, et quelle direction suivre pour continuer de les surprendre. On pourrait se dire que, comme Demon’s Souls a été sauvé grâce à son succès Occidental, Miyazaki voudrait se focaliser sur ce marché là pour s’assurer un second succès. Mais non, il veut surtout produire les jeux auxquels il aimerait lui-même jouer.

    On ne pense pas principalement à la façon dont le jeu sera reçu outremer. On considère les éléments internationaux uniquement dans trois cas particuliers. Premièrement, on cherche à aligner l’interface et les contrôles avec les standards globaux, tant qu’ils ne compromettent pas nos intentions de gameplay. Deuxièmement, on utilise des méthodes ****pour faciliter le processus de localisation. Et troisièmement, on prend en compte en compte les tabous culturels. Fondamentalement, on ne crée pas quelque chose d’exclusif au marché Occidental. En tant que créateur, j’ai rencontré à la fois des succès et des échecs, mais je crois fermement que notre approche dans la création de jeux qui peuvent engager les joueurs tout autour du monde, quelle que soit leur nationalité, était la bonne, et elle a été totalement adoptée par notre équipe de développement.

    Une fois les retours des joueurs analysés, Miyazaki commence à entrevoir une ligne directrice. C’est primordial à ce moment là de déterminer les points forts de Demon’s Souls et de creuser les pistes d’améliorations possibles. Et y en a quand même pas mal ! Mais commençons déjà avec les points forts qu’on retrouve dans Dark Souls.

    Les points forts de Demon’s Souls repris dans Dark Souls

    Déjà, avant toute chose, le sujet de la difficulté. Demon’s Souls a plu aux joueurs qui cherchaient à sortir des jeux lambda qu’on voit partout. L’uniformisation du jeu vidéo de nos jours est un vrai problème : si on jette un oeil sur les triple A sortis ces dernières années, on retrouve les mêmes schémas, les mêmes boucles de gameplay, les mêmes squelettes partout. Si je vous dis un monde ouvert, avec un arbre de compétence, un équipement avec des stats, des points d’interogations sur la carte, des quêtes secondaires, des collectibles, des tours à activer, … je pense que vous avez facilement une dizaine de noms qui vous viennent en tête. La tendance s’est largement renforcée depuis les années 2010, mais elle était déjà présente avant. Ce qui est finalement assez logique : les développeurs s’inspirent de ce qui marche et l’intègrent dans leurs jeux. C’est comme ça que les tendances se créent et évoluent. Miyazaki en a bien conscience, et cherche à sortir de cette spirale.

    ’ai fait attention à ne pas suivre aveuglément les tendances juste parce que tout le monde le fait.[…] Quand vous cherchez à créer un jeu agréable, il ne faut pas vaguement recopier; et même si vous le faites, vous devriez profondément réfléchir à vos choix. […] Dans la pratique, Demon’s Souls et Dark Souls adhèrent aux éléments des Action RPG classiques en matière de game design. Cependant, on ne suit pas aveuglément le design et la grammaire des vieux jeux. On déconstruit les jeux classiques à notre façon et on fait l’effort de les comprendre en profondeur.

    Inspirations

    Parce que oui, même s’il évite les tendances comme la peste, évidemment que ses idées ne sont pas sorties ex nihilo de son chapeau. Miyazaki s’inspire quand même de jeux vidéo qui l’ont marqué comme Ocarina of Time, Ico, et King’s Field. La filiation entre ce dernier et Demon’s Souls est d’ailleurs transparente : au-delà du cadre dark fantasy qui nous fait arpenter des terres désolées, on retrouve une tonne de similitudes dans le gameplay. L’importance de la barre d’endurance, les faiblesses spécifiques des ennemis face à certains types d’armes ou d’éléments, la nécessité d’explorer minutieusement, l’aspect die & retry, les PNJ étranges et dépressifs qu’on peut d’ailleurs tuer dans les deux jeux, une courbe de progression à peu près similaire… On est sur deux propositions qui se jouent forcément différemment car elles ont été pensées dans des cadres différents par différentes personnes, mais Demon’s Souls peut être considéré comme l’héritier de King’s Field quand on se penche un peu sur la question, parfois même avec des liens direct comme cette épée qu’on retrouve aussi dans les autres Souls. Miyazaki a bien sûr apporté sa patte et ajouté de nombreuses mécaniques intéressantes comme le multijoueur et la récupération d’âmes, il a aussi largement approfondi le gameplay, mais King’s Field reste sa principale inspiration côté jeux vidéo.

    Il s’inspire aussi énormément de tout ce qui a forgé sa culture : les jeux de rôle comme Sorcery, les films et les mangas, etc. L’influence la plus prégnante reste bien sûr Berserk, qu’on décèle dans chaque recoin du jeu : Bazuso et Siegmayer, le boss papillon et Rosine, les hommes serpents de la forteresse de Sen et le seigneur serpent, le démon taureau et la forme démoniaque de Zodd, et je pourrais m’épancher encore longtemps au jeu des 7 différences entre les deux oeuvres. Mais croire que c’est la seule inspiration serait se limiter à un spectre très éloigné de la réalité : Miyazaki et les designer s’inspirent d’une multitude d’oeuvres, et parfois aussi de la réalité.

    Côté fiction, on peut bien sûr citer les films Excalibur et Conan le barbare que j’avais déjà abordé dans la vidéo sur Demon’s Souls, mais pas que. Par exemple, les archives du Duc sont inspirées des escaliers de Poudlard dans Harry Potter, tout comme Sieglinde est inspiré par la prestation d’Emma Watson dans le rôle d’Hermione. La grande carcasse et le lac cendrés sont tous les deux inspirés du film Avatar de James Cameron, le personnage de Gwynevere est inspiré d’une femme géante dans le manga Yasuragi no Yakata de Fujika Fujio, il y a aussi des références aux mangas saint seiya et basilisk, bref la liste est très longue. Mais en plus de ça, il s’inspire aussi du monde réel : pour des trucs anecdotiques comme les attaques du mimic, il s’inspire du catcheur Super Tiger, mais ce qui marque le plus, c’est bien sûr l’architecture des lieux visités dans Dark Souls, qui n’a pas manqué d’impressionner tout le monde. Qui n’a pas ressenti quelque chose en arrivant devant Anor Londo ?

    Et bien, si ça vous dit, vous pouvez sans doute ressentir la même chose face à la cathédrale de Milan. La nouvelle Londo est inspirée du mont Saint Michel, même si c’est pas forcément évident au premier coup d’oeil. La caverne de cristal semble largement inspirée de la mine de Naica au Mexique, la paroisse des morts vivant ressemble comme deux gouttes d’eau à une église abandonnée à Mexico, bref vous avez l’idée. Miyazaki a déclaré dans une interview qu’il était plus facile de créer des lieux mémorables en s’appuyant sur le monde réel, et force est de constater qu’il a raison.

    Le dépassement de soi

    Bref, pour en revenir aux forces de Demon’s Souls implémentées dans Dark Souls, la difficulté est bien sûr le socle sur lequel repose tout le jeu. Enfin, plus que la difficulté, c’est le dépassement de soi et le sentiment d’accomplissement qui sont au cœur de la philosophie du jeu. Quand on joue à Dark Souls, on n’a pas besoin de réflexes surhumains ou de maitriser des combos complexes. Non, ce qu’il faut, c’est observer les patterns ennemis, anticiper, réfléchir à une stratégie, observer l’environnement, expérimenter, et avoir de la patience, beaucoup de patience. Et là-dessus, tout le monde est logé à la même enseigne, puisqu’il n’y a pas de mode de difficultés. Encore que, à un moment, Miyazaki a douté. Durant le développement, il a vraiment hésité à rajouter la capacité de choisir un mode de difficulté. Il s’est finalement ravisé, parce que ça ne colle absolument pas avec la philosophie du jeu.

    Premièrement, la difficulté du jeu ne se base pas sur le niveau de compétence du joueur. Nous n’avons pas conçu un jeu où ceux avec des réflexes plus vifs sont intrinsèquement meilleurs que les autres. Deuxièmement, quand un joueur meurt, on cherche à instiller une impression de “peut-être que si j’essaye une approche différence, je peux y arriver”. […] Notre but n’est pas que les joueurs se jettent sur les ennemis sans réfléchir ; c’est une question de stratégie. […] Nous ne voulons pas que les joueurs ressentent de la frustration en répétant les mêmes actions encore et encore.

    L’absence de choix dans la difficulté permet à tout le monde de faire le même jeu, et aussi de combattre les mêmes boss qui constituent sans doute l’une des plus grandes forces du jeu. Enfin, disons en tout cas qu’ils font partie des moments les plus marquants, dont on se souvient même 10 ans plus tard. Comment oublier le combat contre Orstein et Smaugh ?

    Et bien sûr, on pense aussi à Sif, la frustration quand on rencontre le démon Capra et ses deux chiens la première fois, la mélancolie du combat contre Gwyn et la surprise quand on voit qu’on peut le parer et que ce n’est absolument pas le boss le plus difficile du jeu, contribuant à raconter l’histoire du joueur et son évolution directement via la manette, quelque chose qu’on vit en tant que personne et non pas en tant qu’avatar dans un monde de pixels. Certains combats de boss sont des moments anthologiques de l’aventure Dark Souls, même si d’autres sont un peu plus oubliables (dragon béant). Et si vous vous posiez la question, il y a à peu près le même nombre de boss dans les deux jeux : Demon’s Souls possède 21 boss et Dark Souls en possède 22, chiffre qui monte à 26 si on compte le DLC. Par contre, l’élément qui change pas mal de choses, c’est que contrairement à son prédécesseur, Dark Souls possède finalement assez peu de boss obligatoires pour arriver à la fin du jeu, puisqu’ils sont au nombre de 13. Comme on le verra plus tard, Dark Souls propose beaucoup plus de liberté au joueur, dont celle de passer outre la moitié des boss du jeu.

    En fait, le squelette entier de Demon’s Souls est conservé. La narration cryptique est toujours là, et je dirais même qu’elle est largement plus palpable. Dans ce nouvel univers, Miyazaki reste dans de la dark fantasy, mais développe un univers beaucoup plus riche que celui de Demon’s Souls et uniquement accessible aux plus curieux. Plutôt que de raconter une histoire et articuler un univers autour, Miyazaki et ses équipes ont plutôt créé une mythologie entière avec des dieux, des trahisons et un panthéon qui lui est propre. Bien sûr, encore une fois, tout ça ne sort pas de nulle part et s’inspire directement de plusieurs mythologies : Gwyn représente un mélange entre Zeus et Odin, la cinématique d’introduction rappelle sans mal La Titanomachie, le combat entre les dieux et les titans dans la mythologie grecque, les deux serpents qui sont un parallèle évident à l’ouroboros, etc.

    On travaille sur l’histoire après coup. On commence avec le jeu en lui-même avec une histoire minimale autour. C’est “l’histoire pour le jeu” avant “le jeu pour l’histoire” pour moi, donc tant que ça correspond aux exigences du jeu pour créer de l’immersion pour le joueur, c’est tout bon. Je voulais que le joueur expérimente l’histoire, on n’a donc pas créé une histoire linéaire. Je ne veux pas que l’histoire leur tombe tout cuit dans le bec ; je préfère que les joueurs la découvre en utilisant leur imagination et nos indices.

    On plonge dans cet univers une fois que tous les événements s’y sont déroulés, du moins pour ceux qui ont la volonté de partir à la pêche aux infos : regarder les décors, lire les descriptions d’objets, comprendre les sous-entendus : comprendre la complexité du lore de Dark Souls demande un vrai travail d’investigation, et appuie d’ailleurs l’aspect communautaire du jeu. Parce que oui, comme pour Demon’s Souls, les joueurs vont beaucoup échanger sur les forums, créant des théories, cherchant ensemble les pièces du puzzle à assembler. Un aspect souhaité par Miyazaki, qui souhaite de nouveau créer des interactions entre les joueurs, que ce soit dans le jeu ou en dehors. C’est pour ça d’ailleurs que le multijoueur totalement novateur de Demon’s Souls fait son grand retour.

    La direction artistique

    Et à côté de ça, il veut toujours proposer une direction artistique qu’on voit rarement dans le jeu vidéo. Une ambiance imprégnée de tristesse, où la solitude et le désespoir sont rois. Quand on joue à un Souls, on découvre des mondes d’une richesse folle, mais aussi des lieux baignés dans une atmosphère unique. Et parfois, au milieu des ruines et des traces d’histoire qu’il reste en ces mondes, on est presque surpris de découvrir une forme de tranquillité.

    Vous vous doutez bien que pour aboutir à un résultat pareil, Miyazaki utilise une façon de faire bien à lui. J’en avais parlé dans la vidéo sur Elden Ring, mais c’est finalement assez simple : il donne des indications aux artistes, et leur laisse carte blanche. En fait, il y a deux cas de figure : dans le premier cas, Miyazaki utilise des descriptions vagues et laisse les artistes créer librement à partir de leur propre imagination. C’est comme ça que sont nés les visuels du Dragon Béant, de Eingyi, ou encore de Nito. Dans le deuxième cas, Miyazaki a une idée précise de ce qu’il veut, et demande quelque chose de plutôt concret selon les besoins, en expliquant par exemple “ce design sera utilisé dans ce but, à cet endroit, le contexte sera le suivant” etc. Ça été le cas pour les Mimiques et les Gargouilles, entre autres. Il va même parfois jusqu’à utiliser des cartes Magic pour montrer quelque chose qui se rapproche de ce qu’il a en tête !

    Cette fois, pour Dark Souls, toute l’esthétique tourne autour de trois grandes directions : les Dieux et les Chevaliers, qu’on voit à Anor Londo, les flammes du Chaos et les démons, qu’on croise dans le monde d’Izalith, et l’illustration de la mort, représentée bien sûr par Nito et les catacombes. Et pour appliquer ces grandes lignes, les designer ont vraiment une liberté impressionnante : en général, dans les gros studios, chaque personne bosse sur un sujet ultra spécifique. Par exemple on peut très bien avoir quelqu’un qui bosse uniquement sur la végétation, tandis qu’un autre bosse peut bosser uniquement sur le design des maisons. En gros, des tâches extrêmement précises ou chaque parcelle des visuels est dédiée à une personne spécifique. Là, pour Dark Souls, faut savoir que l’équipe des designers est ultra restreinte, parce qu’ils sont moins de 10 !

    Évidemment, être une petite équipe apporte son lot de défis et de difficultés, mais c’est précisément parce que c’est une petite équipe qu’on peut bosser en étroite collaboration. Cette proximité peut contribuer à la valeur du jeu. Dans nos équipes, les artistes 3D peuvent être appelés pour faire un travail habituellement associé à un artiste traditionnel parce qu’on cherche à utiliser leurs compétences au maximum. On n’a pas beaucoup d’artistes avec qui on peut travailler, et juste mettre plus de personnes sur une tâche ne garantit pas un meilleur résultat.

    Si vous voulez voir par vous-même les différents concepts arts créés pour le jeu, je ne peux que vous conseiller le livre Dark Souls Design Works. On a en plus dedans des interviews de l’équipe de designer, et on apprend pas mal de choses amusantes ! Par exemples, Priscilla qu’on rencontre dans le monde peint était au tout début imaginé comme une sorte de guide pour le joueur. Pareil pour André qui a totalement changé de rôle. On le connaît en tant que forgeron, mais à la base, ça devait être un descendant de Gwyn qui garde une porte secrête à Ligefeu, qu’il ouvre pour nous à la fin du jeu. On apprend aussi que le Foyer du Chaos était à la base un boss totalement différent, puisque ça devait être le roi d’Izalith assis sur un trone plutôt que le boss catastrophique qu’on a actuellement dans le jeu. D’ailleurs, Miyazaki admet sans mal que le Foyer du Chaos est son plus grand regret concernant Dark Souls, car selon lui de bonnes idées ont été mal intégrées et le résultat est… plus que mitigé, en effet. Bref c’est bourré d’anecdotes intéressantes, je vous le recommande chaudement !

    Les évolutions

    Ces notions de game design, la direction artistique léchée, le multijoueur, la narration cryptique, tout ça, Demon’s Souls le proposait déjà. Mais Miyazaki veut aller plus loin cette fois, beaucoup plus loin. C’est pour ça qu’il apporte beaucoup de changements, les fondations du succès qu’on connaît aujourd’hui. Dark Souls apporte des éléments fondamentaux dans l’évolution de la série, à commencer par le level design.

    Le level design

    Durant la fin du développement de Demon’s Souls, j’ai commencé à penser à créer une vaste carte connectée pour un futur jeu, ce n’était donc pas prévu pour Demon’s Souls. Lorsqu’on a commencé le développement de Dark Souls, j’ai planifié l’implémentation de cette vaste carte. Parce que le monde entier dans Dark Souls est interconnecté, ça devait être naturel pour les joueurs de passer d’une zone à l’autre. Toutefois, on ne voulait pas que les joueurs s’ennuient parce que tout se ressemble, alors notre processus de création s’est concentré sur l’introduction de variations à une échelle raisonnable et l’ajout de changements dans la carte qui semblent naturels.

    Demon’s Souls avait une structure plutôt classique : un hub central, où on se téléportait ensuite dans des mondes découpés en niveaux. Dark Souls est totalement différent : la téléportation n’arrive que tard dans le jeu, et surtout, toute la carte est connectée. Et ça, ça en fait encore aujourd’hui l’un des jeux les plus réussis à ce niveau pour le genre. Le level design de Dark Souls est considéré à juste titre comme exemplaire, que peu de jeux réussissent à égaler.

    Plutôt que d’avoir des niveaux linéaires qui s’enchaînent sans avoir à se demander d’où on vient ni où on va, Dark Souls est plutôt pensé comme un labyrinthe. Après avoir fini le tutoriel, on se retrouve à Lige-Feu, ou le jeu est déjà clair sur la façon dont il est construit : plusieurs chemins sont possibles, même si l’un d’entre eux semble évident. Et pour ceux qui ne comprennent pas le message, il s’imposera de lui-même : il suffit de quelques minutes en compagnie de ces merveilleux squelettes pour en prendre plein la poire et se dire que finalement, on verra ça plus tard. Pareil pour les spectres de la nouvelle Londo d’ailleurs : on arrive dans une zone où on peut pas frapper les ennemis qui nous harcèlent, donc bon c’est clairement pas le chemin le plus indiqué. Alors on monte ces marches et on progresse, jusqu’au moment où on prend un ascenseur qui nous ramène à lige feu. Et c’est là qu’on comprend tout le génie du level design : c’est un véritable puzzle en 3D, qui se rapproche beaucoup plus de Zelda A Link to the past que d’un jeu couloir classique.

    Pour être plus exact, c’est surtout la première moitié du jeu qui est comme ça. Une fois qu’on peut se téléporter, la magie du level design disparaît peu à peu pour finalement revenir à quelque chose de plus classique. Mais il faut bien noter que cette maestria ne se caractérise pas uniquement par l’interconnexion des zones. Parce qu’en plus d’offrir une liberté totale au joueur dans la façon dont il explore, c’est aussi une architecture qui apporte du sens via la verticalité. Comme on monte des marches, puis on descend avec un ascenseur, puis on remonte et ainsi de suite, on ne s’en rend pas forcément compte sur le coup, mais au début, on ne fait que descendre, puis descendre et encore descendre. Les égouts, puis le hameau du crépuscule, on ne fait que s’enfoncer dans des profondeurs toujours plus étouffantes. Et si on veut rebrousser chemin, on est obligés de tout remonter. A l’inverse, la forteresse de Sen et Anor Londo se découvrent via une ascension, l’objectif étant de monter toujours plus haut. Cette verticalité, elle contribue énormément à l’expérience qu’on vit manette en main. Déjà parce qu’on peut voir de loin les lieux qu’on va finir par atteindre ou ceux qu’on a déjà parcouru, et surtout parce que ça permet de placer intelligemment des raccourcis qui changent totalement la perception qu’on a des niveaux. Evidemment, tout ça est consciencieusement réfléchi et sert justement un but précis : bien plus que dans Demon’s Souls, l’exploration prend une toute autre ampleur et devient le moteur même de la progression.

    J’ai conçu le monde de Dark Souls complètement interconnecté parce que je voulais que les joueurs ressentent l’excitation de découvrir un monde de jeu vaste. Si vous voyez un endroit qui semble atteignable, essayez d’y aller. Quasiment tous sont accessibles. Je vois l’exploration comme la découverte de lieux impactants, tous liés par un objectif. La confusion constante et le fait de se perdre ne sont pas appréciables. Toutefois, introduire occasionnellement des défis qui peuvent embrouiller les joueurs reste possible. Je place aussi, de manière stratégique, des éléments sur la carte pour aider les joueurs à se rappeler des lieux. En leur montrant en premier lieu la destination et en leur donnant envie de l’atteindre, j’encourage l’exploration.

    Ceci dit, même s’il ne faut pas tarir d’éloges devant un travail aussi colossal et bien réalisé, il faut aussi admettre que ce n’est pas toujours une partie de plaisir. Un exemple tout bête, mais les deux cloches représentent bien le cas où ça marche, et le cas où ça ne marche pas des masses. La première est facile à trouver, grosso modo en suivant le chemin on finit par naturellement tomber dessus. La deuxième par contre… C’est vraiment pas de la tarte. Selon Miyazaki, c’est quelque chose de prévu, on est censé se perdre “un peu” mais jamais trop non plus. L’objectif est de trouver un juste milieu entre le sentiment d’être lâché dans un monde peu accueillant et gigantesque, et l’impression qu’on est capable de le surmonter pour découvrir tous ses secrets. Mais personnellement, ça m’est souvent arrivé de ne pas du tout savoir où le jeu voulait me faire aller ensuite. Soit parce que j’ai loupé un indice, soit parce que je ne me rappelais plus de l’endroit où telle porte s’est ouverte, ou même encore parce que j’ai oublié que j’avais une clé qui trainait dans mon inventaire qui ouvrait la porte de mon salut. Et ça, c’est aussi le résultat d’un choix très audacieux, chose qu’on voit très rarement dans les RPG pour ne pas dire jamais : l’absence d’un élément aussi fondamental qu’une carte. Dans Dark Souls, seul compte notre capacité à nous imprégner des lieux. A créer mentalement les chemins qui mènent à Rome. A nous situer dans l’espace et prendre les décisions en connaissance de cause pour progresser. C’est un choix de game design qui a aussi contribué à la renommée de Dark Souls, et qui était bien sûr réfléchi depuis le début :

    Je crée des structures qui sont faciles à comprendre en prenant en compte le point de vue du joueur et des modèles généraux de comportement. Je suis conscient de la façon dont les joueurs construisent une carte mentale et je fais en sorte de ne pas dépasser leur capacité de mémorisation. Par exemple, s’il y avait soudainement trois entrée placées les unes à côté des autres, je pense que ça serait difficile à retenir. C’est plus efficace de d’abord trouver une entrée, et quand on l’explore, se rendre compte que cet endroit est probablement dangereux.

    Mais ce n’est pas tout. Parce que je parle du level design à un niveau macro, si on peut dire ça comme ça, grosso modo de la façon dont sont agencés les niveaux entre eux. Mais à l’intérieur même des niveaux, c’est encore une fois un travail d’une qualité et d’une minutie très très rare. Et cet aspect là pourrait presque se résumer à un élément crucial : le placement des ennemis.

    C’est bien connu, la moindre rencontre dans Dark Souls peut être fatale. Même un ennemi basique peut nous surprendre et c’est pour ça qu’il faut toujours être sur ses gardes. Mais ce n’est pas le nombre de dégâts qu’ils infligent ou une quelconque difficulté à lire leur pattern qui les rend dangereux. Plus que les ennemis eux-mêmes, c’est souvent l’endroit où ils sont qui contient un énorme risque. Que ce soit un rebord, un piège ou des copains cachés, l’environnement devient le plus gros facteur à prendre en compte, parfois plus important encore que les ennemis en eux-mêmes. Et c’est ça qui intéressant, parce que le jeu nous dit clairement de faire attention, mais ce qu’on considère comme un handicap peut devenir une force en utilisant la bonne stratégie. EXTRAIT.

    Et pour finir sur le level design, il reste un élément important que les équipes maitrisent à la perfection : les montagnes russes émotionnelles, calculées au millimètre près. Plutôt que d’expliquer en 1000 mots ce dont je parle, je vais simplement prendre deux exemples.

    Quand on arrive au village des morts vivants, le dragon nous barre la route et s’en va, un fusil de Tchekov placé ici pour nous dire “vous allez revoir ce dragon”. On progresse, on arrive face au démon taurus, on arrive à le battre, et là, le drame : y a pas de feu de camp juste après lui, alors qu’on vient de gagner pas mal d’âmes. On aimerait pouvoir les dépenser mais on trouve pas de feu de camp ! Alors on avance prudemment, on stresse, et on arrive devant ce fameux chemin… Là, on atteint un vrai climax où la mort nous frôle de vraiment, mais alors vraiment pas grand chose. Là, selon le type de joueur que vous êtes, soit vous allez parier le tout pour le tout, soit vous allez faire demi-tour au feu de camp qui se trouve super loin, accentuant toujours plus ce stress. Mais si on ose tenter sa chance, on découvre ce raccourci qui nous ramene au feu de camp et on peut enfin souffler et se détendre. Tout ça, c’est quand même très mauvais pour le coeur, mais c’est aussi une tonne d’émotions qui nous submerge.

    Tiens, un autre exemple qui montre bien à quel point chaque élément est positionné avec minutie : pour aller dans la zone secrete, il faut traverser les racines d’un arbre géant, et c’est pas l’endroit le plus évident quand on le découvre. Une fois arrivé tout en bas, on découvre le sublime lac cendré, et surtout, en tournant légérement la caméra, on découvre aussi… une hydre. Et là, c’est l’angoisse, parce que si on meurt, ça veut dire qu’on doit se retaper tout le chemin. Désespoir ô désespoir, on craque mentalement. Donc bon, foutu pour foutu, on se dit qu’on va explorer un peu avant d’aller mourir en boucle. Et là, caché dans un petit coin, le feu de camp salvateur qui nous allège d’un énorme poids. On souffle de réconfort, on se sent prêt de nouveau à affronter les défis qui arrivent. Et Dark Souls, c’est que ça : des montagnes russes perpétuelles, avec des pics intenses de stress et la chaleur réconfortante du feu de camp.

    Les feux de camp

    Parce que oui, vous voyez sans doute où je veux en venir, mais les feux de camp sont aussi une nouveauté par rapport à Demon’s Souls. Et pas une petite nouveauté, c’est carrément un choix de game design qui va influencer l’industrie puisqu’on en voit quand même régulièrement dans les jeux qui sortent. Les feux de camp, dans l’idée, c’est assez simple : c’est un checkpoint qu’on active, qui réinitialise la zone et permet diverses actions. Les ennemis reviennent à la vie, et c’est là qu’on monte de niveau, améliorer nos potions, et aussi se téléporter une fois qu’on a débloqué l’option. On est bien loin de Demon’s Souls qui nous ramenaient simplement au début du niveau :

    C’est une différence significative, et on veut que les joueurs utilisent cette mécanique pour planifier leur approche du jeu. Les feux de camp ont plusieurs utilités. Premièrement, ils servent de lieu de récupération, permettant aux joueurs de regagner de la vie. Deuxièmement, ils servent de point de respawn. C’est une mécanique de gameplay efficace. Troisièmement, les feux de camp sont des lieux où ils peuvent partager leurs expériences avec les autres. Ce sont des lieux où les joueurs peuvent communiquer, non pas avec des mots mais à travers des émotions. Enfin, c’est sans doute les seuls endroits dans Dark Souls où les joueurs peuvent se détendre. Dans ce monde sombre, les feux de camp sont chaleureux. Ce sont les rares endroits dans le jeu qui confèrent une sensation de réconfort, reflétant le monde de dark fantasy que je souhaite créer.

    Ça paraît pas grand chose, mais c’est en fait un coup de génie. Parce que les feux de camp représentent l’espoir dans un monde désolé, c’est la lumière qui illumine les ténèbres. Trouver un feu de camp après un combat de boss intense, c’est retrouver la sérénité, c’est l’indicateur qui nous dit “ok, là tu peux souffler.” Ce sont les seuls moment du jeu où on se sent en sécurité, les seuls lieux où on peut recharger nos batteries pour affronter les épreuves qui nous attendent. Sans les feux de camp, Dark Souls serait un marathon de plusieurs dizaines d’heures qui ne nous laisse jamais reprendre notre souffle, ça serait intenable. Ça peut sembler être un détail, mais c’est en fait l’un des éléments les plus importants du jeu.

    Les Estus

    Dans le même ordre d’idée, les Estus font leur apparition pour la première fois dans Dark Souls, et elles sont elles aussi un bienfait considérable pour l’expérience. Contrairement à Demon’s Souls qui imposait de constamment anticiper le fait de se soigner ou non, Dark Souls donne la liberté aux joueurs de prendre des risques sans avoir à se demander s’il va devoir aller farmer pendant des heures. Combien de fois j’ai testé un boss sans me soigner parce que je me disais : “si je claque tout maintenant, je vais me mettre dans l’embarras plus tard” alors que si ça se trouve, cette fois aurait été la bonne ? Et surtout, comment on fait quand on arrive à zéro ? Ok le jeu est généreux, mais un joueur totalement débutant peut vite tomber dans une spirale infernale s’il vient à manquer d’herbes. Les Estus, en revenant à leur nombre maximal après chaque mort, permet d’avoir toutes les cartes en main pour se donner à fond sans s’inquiéter de la suite.

    Les zones optionnelles

    Parce qu’on ne dirait pas comme ça, mais Dark Souls fait clairement plus attention au joueur que son prédécesseur. Ça reste bien sûr un jeu ardu et difficile d’accès, mais mine de rien, y a eu un effort assez significatif pour rendre la vie plus facile au joueur. C’est pour ça d’ailleurs que plusieurs zones sont totalement optionnelles, dans le sens où on n’a pas besoin de les traverser pour finir le jeu. Trouver le moyen de les contourner n’est pas forcément évident, mais ça reste possible.

    Même durant les playtests, il y avait de nombreux joueurs qui n’aimaient pas les profondeurs. On a donc créé un moyen pour que les joueurs puissent finir le jeu sans avoir à les explorer ou les terminer.

    C’est quelque chose qui sera appliqué à chaque nouveau jeu à partir de Dark Souls, et qui atteint son apogée dans Elden Ring où on peut complètement passer à côté de zones immenses. Et je trouve l’idée plutôt intéressante : déjà, ça peut pousser les joueurs curieux à revenir sur le jeu s’ils les ont loupés, ou à être plus attentif durant l’exploration. Et pour les zones vraiment terribles, c’est rassurant de se dire qu’on est pas obligés d’en venir à bout si on la déteste vraiment trop.

    Les malédictions

    Personnellement, j’ai lancé Dark Souls peu de temps après sa sortie en 2011, et je m’en sortais pas trop mal, jusqu’au moment où je suis tombé sur les basiliques. Là, évidemment je me suis fait maudire, mais c’est même pas le pire : en m’acharnant comme un idiot je me suis refait maudire, et en plus de ça, mon arme s’est cassée. À l’époque y avait pas de guide parce que c’était encore tout nouveau, donc je savais pas que jean michel sadique vendait des objets qui soignent la malédiction, et la seule personne que je connaissais qui en vendait… me détestait car je l’avais frappé sans faire exprès. Autant vous dire qu’il m’a pas fallu longtemps pour lacher le jeu, et il m’a par contre fallu des années pour accepter d’y revenir. Même encore maintenant, quand je fais une run, j’ai toujours des flashback de mon traumatisme. Donc ouais, merci Miyazaki de rendre certaines zones optionnelles pour conserver notre santé mentale. Encore que, comme il le dit lui-même, ça a parfois des effets inattendus :

    On croyait initialement qu’une fois la vie d’un joueur descendue à un quart, ils se ne feraient plus maudire et chercheraient à se soigner. On pensait que peu de joueurs se trouveraient à 1/8e ou 1/16e de leur vie, mais il s’est avéré que beaucoup l’ont vécu. Durant les tests d’équilibrage, au bout d’un certain temps de jeu, tous nos testeurs avaient tendance à devenir immunisés à la difficulté du jeu. On n’a jamais anticipé que ça puisse arriver.

    Ce système de malédiction est d’ailleurs lui aussi une nouveauté qui arrive dans Dark Souls. Et comme on est dans Dark Souls et pas un jeu lambda, elle prend une forme terrible : comme vous l’avez sans doute compris, on perd un pourcentage fixe de notre vie, qui peut devenir ridiculement petite si on tombe dans le panneau plusieurs fois d’affilée. On peut se soigner, mais encore faut-il savoir à qui s’adresser et quel objet utiliser. En gros, c’est un enfer qui a sans aucun doute traumatisé un paquet de monde. Et ça tombe bien, parce que c’est justement la volonté de Miyazaki :

    Dans de nombreux RPG, obtenir et lever une malédiction est un stéréotype où le joueur se dit juste “Oh, je suis maudit, d’accord”, et il ne se passe pas grand chose. Ça me paraît ennuyeux. Du coup, on a fait en sorte que les malédictions soient une véritable catastrophe dans le voyage du joueur, incluant le fait de lever la malédiction, ce qui peut être un gros défi. Peut-être qu’on en a fait un peu trop.

    La malédiction est donc un élément du jeu qui prend toute l’ampleur qu’elle est censée prendre dans les RPG plus conventionnels. C’est un événement dont on se souvient, et pas une simple pirouette scénaristique qui n’impacte pas le gameplay. C’est aussi, d’une certaine façon, un moyen d’appuyer le sentiment de vivre sa propre aventure. Dark Souls est un RPG dans le sens vidéoludique du terme, puisqu’on a des stats, de l’équipement et ce genre d’élément habituel, mais c’est aussi un RPG dans le sens où on joue un rôle. On incarne vraiment notre personnage, dans un monde où chaque micro détail est en fait justifié par le lore. Les feux de camp et la réapparition des ennemis sont tout autant intradiégétique que l’est … . À la limite, y a que le HUD qui ne semble pas avoir de pertinence dans l’univers et rappelle bien qu’on est dans un jeu. Mais en tout cas, la volonté de Miyazaki est claire : que chacun puisse vivre sa propre aventure, qui ne semble ressembler à aucune autre.

    Cette volonté, on la ressent à travers la liberté d’action assez dingue que propose le jeu. On l’a bien vu, on dispose de plusieurs chemins possible qu’on peut explorer dans l’ordre qu’on veut ou presque, on peut jouer avec une épée à une main et un bouclier ou avec de la magie à distance, porter une armure lourde ou légère, on peut utiliser des stratégies sournoises pour venir à bout des ennemis ou y aller fièrement, chacun fait comme il l’entend et il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de jouer : la seule façon de jouer viable, c’est celle qui nous permet de surmonter les épreuves dressées devant nous. Et quand on couple cette liberté avec le rôle play que cherche à créer Miyazaki, on arrive à la dernière grande nouveauté apportée par Dark Souls : les serments.

    Les serments

    En parlant avec certains PNJ spécifiques, on peut rejoindre des factions en leur pretant serment. Chacune possède des avantages particuliers, et c’est à nous de décider ceux qui nous conviennent. Mieux encore, on peut aussi en avoir marre et décider de trahir notre faction, qu’on peut d’ailleurs rejoindre à nouveau après avoir été absolu. C’est tout un champ de possibilités qui s’offre à nous, selon notre envie d’améliorations ou notre envie de RP car chaque faction a ses valeurs bien à elle. En plus de ça, ça offre aussi de nouvelles caractéristiques au jeu en ligne, bref vous l’avez compris, c’est un gros ajout vraiment intéressant et, selon moi, bien plus pertinent que la tendance des mondes de Demon’s Souls qui était très impactante mais ne dépendait pas que de nos actions, en plus de pas toujours être très claire dans son évolution.

    Le système de serments dans Dark Souls est plutôt unique. Je voulais que les joueurs apprécie les mécaniques de role-play, j’ai donc créé plusieurs factions à rejoindre. En fonction de la faction choisie par le joueur, ça affecte les ennemis, ajoutant une dimension de role-playing significative. Ça apporte aussi des interactions entre les joueurs qui sont des extensions de leur expérience RP. Ils peuvent s’engager dans un combat ou coopérer en fonction de leurs rôles respectifs. Pour un exemple plus compréhensible, pensez au Seigneur des Anneaux. Imaginez un joueur qui prend le rôle de Frodon, qui a découvert l’Anneau, et un autre qui joue le rôle d’un Nazgul le cherchant désespérément. Ca amènerait une confrontation autour de l’Anneau. Un joueur peut être totalement immergé dans son rôle de Nazgul, tandis que l’autre tombe accidentellement sur l’Anneau, créant une situation de ce genre.

    Le prototype de Dark Souls

    Bon, avec tout ça, je crois qu’on a fait un bon tour d’horizon de ce qui constitue Dark Souls, à la fois dans ce qu’il a repris de Demon’s Souls et des nouveautés qui ont été ajoutés. Mais bien sûr tout ça ne s’est pas fait en un jour. Il a fallu d’abord créer un prototype, itérer dessus, jusqu’à arriver au résultat final. Et si vous voulez l’essayez, ben vous pouvez ! Tout simplement parce qu’il s’agit du monde dans lequel on rentre via la peinture à Anor Londo.

    On a généré un nombre substantiel de concept art pour le Monde Peint, qui était fondé sur la carte utilisé dans le prototype de Dark Souls. On a mis beaucoup d’efforts dans ce prototype parce qu’il nous a permis de modeler précisément notre vision pour le jeu. On a décidé de ne pas le jeter à la poubelle et de l’incorporer dans le jeu actuel. Mais je ne trouvais pas de façon fluide de l’intégrer, j’ai donc décidé de le placer dans le Monde Peint. Ça peut sonner comme une solution de fortune, mais j’avais vraiment un objectif pour le Monde Peint depuis le début. Je suis ravi d’avoir été capable de rassembler cet objectif avec la carte du prototype.

    Et là, voilà, on a vraiment fait le tour des différents aspects du développement. Un développement qui sera finalement assez rapide, malgré le fait que la quantité de contenu ai doublé par rapport à Demon’s Souls. C’est vraiment impressionnant, parce qu’il faut bien avoir en tête que seulement deux petites années séparent les deux. Certes, le squelette de Dark Souls était déjà là, mais il a bien fallu créer tout le reste, en plus de tous les concepts qu’on vient de voir !

    Et c’est là qu’on arrive au sujet qui fâche, parce qu’évidemment on va pas se voiler la face, créer un jeu aussi riche que Dark Souls en deux ans, ça implique forcément du crunch. Mais comme la culture du travail au Japon est assez différente, je vais me permettre un petit aparté.

    Le crunch au Japon

    En théorie, les conditions de travail au Japon sont largement moins bonnes qu’en France, mais pas abjecte non plus : par exemple, un contrat de travail n’est pas censé pouvoir excéder 40 heures par semaine. Par contre, le salaire minimum dépend des régions et tourne en moyenne aux alentours des 820 yen de l’heure, soit six euros. Et pire encore, les employés n’ont droit qu’à 10 jours de congés payés par an, et là faut avouer que ça commence à piquer un peu. Mais surtout, la théorie et son application sont deux choses très différentes. Dans une étude faite en 2023 auprès de 30 000 personnes dans 30 pays différents, le japon arrive… en dernière place. L’archipel nippon obtient un score de 25% de satisfaction, là où la moyenne se situe à 57%. Et si vous vous posez la question, la France obtient le score de 45%.

    Il faut bien comprendre que la mentalité au Japon est totalement différente de celle qu’on peut avoir en France. Là-bas, le travail est l’une des priorités les plus importantes dans la vie des salariés, qui troquent un boulot généralement assuré à vie contre un investissement sans bornes.

    Avec en plus la crise économique des années 90 qui a bloqué l’augmentation des salaires, beaucoup de salariés n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Tout ce stress vécu par les salarymen mène parfois à des situations dramatiques, devenu depuis les années 60 un phénomène de société. Le terme « Karoshi » désigne la mort par crise cardiaque suite à un excès de travail, et c’est même reconnu comme une maladie professionnelle depuis 2012. Julien Merceron, un français vétéran de l’industrie qui a un CV vraiment costaud, raconte une anecdote assez glaçante sur le sujet (voir la vidéo pour voir l’extrait).

    Donc forcément, parler de crunch là bas, c’est assez compliqué. On a souvent des témoignages pour les grosses productions occidentales, au point même où le journaliste Jason Schrier a publié un livre qui compile différents projets s’étant mal passés. Mais on a très peu de retours sur les conditions de travail au Japon, probablement à cause de cette mentalité. Ce qui est sûr, c’est qu’ils cravachent énormément et que le travail prend une place centrale dans la vie des travailleurs, parfois au détriment de leur santé, quasiment toujours au sacrifice de leur vie de famille.

    Le crunch chez From Software

    Bon, avec ça en tête, qu’en est-il des conditions de travail chez FromSoft ? Après la sortie d’Elden Ring, certaines personnes sur twitter ont déploré le succès du jeu à cause des conditions de travail chez l’entreprise de Miyazaki. GamesIndustry s’est penché sur la question en allant interviewer des employés. Selon ces témoignages, le crunch n’y est pas plus violent qu’ailleurs : la plupart du temps, les horaires sont normaux, exceptés durant quelques périodes où il faut faire des heures supplémentaires, qui sont payées. Beaucoup sont même satisfaits de leur expérience, qu’ils comparent à une partie de Dark Souls : “Dans un sens, c’est un peu tendu. Il a beaucoup de difficultés pour faire les choses correctement, mais si vous parvenez à surmonter l’obstacle, c’est très satisfaisant. C’est comme si vous veniez de vaincre un boss dans Dark Souls.” Même si bien sûr, c’est à relativiser : les témoignages changent du tout au tout en fonction des départements, et la plupart concèdent qu’il existe du crunch vers la fin de la production.

    L’autre gros problème, ce sont les salaires… et les heures supp payées moins cher que les heures normales, ce qui est quand même complètement aberrant. En moyenne, le salaire moyen chez FromSoft tourne autour de 22 000 euros à l’année, ce qui l’un des plus bas dans le domaine du jeu vidéo au Japon. En prenant Atlus comme comparaison puisque c’est à peu près la même taille d’entreprise, le salaire est de 34 000 euros annuel. Bon c’est à prendre avec des pincettes, puisque c’est une conversion du yen au dollars, qui est ensuite reconvertie en euros. Avec le cours des monnaies qui fluctue, c’est pas au centime près, mais ça donne une idée de la différence flagrante de revenus entre les salariés des deux boites. Ça pose un vrai problème, parce que c’est clairement insuffisant pour vivre correctement à Tokyo :

    Ceci étant, si on regarde des témoignages plus anciens, c’est pas vraiment le même son de cloche. Beaucoup parlent de crunch même lorsque c’est pas nécessaire, et les conditions de travail pour les femmes sont terribles. Par exemple, on les pousse doucement vers la sortie si elles tombent enceinte, et un témoignage parle même de rumeurs autour d’harcèlement sexuel. Sauf que, encore une fois, ça reste des témoignages anonymes. Est-ce que FromSoft a changé avec le temps ? Est-ce que certains témoignages sont de mauvaises foi ? C’est difficile de tirer des conclusions claires. Le seul élément où tout le monde semble tomber d’accord, c’est sur les salaires trop bas.

    Un dernier point, qui va peut-être aussi vous apporter quelques éclaircissement sur mes propres vidéos. Parmi ceux d’entre vous qui me suivent, vous avez sans doute remarqués que les vidéos sur les jeux FromSoft étaient assez pauvres en diversité quand il s’agit des sources : on retrouve surtout des extraits d’interview de MIyazaki, toujours à l’écrit. Je me suis moi-même posé la question, parce que finalement, avec une seule et unique parole, tout ce que je raconte ne découle peut-être que du narratif de Miyazaki. Et bien, la raison pour laquelle je ne trouve pas d’interview d’employés de FromSoft est en fait limpide : Le studio n’autorise pas les employés à donner des interviews, qu’ils soient encore salariés de FromSoftware ou non. “The studio does not permit employees to give interviews, whether they still work at From Software or not.” Forcément, si les employés ont interdiction de donner des interviews, ça va être difficile d’apporter différents points de vue sur la création de leurs jeux. Non pas que je considère que mes vidéos sur les Souls sont de moins bonne facture que les autres, mais ça me semblait important d’apporter cette précision.

    La communication

    Bref, revenons à nos moutons après cet aparté beaucoup plus long que prévu. On a donc le jeu qui progresse bien, mais encore faut-il le promouvoir, et le promouvoir correctement. Pour ceux qui ont vu la vidéo sur Demon’s Souls, vous savez à quel point la communication s’est mal passée pour le premier jeu de Miyazaki. Au Tokyo Game Show 2008, une démo était disponible et ça avait été une catastrophe. Les équipes ont donc appris de leurs erreurs :

    Bien qu’on considère la possibilité d’un événement pour une preview, on n’a pas de plan concernant une démo pour Dark Souls. De par sa nature, ce n’est pas le genre de jeu qui peut montrer son charme efficacement durant une courte session.

    FromSoft et Bandai Namco partent donc sur une stratégie qui va faire son effet : conserver une aura de mystère autour du jeu, tout en mettant l’emphase sur la difficulté. Les raisons du succès de Demon’s Souls sont évidentes : c’était un jeu qui allait à l’inverse des tendances en proposant un défi corsé et une sensation d’accomplissement qui devenait de plus en plus rares. C’est pas pour rien que la campagne autour de la version PC s’appelle Prepare to die. Et force est de constater que c’était la bonne marche à suivre, puisqu’une hype entoure la sortie de Dark Souls, avec seulement quelques trailers assez obscurs présentés durant l’année précédent sa sortie.

    Le succès

    Une attente qui tient ses promesses, parce que à sa sortie, Dark Souls est unanimement acclamé, que ce soit par la presse ou les joueurs. Les critiques dithyrambiques pleuvent de partout, les avis positifs aussi, et il va par la suite se hisser dans les premières places des différents tops des meilleurs jeux vidéos, et ce, même encore récemment : par exemple, il a été élu meilleur jeu de tous les temps dans les Golden Josticks Awards en 2021. La version PC, qui sort en aout 2012, vient un peu contrebalancer toutes ces louanges. La faute à un portage vraiment dégueu, avec un cap à 30 fps, des contrôles infâmes au clavier/souris et l’impossibilité de changer de résolution. C’était vraiment l’enfer sur terre, le jeu tombait même sous la barre des 15 fps dans certaines zones. Heureusement, un mod appelé DSFix fait par un fan est arrivé pour sauver les meubles. En tout cas, rien qui ne vient entacher le nombre de ventes : en avril 2013, une conférence de Namco Bandai révèle qu’il s’est écoulé 1,6 millions d’exemplaires, dont 1,3 millions pour l’Occident et 375 000 pour le Japon, avec 692 000 unités sur PC. Ca peut sembler faible quand on connaît l’aura du jeu aujourd’hui et les chiffres que la licence a désormais atteint, mais ça reste un très joli score, surtout quand on le compare à son aîné.

    Mais toutes ces notes, toutes ces appréciations et tous ces chiffres, c’est loin d’être le plus important. Ce qui compte le plus, plus encore que son succès commercial et critique, c’est que Dark Souls a marqué les esprits. Au-delà d’être le point de départ d’un genre entier et d’être le sujet d’un nombre incalculable de vidéos, c’est surtout dans l’esprit des développeurs que le jeu s’est ancré. Même des jeux comme The Witcher 3 ou God of War, qui n’ont en apparence pas grand chose à voir, ont été inspiré par le jeu de Miyazaki. D’ailleurs, cet impact prend parfois des tournures inattendues, comme l’ancien président de Sony, Shuhei Yoshida, qui a déclaré que le design de la PS4 a été inspiré par Dark Souls. Ouais, on en est là ! Dark Souls est devenu une référence absolue, un jeu si important qu’il est impossible de ne pas voir son image aux travers des productions actuelles. Au même titre qu’Ico ou des premiers Assassin’s Creed, Dark Souls est devenu le fer de lance de l’industrie, l’oeuvre qu’on voit partout, même lorsqu’on ne s’y attend pas. Et c’est bien dommage pour ce pauvre Demon’s Souls qui a fini par être totalement invisibilisé, alors que c’est pourtant lui qui a apporté le squelette de la série. Mais en tout cas, on peut le dire, il y a un avant et un après Dark Souls, à un point où on sature presque du nombre de soulslike qui sortent continuellement depuis quelques années, même dans la sphère indé. Une suite logique, puisque les tendances évoluent en fonction des succès, et Dark Souls trône sans aucun doute comme l’un des plus retentissants de ces 15 dernières années.

    Sources

    Livres

    • Dark Souls I & II Design Works - Édité chez Mana Books
    • Dark Souls. Par-delà la mort - Volume 1, Damien Mecheri et Sylvain Romieu, édité par Third Editions

    Articles et interviews

    Interviews

    Vidéos

    Visuels

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    Fondateur

    Table Of Contents

    1
    Contexte
    2
    Les points forts de Demon’s Souls repris dans Dark Souls
    3
    Les évolutions
    4
    Le crunch au Japon
    5
    La communication
    6
    Le succès
    7
    Sources

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