Les jeux non violents, ça ne court pas les rues. Alors les jeux non violents avec un scénario quasi inexistant et une atmosphère contemplative, autant vous dire que ça tient plus de l’exception que de la règle. Et c’est pourtant ce que proposait l’excellent FAR : Lone Sails et son voyage dans un monde probablement post-apocalyptique. On incarnait un personnage qui devait faire avancer son véhicule grâce à différentes mécaniques, le tout en vue side scroller. Et vraiment, malgré sa courte durée de vie, il fait partie de ces jeux marquants par leur minimalisme et leur ambiance dépaysante. Alors quand Okomotive annonce une “suite”, on ne peut qu’être aussi intrigué que sceptique : comment réussir à reproduire la magie du premier sans donner une impression de redite ?
Tout comme FAR : Lone Sails, Changing Tides commence avec seulement quelques indications. Comment avancer, sauter, interagir et zoomer. Et c’est à peu près tout. On avance sans avoir aucun but dans ces ruines emplies d’eau, si ce n’est celui de vouloir voir ce qui se situe à droite. Et même lorsque l’on trouve notre moyen de locomotion et que les mécaniques se multiplient, on conserve un but identique : toujours aller plus loin. On ne sait pas où on va ni d’où on vient, mais dans le fond, qu’importe. Ce qui compte, ce qui marque, ce qu’on retient, c’est le voyage. Et là encore, les développeurs de chez Okomotive font preuve d’une sensibilité artistique des plus admirable, tant les décors représentent la beauté mélancolique. Si cette fois, l’histoire du monde nous est racontée plus frontalement que dans Lone Sails, la narration environnementale n’en reste pas moins celle qui en dit le plus. Ces ruines d’anciennes villes, ces constructions englouties sous les eaux, ces terres arides et tout ce qui compose le décor de Changing Tides racontent quelque chose, et on est très vite immergé dans l’univers, malgré son mutisme assourdissant.
Mais mutisme ne signifie pas silence, et le sound design de FAR : Changing Tides apporte une valeur incommensurable à l’ambiance. Déjà bien évidemment grâce aux musiques, toujours distillées avec parcimonie aux bons moments et d’une justesse impressionnante. Dès lors que le silence est rompu par la musique, on est emporté par ce qu’elle raconte et on se laisse rapidement bercer par ces notes mélodieuses. Quant aux sons, ils n’ont l’air de rien mais sont, eux aussi, vecteur d’immersion. Ils contribuent à cette ambiance reposante.
Enfin c’est bien beau tout ça, mais qu’est-ce qu’on fait concrètement parlant ? Et bien, à peu de choses près, les mêmes actions que dans le premier. On peut diviser le jeu en deux types de phases : celles où l’on fait avancer le véhicule, et celles où l’on explore.
Les moments où le but consiste à faire avancer le bateau se résument à de la gestion, qui se complexifie au fur et à mesure. Au départ, seuls le mat et sa voile sont disponibles pour progresser : on doit donc lever le mât ainsi que la voile, orienter cette dernière pour bénéficier du vent, et les redescendre si un obstacle se place sur le chemin. Peu de temps après, on récupère un moteur qui octroie des rames au bateau. Il faut donc utiliser des combustibles et sauter sur une sorte de soufflerie pour donner de la puissance. Je ne vais pas tout révéler ici, mais on obtient donc régulièrement des améliorations qui offrent toujours plus de gestion à l’intérieur du bateau. Et parfois trop : au bout d’un moment, on en vient à ne plus pouvoir profiter des décors tant il faut courir à droite et à gauche pour continuer à avancer. Et c’est dommage, car ces ajouts de mécaniques ternissent l’ambiance onirique apportée par tout le reste.
Les phases d’exploration, sont, quant à elles, plus portées sur la résolution d’énigmes. En explorant un lieu à pied, on doit souvent réussir à trouver un moyen de passer un obstacle. Rien de compliqué toutefois, tant elles sont intuitives. Elles consistent généralement à bouger un objet ou actionner un interrupteur (souvent dans cet ordre d’ailleurs). Et c’est d’ailleurs un problème : dès lors qu’on en a fait quelques-unes, on n’est plus surpris par les suivantes. Elles se répètent dans leur construction et n’offrent finalement que peu d’intérêt. La grande force des ces phases réside plutôt dans ce qu’elles racontent à travers l’environnement et ce qu’elles instaurent comme ambiance. C’est dans ces moments qu’on se sent seul dans un monde vide, seulement entouré des traces de vies désormais disparues (ou du moins absentes).
Mais bien sûr, le studio ne revient pas en proposant une simple redite de Lone Sails. Dans Changing Tides le thème au cœur du jeu se trouve être l’eau. Ainsi, le personnage – quand il n’est pas dans son bateau – sera plus souvent en train de nager que de marcher. Et comme le bateau n’a pas de roues, il ne pourra avancer que sur l’eau. Jusqu’au moment où on aura même la capacité de plonger pour outrepasser certains obstacles. Une belle surprise, mais qui m’a malgré tout laissé de marbre. Pour une simple et unique raison : les niveaux aquatiques sont généralement ceux qui m’intéressent le moins.
Dans FAR : Changing Tides, les décors sont magnifiques et empreints d’une mélancolie brutale. Mais tout ça disparaît dès que l’on fait chauffer les machines pour plonger. Instantanément, tout devient plus fade et moins contemplatif, surtout que l’aspect gestion devient lui aussi plus poussé puisqu’on doit gérer l’axe vertical en plus de faire avancer le bateau. Ce qui devait ressembler à l’effet « whaou » n’a produit en moi qu’une volonté de remonter au plus vite à la surface.
Bien sûr, c’est ici un élément subjectif. Il ne fait aucun doute que certains trouveront leur plaisir à découvrir cette vision sous-marine et concèderont une certaine excellence à l’idée. Tandis que d’autres, comme moi, seront frustrés d’imaginer ce genre de concept appliqué à une machine aérienne. Peut-être dans un troisième opus ? D’autant plus avec la fin de cet opus qui annonce quelque chose d’intéressant pour la potentielle suite.