Le metroidvania est un genre qui a le vent en poupe. Il en sort de partout, avec des propositions marquantes comme Hollow Knight (j’espère d’ailleurs avoir l’occasion de jouer à Silksong avant ma retraite), Ori ou encore Axiom Verge 2, et certaines un peu plus lambda. Celle de TiGames – un studio chinois peu connu dans nos contrées – propose d’incarner un mignon alternant entre badassitude et mignonnerie. Avec les sublimes visuels aperçus dans les trailers, il y avait de quoi avoir bon espoir d’obtenir à nouveau un excellent représentant du genre. Et pourtant…
Excepté son acronyme un peu douteux, F.I.S.T. : Forged In Shadow Torch partait du bon pied. Certes, Rayton – le protagoniste – possède le caractère bougon d’un ancien soldat taciturne cliché à souhait et son univers diesel punk donne un air de déjà vu. Mais avec son cadre dystopique, ses personnages anthropomorphes bien modélisés et sa mise en scène surprenante pour un jeu de cet acabit, on s’immerge rapidement. Une fois la cinématique d’introduction terminée, on se met en route pour aller sauver notre pote Urso, capturé par la milice de The Legion, un groupe politique qui a envahi Torch City – la ville où se déroule l’histoire. Là on découvre avec émerveillement les superbes décors urbains, on apprivoise peu à peu le gameplay, les ennemis révèlent un bestiaire étendu tandis qu’on leur défonce le crâne. Sauf que, peu de temps après, les défauts se dévoilent rapidement et prennent toute la place. Déjà, les décors deviennent de plus en plus ternes et redondants : on passe d’une éblouissante ville à des couloirs d’égouts, d’usine et autres environnements cohérents avec l’univers, mais vraiment peu reluisants. J’avais presque l’impression de retenir ma respiration en attendant le retour aux jolis visuels qu’offre la cité et apercevoir au loin les néons qui illuminent la nuit. Le même effet se fait ressentir pour le gameplay, qui laisse entrevoir de belles possibilités pour finalement décevoir de plus belle.
Au début de l’aventure, c’est très simple : on tape, on saute, on esquive et on pare, en imaginant avec ferveur les nouvelles capacités que l’on se procurera par la suite. Mais nos attentes se voient anéanties au fur et à mesure de la progression par un ennui indétrônable. Aussi lourd qu’un tracteur, Rayton se déplace mollement, et les coups portés manquent furieusement de panache et de dynamisme. Alors forcément, quand chaque coup met une seconde à s’exécuter et qu’on fait face à autant d’ennemis qu’il y a de décibels dans le cri d’une groupie de K-pop, le temps devient long. On en vient rapidement à pestiférer. Le pire dans tout ça, c’est qu’il n’est aucunement possible de bloquer ! Alors oui, on peut parer les attaques en appuyant sur la direction avant au bon moment ou utiliser une compétence (limité en utilisations). Seulement, l’action manque parfois de lisibilité et dans ces moments-là, la parade se transforme en un coup de chance plutôt qu’en timing apprivoisé.
On aurait pu espérer que les armes et les outils secondaires viennent diversifier un gameplay trop redondant. Au début de l’aventure, les perspectives sont peu nombreuses, et on se retrouve vite à toujours effectuer des mouvements identiques pour vaincre les ennemis. Les armes obtenues en progressant dans l’histoire le font partiellement : Rayton possède effectivement des attaques différentes entre le poing mécanique, la perceuse et le fouet. On peut même acquérir de nouvelles techniques et enchaînements grâce à un arbre de compétence. S’il élargit le champ des possibles en termes d’attaques, cet arbre oublie cependant de laisser la liberté au joueur de se créer différents builds. On ne peut attaquer que d’une seule façon, forcés de recourir peu ou prou aux mêmes enchainements, quelle que soit l’arme utilisée. En résulte un sentiment de monotonie, car si la progression du personnage permet effectivement d’améliorer ses dégâts et de terrasser plus rapidement ses ennemis, elle ne laisse pour autant aucune place à différents styles de jeu.
Heureusement, les combats de boss viennent remonter le niveau de l’ensemble. Bien mis en scène, bien rythmés et agréables, ce sont les affrontements qui offrent le plus de sensation et un challenge intéressant, notamment à travers leurs patterns à assimiler. Le seul souci les concernant, c’est que le gameplay n’a manifestement pas été pensé pour combattre des opposants lourds. Résultat, on se retrouve face à un ennemi qui ne s’arrête pas dans ses attaques même lorsqu’on est en train de lui marraver la tronche. On est obligé de reculer, brisant ainsi le rythme du combat. Et je ne vous parle même pas des boss qui nous persécutent à plusieurs, où ça devient vraiment infernal. Mais en réalité, le problème ne vient pas spécifiquement des combats en eux-mêmes, qui sont bien souvent peu intéressants dans les metroidvania. Non, le problème découle principalement du fait que F.I.S.T. les place au premier plan, faisant d’eux la composante majoritaire du titre. Un rouage lent et jamais éclatant, qui alourdit le jeu par leur rythme et leur manque d’évolution.
Le même constat s’applique à l’exploration. Oui, il y a bien moult objets à récupérer, que ce soit des collectibles ou des améliorations. Mais le peu de capacités de mouvements donne lieu à un level design très classique, avec des coins cachés facilement décelables pour les habitués du genre. On fait rapidement le tour des possibilités, à savoir un double saut et un wall jump. Et forcément, l’exploration se situe à des kilomètres de celle d’un Hollow Knight par exemple, avec ses zones facultatives travaillées et des capacités bien utilisées pour harmoniser la progression. La carte conserve une cohérence globale néanmoins, ce qui rend la navigation aisée malgré une interface pas très agréable et cruellement pauvre en ergonomie. Le vrai problème provient principalement du manque d’imagination du studio, avec des niveaux qui n’offrent que peu de surprise.
Malgré une verticalité relativement bien utilisée, les rares compétences dédiées au mouvement ne laissent que peu de possibilités dans la découverte d’endroits cachés. D’autant plus que les allers-retours, typique des metroidvania n’embellissent pas l’expérience, bien qu’ils sont facilités par la présence de téléporteurs. Quid de la plateforme dans tout ça ? Un metroidvania qui se respecte se doit d’avoir des phases de plateforme. F.I.S.T. ne fait pas exception à la règle et dispose de quelques passages où il faudra sauter tel un cabri pour éviter certains obstacles. Pas désagréables, elles sont rares et restent du même acabit que l’exploration : sans saveur. Elles deviennent rapidement anodines et s’oublient aussitôt terminées. Ce manque d’intérêt provient encore une fois d’un manque de compétences pensées pour créer du challenge. Les développeurs se sont un peu trop focalisés sur le combat, et ont vraisemblablement oublié d’étoffer le reste.
Pour revenir sur l’univers, c’est vraiment dommage qu’il ne soit pas mieux utilisé pour engager le joueur dans son scénario. L’histoire racontée est en elle-même classique, mais il ne fait qu’aucun doute que le contexte du jeu aurait pu intéresser les joueurs. En l’état, on ne trouve que quelques documents par-ci par-là et des discussions explicatives pour le développer. On décide donc vite de faire abstraction, malgré les très nombreux dialogues du jeu. Parce que F.I.S.T. est un jeu étonnamment bavard : on croise au cours de nos aventures une palanquée de personnages, pour la plupart totalement anecdotiques. Je n’ai pour ainsi dire retenu aucun nom excepté ceux de Rayton, Urso, et Lady Q, au milieu des dizaines d’individus que j’ai rencontrés. Au-delà des caractères stéréotypés des personnages, c’est surtout leur utilité scénaristique et leur consistance qui leur fait défaut. L’entrée dans le scénario des personnages importants est pourtant bien mise en scène, avec des cinématiques et tout le tintouin, mais rien dans leur écriture ne leur permet de garder une consistance qui les rendrait attachants.