• Tests
  • Previews
  • Coulisses
  • Archives
  • Analyses
  • Ghostwire Tokyo : Promesses tenues ou déception ?

    Par DonBear
    Publié dans Tests
    23 mars 2022
    8 min de lecture
    Ghostwire Tokyo : Promesses tenues ou déception ?

    Ghostwire Tokyo fait partie de ces jeux à l’E3 2019 que personne n’avait vu venir. Présenté par le maître de l’horreur vidéoludique Shinji Mikami, ce passage de la conférence Bethesda aura surtout marqué les esprits et les internet grâce à Ikumi Nakamura, qui adoptait un ton enjoué très éloigné des discours formatés qu’on entend habituellement pendant ce genre d’événement. Bref, pour en revenir au jeu, il avait à l’époque marqué les spectateurs, et ce, pour deux raisons. Déjà parce que chaque création de Shinji Mikami attire l’attention, et surtout parce que son univers avait l’air vraiment original. Basé sur le folklore nippon, on pouvait apercevoir dans le trailer une ville de Tokyo sombre, vidée de ses habitants et remplie de phénomènes étranges dans une ambiance pesante. Mais au fur et à mesure que la date de sortie du jeu approchait, les trailers dévoilaient un côté beaucoup plus action et beaucoup moins horrifique. Alors la question à se poser devient évidente : Ghostwire Tokyo, il fait peur ou pas ?

    Action ou horreur ?

    Avec Tango Gameworks aux commandes, il paraît légitime de penser qu’on est face à un jeu d’horreur. Pour rappel, le studio fondé en 2010 par Shinji Mikami – à qui l’on doit les Resident Evil et les Devil May Cry – a sorti jusque là deux jeux d’horreur, The Evil Within 1 et 2. Deux jeux avec une ambiance particulière, assurément stressante face à certains monstres tout droit sortis de nos pires cauchemars. Alors quand Ghostwire Tokyo se montre en 2019, l’absence de gameplay nous laisse croire à un jeu horrifique, dans la parfaite lignée de ses prédécesseurs.

    En réalité, ce n’est absolument pas le cas. Dès lors que du gameplay a été présenté, on a tout de suite pu comprendre que le jeu serait orienté action. Et maintenant qu’il est disponible, c’est devenu une certitude : Ghostwire Tokyo ne fait pas peur. Oui, l’ambiance est oppressante, certains passages font stresser, et il y a quelques clins d’œil aux FEAR. Mais malgré tout, on déambule dans Tokyo sans aucune crainte, et ce, pour une bonne raison : on est capable de se défendre. Un gameplay orienté action signifie qu’on peut attaquer et bloquer les coups. Ghostwire Tokyo propose une amélioration du personnage qui le rend plus puissant au fur et à mesure de l’aventure, et avec ces pouvoirs en main, on peut se défaire de n’importe quel ennemi. Donc non, je n’ai jamais eu peur lors de ma dizaine d’heures de jeu. Et pourtant, croyez-moi sur parole, je suis le genre de joueur qui ferme les yeux en jouant à Resident Evil 7 et qui a très mal vécu la maison Beneviento de Resident Evil 8.

    Par contre, le génie aperçu dans The Evil Within refait surface lors de quelques passages surprenants dans Ghostwire Tokyo. Certaines scènes sont surréalistes et donnent le vertige devant tant d’effets visuels impressionnants. J’ai brièvement eu le même ressenti que ce que j’avais éprouvé devant le Labyrinthe du Cendrier dans Control. Ces moments sont brefs et peu nombreux, mais ce sont pour moi les plus marquants du jeu. Tango Gameworks avait déjà fait preuve d’une belle créativité dans The Evil Within, ils réitèrent l’exploit lors de quelques coups d’éclat dans Ghostwire Tokyo.

    Ghostwire Tokyo Screenshot

    Un scénario de série B

    Ceci dit, la majorité du temps, on traversera les rues désertes de Tokyo plutôt que de vivre des expériences presque psychédéliques. Et ce, pour une bonne raison : L’homme au masque d’Hannya, que l’on qualifiera de grand méchant, s’affiche sur les écrans de la ville au début du jeu pour annoncer la transformation du monde. Puis d’un coup, brouillard et mort parsèment les rues qui se remplissent en parallèle de « visiteurs » – les ennemis que l’on affrontera. Par chance, Akito, le protagoniste, est sauvé de justesse par l’esprit d’un ancien flic nommé KK. Ça tombe bien, car l’antagoniste décide de kidnapper la sœur d’Akito. L’histoire s’articule rapidement autour de son sauvetage et de la coopération du protagoniste avec KK. En guise de loyer pour l’occupation de son corps, il lui transmet des pouvoirs lui permettant de se défendre contre les nombreuses menaces qui hantent les rues tokyoïtes.

    À partir de là s’ensuit une histoire aux twists alambiqués et pas toujours pertinents. Pire encore, on finit par arrêter de se poser des questions pour simplement suivre ce qui se passe avec un certain détachement. Peut-être est-ce lié à une différence culturelle, mais j’avoue ne pas avoir compris bon nombre d’éléments du scénario. Par exemple, pourquoi certains esprits comme KK réussissent à intégrer des corps pour survivre, tandis que d’autres flottent mollement sans rien faire ? Pourquoi sommes-nous les seuls à avoir des pouvoirs ? Que fait le gouvernement ? Tant de questions sans réponses. Peut-être ai-je mal compris certains éléments, mais si tel est le cas, ça signifie malgré tout que Ghostwire Tokyo ne sait pas raconter de manière intelligible son histoire.

    Qui plus est, elle n’est pas très longue (comptez entre 5 et 10h pour en voir le bout) et se conclut assez abruptement en laissant plein de zones d’ombres. Ajoutons à cela une mise en scène qui casse pas trois pattes à un canard et des cinématiques parfois inutiles – on parle quand même d’une scène d’une minute où on regarde juste Akito dans une cabine téléphonique – en plus d’être trop nombreuses, et nous voilà face à un récit difficilement accrocheur. Et ce n’est pas la relation entre Akito et KK qui tiendra le scénario sur ses épaules, puisqu’elle est totalement clichée, même si elle est malgré tout agrémentée de quelques dialogues sympathiques.

    Ghostwire Tokyo Screenshot

    Et au-delà de ce flou scénaristique vient un autre problème tout aussi conséquent : les circonvolutions. Parce qu’il y en a un paquet, et autant vous dire qu’elles ne sont pas des plus amusantes. Par exemple, à un moment de l’histoire, KK cherche à entrer en contact avec un de ses anciens collègues. Pour se faire, il doit trouver une cabine téléphonique, mais pas n’importe laquelle ! Celle avec un symbole dessus. Une fois arrivée à ladite cabine, on apprend qu’il faut aussi trouver une télécarte, sans quoi la communication est impossible. Nous voilà donc obligés de faire des allers-retours inintéressants. De tous ces objectifs anodins et ennuyeux, l’histoire en est remplie et s’en trouve alourdie.

    Un tour de Tokyo fantôme

    Mais tout ce qui est mis en place, du scénario aux personnages en passant par les ennemis sert à installer une ambiance des plus appréciables. C’est assurément le meilleur point du jeu : l’utilisation du folklore japonais instaure une sensation de nouveauté vraiment agréable. Lorsque l’on rencontre pour la première fois des salaryman sans visage et des écolières sans tête, on est décontenancé. Quand on croise un chat avec deux queues qui tient un magasin, on est surpris. Quand une quête secondaire nous demande d’attraper un Yokai en forme de parapluie, on se dit qu’on voit pas ça tous les jours.

    Ghostwire Tokyo Screenshot

    Et cette ambiance imprégnée de culture nippone nous suit à chaque instant. La structure du jeu est relativement banale : au départ, les possibilités de déplacement sont limitées à de simples rues, la faute à un brouillard qui tue quiconque entre dedans. Pour s’en débarrasser, il faut purifier des Torii – généralement gardés par des ennemis –, les portails qui sont généralement devant les sanctuaires shintoïstes. Une fois ceci fait, une petite partie de la carte se dévoile, et donne donc accès à tout ce qu’elle cache : les esprits à récupérer et à échanger dans une cabine téléphonique contre de l’exp et de l’argent, les autels à prier pour augmenter le nombre de « munitions », les quêtes secondaires, etc. Mais c’est justement là qu’un problème se pose rapidement.

    Parce que passé le plaisir de la découverte, on finit par tourner en rond et s’ennuyer ferme. Pour être totalement transparent, j’ai joué 12h au jeu et je suis loin d’avoir tout exploré ou fait toutes les quêtes secondaires. Parce que j’avais l’impression d’avoir largement fait le tour de ce que le jeu avait à proposer. Certes, il est plutôt agréable à regarder. Visuellement, les rues bien modélisées, certains effets de lumières et reflets ont de la gueule et quelques quartiers rendent superbement bien. Certes, la carte dispose d’une bonne taille : ni trop petite, ni trop grande, juste ce qu’il faut. Certes, l’exploration se fait naturellement et récompense les plus curieux. Certes, la surprenante verticalité du level design, permise grâce aux tengu – sortes de gargouilles volantes que l’on peut grappiner – offre une liberté de mouvement plus que bienvenue. Les quelques mini phases de plateforme rafraichissent le tout. Mais dans le fond, passé les trois premières heures, on a déjà tout vu. Le jeu répète inlassablement les mêmes pratiques, les mêmes éléments, les mêmes mécaniques pour toujours revenir aux mêmes objectifs.

    Ghostwire Tokyo Screenshot

    Un gameplay fantomatique

    Alors, est-ce que le gameplay rattrape tout ça ? Pas vraiment. Le principe de base est simple : grâce aux pouvoirs de KK, on peut balancer des projectiles magiques aux ennemis, jusqu’à ce qu’on puisse leur arracher le cœur. Au fur et à mesure de la progression, on débloquera plusieurs éléments tel que le feu ou l’eau. Avec ça, on pourra aussi compter sur un arc et par la suite des talismans très puissants. Pour se défendre, on peut bloquer les coups ennemis, diminuant grandement les dégâts reçus, et avec le bon timing les parer.

    Et c’est tout. Pas de stratégie spécifique, pas de nuances, et surtout, pas de possibilité d’esquive, ce qui rend le personnage assez lourd dès qu’on est encerclé. Les combats, même s’ils ne sont pas mauvais, consistent simplement à spammer le plus d’attaques possible jusqu’au finish move et se protéger si un ennemi est un peu trop insistant. Comme pour le reste, une fois passé la découverte, on s’ennuie ferme. Parce qu’en plus du bestiaire qui finit rapidement par se résumer à de simples redites des ennemis de base – un salaryman gros, un rouge, etc. –, la progression très rapide au début fait qu’à la fin du premier tiers du jeu, on a déjà quasiment toutes les cartes en main. Il y a bien un pouvoir que l’on n’obtient pas très loin de la fin qui permet de ralentir le temps et faire de gros dégâts, mais aucune mécanique ne s’ajoute au gameplay initial.

    Ghostwire Tokyo Screenshot

    Comme en plus l’IA n’est pas très fute-fute, rien ne vient relever le niveau. Globalement, les ennemis se contenteront de foncer tête baissée, et comme ils sont polis, ils attendront patiemment leur tour sans même avoir pris de ticket. La difficulté ne tient donc pas sur le fait de faire face à un groupe de détracteurs, mais bien sûr le fait que la plupart d’entre eux sont des sacs à PV, et par la suite que certains ont des attaques dévastatrices. Quelques combats de boss viennent ponctuer l’aventure, et malgré leur réussite visuelle, la grande majorité d’entre eux consiste comme le reste à attaquer le plus possible jusqu’à la fin.

    Ghostwire Tokyo Screenshot

    Il y a certes le stress de manquer de « munitions », mais dès lors que l’on débloque les bons passifs dans l’arbre de compétence, le tour est joué. Ceci étant dit, rendons malgré tout honneur à l’utilisation très intelligente et complète de la DualSense. Que ce soit les retours haptiques, le haut-parleur, le pavé tactile ou les gâchettes adaptatives, énormément de sensations passent par la manette qui n’a à ma connaissance que rarement été aussi habilement utilisée. Parfois peut-être un peu trop, puisque le bruit utilisé pour indiquer la présence d’ennemis devient rapidement agaçant et s’avère particulièrement désagréable – malgré le fait qu’il soit cohérent avec l’ambiance.

    Alors, est-ce que Ghostwire Tokyo peut vous plaire ? Ça dépend de votre tolérance et de ce que vous recherchez dans un jeu. Si c’est l’aspect scénaristique ou la profondeur de gameplay, passez votre chemin. Cependant, si vous aimez explorer et que vous êtes un grand fan de Tokyo, la reconstitution fidèle en 1:1 ne peut que vous plaire. Si vous aimez découvrir des folklores différents de ce qu’on voit d’habitude, là encore le titre de Tango Gameworks pourrait vous convenir. Mais surtout, gardez bien en tête que la répétitivité plombe grandement l’aventure, en plus d’une structure de monde ouvert somme toute banale. Les trois premières heures m’ont réellement hypé, m’ont donné envie d’en voir plus. Puis 3h plus tard, tout était parti, et il ne restait que la lassitude et l’espoir d’avoir au moins droit à un scénario qui tient la route – une déception de plus.

    Ghostwire Tokyo Screenshot

    Développeur : Tango Gameworks – Éditeur : Bethesda

    Sorti le 25 mars 2022 sur PC et PS5

    Testé sur PS5 grâce à un code fourni par l'éditeur.

    Points positifs


    L'utilisation du folklore japonais
    Une ambiance réussie
    Le duo Akito/KK marche bien
    Le doublage et la musique
    Les capacités de la DualSense pleinement utilisées
    Un terrain de jeu à la taille parfaite
    La verticalité du level design
    Un bestiaire original...

    Points négatifs


    Répétitif
    Les circonvolutions scénaristiques
    Beaucoup de clichés
    Des twists alambiqués
    Les cinématiques inutiles
    Trop de quêtes secondaires ont les mêmes objectifs
    Où est l'esquive ?
    Certains sons agaçants
    L'IA dans les choux
    ... Mais qui se répète

    6
    Sympa sans plus
    Ghostwire Tokyo fait partie de ces jeux ni bon, ni mauvais. L'idée initiale du jeu est excellente, elle rafraîchit par l'utilisation du folklore japonais rarement mis en scène dans le jeu vidéo et promet une belle aventure. Mais on est vite rattrapé par un constat implacable : l'histoire est mal racontée, et passé l'émerveillement de la découverte, on tourne en rond. On ne s'amuse plus passé les premières heures de jeu, autrement dit une fois qu'on nous a rabâché 10 fois le même objectif ou qu'on récupère le 100 000e esprit. Et c'est bien dommage, car le potentiel était là.

    Tags

    Tango GameworksAction/Aventure

    Ça pourrait vous intéresser :

    Test Kunitsu-Gami
    Test Kunitsu-Gami
    25 août 2024
    6 min
    DonBear

    DonBear

    Fondateur

    Sommaire

    1
    Action ou horreur ?
    2
    Un scénario de série B
    3
    Un tour de Tokyo fantôme
    4
    Un gameplay fantomatique

    Social Media