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  • La fin d'une époque.

    Par DonBear
    Publié dans Archives
    18 nov. 2022
    3 min de lecture

    Si Gamekult ne ferme pas ses portes, la majorité de sa rédaction étendue a annoncé hier que son aventure se termine le 7 décembre. Au-delà du signal envoyé sur l’état de la presse jeux vidéo française, ça signifie aussi la fin d’une époque.

    Gamekult est un site né en décembre 2000. Fondé par Kévin Kuipers et Clément Apap, il fut pendant longtemps une référence dans le milieu, au point même d’être un concurrent sérieux au mastodonte jeuxvideo.com. Grâce à ses chiffres impressionnants de fréquentation – on parle tout de même de plus d’un million de visiteurs uniques et cinquante millions de pages vues par mois en 2007 –, le site a pu devenir un des leaders de la presse vidéoludique française, tout en conservant une ligne éditoriale intransigeante.

    Parce que Gamekult, c’est surtout ça : une indépendance sans équivoque, un regard critique malgré les potentielles pressions des éditeurs et une analyse qui décortique les jeux jusque dans le moindre détail. Fréquemment taxés d’élitistes, les journalistes de Gamekult et sa communauté ont toujours cherché à proposer une lecture plus approfondie du jeu vidéo. Souvent pour le meilleur, rarement pour le pire. Je ne pense pas minimiser l’impact du site en disant qu’il a créé une génération de joueurs dotés des outils nécessaires à une bonne analyse, qu’il a relevé les attentes qu’on pouvait avoir d’un jeu, et qu’il a sans aucun doute insufflé la passion que beaucoup peuvent fièrement défendre aujourd’hui.

    Mais Gamekult, après son heure de gloire, a aussi subi l’évolution d’internet. Le financement d’un site a beaucoup évolué entre le début des années 2000 et maintenant. En juin 2015, Gamekult annonce la mise en place d’un abonnement payant. Certains médias, comme Mediapart, prouvent que cette recette peut marcher, mais ils sont rares. Avec l’arrivée des réseaux sociaux, payer pour accéder à une information disponible ailleurs paraît inconcevable pour beaucoup d’internautes. Qu’importe la qualité de ladite information, qu’importe la beauté de la plume, qu’importe le résultat. Si c’est payant, c’est non. Malgré tout, Gamekult réussit à convaincre 12 000 personnes, comme l’indiquent les chiffres en décembre 2020.

    Abonnements ou pas abonnements, la réalité économique est venue frapper à la porte du site. En novembre 2015, TF1 rachète Gamekult. Jusque là, rien de trop grave, puisque la ligne éditoriale semble inchangée. Sauf que cette année 2022, une année noire pour la presse vidéoludique, marque un tournant avec le rachat du groupe Unify (qui contient Gamekult) par Reworld Media. Et là, c’est le drame. Parce que Reworld Media, le plus gros groupe de média en France, fait déjà l’objet de plusieurs controverses. Au cœur de chacune d’entre elles : le remplacement des journalistes par des « chargés de contenu ». La différence ? Ces derniers n’ont aucune obligation envers la déontologie des journalistes, condition fondamentale à une information de qualité. Arrêt sur images a publié un dossier qui revient sur les pratiques de Reworld, et autant le dire tout de suite, ça fait froid dans le dos.

    Difficile à l’heure actuelle de savoir comment se sont déroulés les événements en interne, mais on a appris jeudi 17 novembre la démission de la majorité de l’équipe rédactionnelle de Gamekult. La totalité des journalistes en CDI, soit neuf personnes, et dix-sept pigistes sur les dix-neuf employés actuellement ont décidé de rendre leurs tabliers. Cette annonce, si elle peut paraître anodine pour beaucoup, marque en réalité la fin d’une époque. L’époque où la presse vidéoludique en France avait encore la capacité à analyser, à enquêter, et surtout à informer. Bien sûr, il reste des médias de confiance comme Canard PC ou JV le mag, mais voir un des leaders s’effondrer annonce un futur loin d’être radieux.

    Parce que Gamekult – la marque – ne disparaît pas, rendant impossible au passage le remboursement des abonnements pourtant pris pour soutenir ceux qui annoncent leurs départs. De nouvelles têtes viendront remplacer celles qui partent. Mais comme je l’ai dit précédemment, Reworld n’est pas connu pour ses bonnes pratiques. Difficile pour l’instant de savoir ce qu’il en sera, mais la nouvelle équipe devra probablement subir l’écriture de news putaclick, d’articles sponsorisés et autres articles qui brouillent l’indépendance éditoriale si chère aux journalistes. Que ce soit dans le fond ou la forme, il y a fort à parier que beaucoup de choses vont changer, et pas pour le mieux.

    Pour finir, j’aimerais souhaiter le meilleur à l’équipe de Gamekult. Ce sont les plumes de Puyo, Gautoz, Pipomantis, Virgile, Luma et tous les autres qui m’ont donné l’envie de pratiquer la mienne et créer ce site. J’espère sincèrement qu’ils trouveront chaussure à leur pied, qu’ils auront de meilleures conditions de travail et qu’on les retrouvera sur les internets, d’une manière ou d’une autre. Parce que oui, je ne l’ai pas précisé jusque là, mais devenir journaliste aujourd’hui est à mille lieues du rêve qu’on pouvait avoir adolescent. Plutôt que de m’essayer à l’expliquer, autant vous laisser lire le texte de Pipo qui explique parfaitement la situation. Et si vous voulez en savoir toujours plus, j’ai aussi publié une vidéo qui revient sur le sujet et tente humblement de le traiter aussi exhaustivement que possible.

    Merci aux journalistes de Gamekult pour toutes ces années. Et à bientôt, j’espère.

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