Caravan Sandwitch fait partie de ces surprises sorties de nulle part : seulement trois petits mois séparent son annonce de sa sortie. Et c’est tant mieux, d’autant plus que le trailer a su faire son petit effet. On y découvrait de très jolis visuels, un univers qui laissait de la place au mystère et un gameplay un peu classique mais potentiellement efficace. De quoi s’enthousiasmer donc, mais était-ce à tort ou à raison ?
Caravan Sandwitch est un jeu simple. Pas dans le sens négatif du terme, bien au contraire. C’est un jeu à la troisième personne où on se déplace dans des environnements en 3D, à pied ou dans un van confié par une dame fort gentille. On se promène donc, on explore des ruines, et on discute avec des gens. Voilà, c’est à peu près tout. Et c’est tout ce qu’il faut pour rendre le jeu extrêmement relaxant. Quand on joue à Caravan Sandwitch, on sait qu’on ne va pas avoir à se prendre la tête sur un défi retors. On ne va pas affronter d’ennemi surpuissant, on ne va pas franchir des plateformes branlantes au-dessus d’un volcan en éruption, on ne va pas devoir jouer contre la montre pour atteindre tel endroit avant la fin du monde. Nope, rien de tout ça. On doit simplement faire progresser notre enquête concernant la disparition de notre sœur, dont l’absence depuis six longues années laisse un immense vide dans la vie du personnage que l’on incarne, Sauge.
Alors, bien sûr, on n’erre pas au hasard. Lors de l’exploration, notamment des bâtiments en ruine que l’on croise durant nos pérégrinations dans le monde ouvert, on fait parfois face à une porte fermée, à un câble suspendu, ce genre de choses. Et c’est à travers ces éléments – en plus du scénario – que l’on ressent une forme de progression : il va falloir collecter des puces électroniques de différentes couleurs pour améliorer notre van, nous permettant ainsi de surmonter certains obstacles. Ajoutons à ça quelques légères phases de plateformes, dans le style « avancer sur une planche à quelques étages de hauteur », et voilà tout ce qui constitue les potentielles difficultés rencontrées dans le jeu. On ne subit pas de dégâts de chute, il est possible de ramener le van au village en cas d’accident, pas de barre de vie ou d’endurance, l’intégralité du jeu repose uniquement sur l’exploration et la progression du scénario.
Et, mine de rien, ça fait un bien fou. Parce que le jeu vidéo nous demande quasi systématiquement d’être performant. Meilleur que les adversaires, meilleur que le soi-même d’hier, meilleur que quelque chose. Il faut « produire de la valeur » via nos actes consciencieusement réglementés par le game design. Caravan Sandwitch s’éloigne de ces considérations, en proposant un jeu principalement tourné vers la recherche d’une sœur disparue. Ça me rappelle à de nombreux égards le jeu Mutazione, qui proposait un peu le même genre d’ambiance. Une ambiance relaxante, avec une direction artistique chaleureuse.
Et le parallèle gagne ici en cohérence, car Caravan Sandwitch propose lui aussi des visuels très chaleureux. Et pourtant, il y avait de quoi craindre le pire : la planète où se déroule l’aventure, Cigale, est loin d’être accueillante. C’est une planète majoritairement désertique, avec une grosse tornade appelée Taraask en plein milieu de ce désert, et des ruines de bâtiments abandonnés depuis belle lurette. L’eau est polluée, les quelques habitants désespèrent de leur isolement et du manque d’activité, tout semble pour le moins… désespérant. Et pourtant, quand on la découvre, on ne peut que s’y sentir bien. Grâce à la palette de couleurs, les choix artistiques et les musiques réconfortantes – du moins, pour la plupart –, Cigale devient conviviale. Un havre de paix, un appel à la sérénité et à l’errance tranquille. Vous ne serez jamais frustré en jouant à Caravan Sandwitch, et vous serez pourtant happés dedans grâce à son scénario.
Parce que le constat de départ est suffisant pour attiser la curiosité. Au début de l’aventure, on découvre tranquillement l’univers : il y a une station dans l’espace, dans laquelle Sauge semble vivre, jusqu’au moment où elle reçoit une alerte sur un appareil qui semble avoir la même fonction qu’un téléphone. Le signal qu’il est temps de retourner aux sources, six ans après la disparition brutale d’un être cher. On déboule donc sur cette planète, où on récupère très rapidement notre meilleur ami durant l’aventure, le van. On arrive au village, on ressent un certain malaise dû à notre absence, qui a sans aucun doute été dure à vivre pour une partie de nos proches. Et ça me semble être le bon moment pour parler des personnages secondaires.
Pour ce faire, reprenons le parallèle avec Mutazione car on retrouve quelques similitudes entre les deux jeux. Caravan Sandwitch, tout comme Mutazione, propose une palette de personnages variée, chacun avec une philosophie différente, des objectifs divers, et un rapport particulier avec Sauge. On discute par exemple avec un(e) ami(e) très proche de notre sœur, et oui cette personne n’est pas genrée, et Caravan Sandwitch ne plaira certainement pas aux gens qui crient au wokisme à tout bout de champ. Je suis personnellement bien content de voir de la diversité dans le jeu vidéo, et les débats autour du wokisme me fatiguent au plus haut point car ils n’ont aucune forme d’intérêt. Le jeu vidéo est un objet culturel, en tant que tel il est nécessairement politique, et je ne peux que me réjouir de découvrir des studios engagés qui créent des œuvres reflétant leurs idées.
Bref, ce n’était pas le sujet initial. On rencontre donc pas mal de personnages, qui sont intéressants pour la plupart. De manière générale, on les découvre un peu plus en profondeur lors de quêtes secondaires qui se révèlent être l’occasion de discuter lors d’un court voyage en van. Cependant, j’admets avoir été déçu par la plupart d’entre eux. S’ils ne sont pas monolithiques, ils restent néanmoins relativement creux et le peu de temps passé en leur compagnie ne permet pas de les approfondir pleinement. Je n’en retiens que quelques discussions sympathiques, bien éloignées de Mutazione où les personnages semblaient presque prendre vie à travers l’écran tant ils étaient bien écrits. Les habitants sont ici de sympathiques compagnons, mais ne créent pas d’attachement émotionnel comme j’ai pu le ressentir par exemple dans Spiritfarer.
Et c’est d’autant plus dommage que l’histoire en elle-même a pourtant maintenu mon intérêt jusqu’à la fin du jeu. Ça ne se base pourtant pas sur grand-chose, puisqu’il s’agit surtout de retrouver notre sœur disparue, mais ça a largement suffi à avoir envie de savoir ce qu’il lui est vraiment arrivé, et surtout savoir si elle est toujours en vie ou non. Un suspense appuyé par l’univers du jeu, qui ne brille pas de mille feux mais donne malgré tout envie d’en savoir plus. On a quelques bribes ici et là, on entend régulièrement parler d’un Consortium, et à travers moult petits détails, l’univers gagne en crédibilité et en épaisseur. Tout autant que le scénario en lui-même, le cadre donne lieu à une curiosité toujours plus grande d’en découvrir un peu plus. On manque de science-fiction de qualité dans le jeu vidéo, alors je ne peux que me réjouir face à une nouvelle proposition bien construite.
Après, attention, ça ne passe pas par des tartines de lore. Ce sont principalement des détails qui se dévoilent lors de l’exploration. Exploration qui se déroule dans un monde totalement ouvert, qui fait le choix de ne pas mesurer des milliers de kilomètres. Une judicieuse décision, car elle octroie la sensation de ne pas avoir à se perdre pendant des dizaines d’heures, tout en étant malgré tout suffisamment rempli. On fouille de vieilles ruines, on profite des paysages, l’alchimie fonctionne bien.
Cependant, force est d’admettre que Caravan Sandwitch manque malgré tout de variété : le jeu se compose majoritairement d’allers-retours, d’ouverture de portes via des énigmes simplissimes et de phases de plateformes très faciles. C’est certes relaxant, mais la deuxième moitié du jeu s’essouffle et ne réussit pas à renouveler notre intérêt, malgré les améliorations du van qui ouvrent de nouvelles possibilités en termes d’exploration. J’avoue avoir plus qu’abusé de la fonction « retourner au garage » présente dans le menu, car je connaissais déjà bien le chemin et je ne voyais aucun intérêt à faire le trajet une énième fois. Un peu plus de variété dans les énigmes ou la manière d’explorer aurait pu apporter un second souffle bienvenu au jeu, qui ne nous maintient plus que par la résolution du mystère dans les dernières heures.