Final Fantasy VII est sans doute l’opus de la série le plus célèbre. Véritable révolution sur PlayStation 1, l’univers a connu par la suite plusieurs extensions avec un film d’animation, un OAV, et plusieurs jeux. Crisis Core en fait partie et sert d’origin story à l’emblématique Sephiroth, tout en racontant l’histoire de Zack, autre personnage très important. Le jeu dynamise le gameplay, affiche de belles cinématiques et devient lui aussi culte auprès des fans. Sorti en 2007 au Japon puis en 2008 en Europe sur PSP, les ventes sont au rendez-vous, autant que les critiques dithyrambiques. Et 14 ans plus tard, un remake propose de redécouvrir l’aventure grâce à un bon gros lifting graphique et des ajouts pour remettre le jeu au goût du jour. Mais va-t-il aussi loin dans sa proposition que Final Fantasy VII Remake ?
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il me semble important de clarifier le statut du jeu. Annoncé en juin dernier, Crisis Core Reunion souffre d’une ambiguïté autour de ce qu’il représente : est-il un remaster ou un remake ? Square Enix a longtemps nagé en eaux troubles lorsque la question était posée. En aout 2022, le producteur Tetsuya Nomura a tenté de répondre lors d’une interview pour le site Everyeye :
Nous étions très partagés sur le sujet car nous ne savions pas vraiment comment décrire le jeu. À un moment donné, nous avons eu un débat pour savoir s’il fallait l’appeler remake ou remaster. Je pense qu’il se rapproche plus de la définition d’un remaster puisque l’histoire n’a pas du tout changé et que c’est toujours le même jeu. Sur le plan technique en revanche, les graphismes ont été revus, les modèles des personnages recréés à partir de zéro et de nombreuses scènes qui n’étaient pas doublées à l’origine le sont désormais. Même le système de combat a été mis à jour. Comme nous sommes toujours un peu indécis quant au terme qui le définit le mieux, nous avons opté pour le nom Reunion. C’est très compliqué car c’est bien plus qu’un remaster et en en même temps ce n’est pas un remake complet non plus.
Bien que le débat n’importe que peu concernant la qualité du jeu en lui-même, elle soulève cependant d’intéressantes réflexions autour de la terminologie quand il s’agit des remasters et des remakes. Crisis Core Reunion est en effet plus qu’un remaster avec la présence de modifications techniques importantes tel qu’un renouvèlement des assets et l’ajout du doublage intégral, ainsi que le réarrangement de la bande-son. Néanmoins, la structure du jeu et l’histoire ne bougent pas d’un poil. La meilleure réponse à la question posée initialement reste que cela dépend de votre façon d’aborder le sujet, tout comme ce fut le cas pour The Last of Us Part I.
Pour en revenir à ce qui vous intéresse vraiment, Crisis Core Reunion raconte à nouveau l’histoire de Zack Fair sans rien changer. On redécouvre la vie de ce personnage emblématique, qui cherche au début de l’aventure à devenir un Soldat première classe, grâce aux conseils de son mentor Angeal. Si le scénario débute sur la guerre entre la Shinra et le Wutai, elle va rapidement évoluer vers moult complots et étranges coïncidences lorsque Genesis, figure importante de l’entreprise la moins éthique au monde, disparaît sans piper mot. Sephiroth, à ce moment-là héros de la Shinra et sans doute le meilleur agent de la mégacorporation, va promptement s’intéresser aux circonstances de cette disparition et entrainer le jeune Zack dans une machination qui le dépasse.
Un scénario qui ne bouge pas d’un mot donc, de son début un peu obscur jusqu’à sa fin poignante et désormais culte. Avec ses moments de grâce, mais aussi ses longueurs et ses raccourcis. Parce que le rythme du jeu oscille constamment entre manque d’explications et longueurs interminables, tout comme dans l’original. Par exemple, tout ce qui tourne autour de Genesis reste vague et peu compréhensible, même après avoir terminé l’aventure. Ou la structure de la Shinra et l’utilité concrète des Soldats auraient elles aussi mérité quelques éclaircissements. Surtout qu’à côté de ça, Crisis Core perd un temps fou à nous faire accomplir des objectifs inintéressants à souhait lors de certains ventres mous de l’aventure. Un rythme qui va donc soit trop vite, soit pas assez.
Même en dehors de ce défaut de narration, certains personnages créent une confusion dispensable et désagréable. Les justifications aux actions d’Angeal, le docteur Hollander, Sephiroth, Genesis… Ces personnages et leurs actions dans Crisis Core sont là pour raconter ce qui s’est passé avant Final Fantasy VII. Le problème, c’est qu’ils rendent l’histoire d’autant plus fouillie et n’apportent pas grand-chose de constructif à l’univers. Cette préquelle crée plus de questionnement qu’elle n’en résout en réalité. Reste malgré tout un groupe de personnages attachants avec Zack, Aerith et Cloud, qui concentrent à eux seuls toute la force émotionnelle du jeu. Le dernier quart du jeu est toujours aussi passionnant, et Crisis Core Reunion bénéficie comme l’original de cette fin si marquante. Choix étrange par ailleurs, qui entre en conflit avec les révélations de Final Fantasy VII Remake. On aurait pu penser que Crisis Core serait la préquelle de FFVII et Crisis Core Reunion celle de FFVIIR, mais il n’en est étonnamment rien.
Et en dehors de l’histoire, qu’en est-il de ce Crisis Core Reunion ? La structure du jeu n’a pas bougé d’un iota. Ainsi, on parcourt des couloirs avec des combats qui nous tombent dessus aléatoirement, jusqu’à ce que l’objectif soit atteint. Et le gros problème, c’est qu’elle prend la poussière : on ressent rapidement l’écart avec les productions actuelles. Parce que le jeu oblige à faire de nombreux allers-retours, parce que les combats aléatoires et inévitables empêchent une progression fluide, parce que le level design est pauvre, et surtout parce que ça donne l’impression d’être vieillot.
À sa sortie en 2007, ce n’était pas dérangeant. Mais dès lors que l’on compare avec Final Fantasy VII Remake – qui n’est pas non plus exemplaire sur le sujet –, ça pique. On fait sans cesse les mêmes choses, toujours de la même façon. Le seul changement réside dans les décors, quelques mini-jeux oubliables et certaines séquences, comme celle où on doit s’infiltrer dans une base et qui ne dure pas plus de deux minutes. Si ça n’empêche pas foncièrement d’apprécier les qualités du jeu, ce sentiment de jouer à une relique du passé ne part jamais vraiment. Un constat dommageable car un petit coup de polish aurait permis au jeu de gagner en intérêt, que ce soit aux yeux des fans ou des non-initiés.
L’aspect RPG est lui aussi identique avec un choix qui avait déjà fait grincer quelques dents à l’époque, à savoir une gestion simpliste de Zack. Dans Crisis Core et cette nouvelle version, la seule chose sur laquelle le joueur a la main est l’équipement basé sur des matérias et des objets. Au départ, quatre slots de matéria et deux d’équipement sont disponibles, chiffre que l’on peut agrandir grâce aux missions secondaires. Mais il n’est pas question de gérer la montée de niveau – qui se fait aléatoirement – ou d’arbre de compétences. Et comme l’on joue uniquement Zack tout au long de l’aventure, pas de gestion d’équipe non plus. Crisis Core est un RPG très pauvre de ce côté-là, et ce Reunion suit la même route.
Si vous avez une bonne mémoire, vous devez vous souvenir des missions secondaires dans Crisis Core. Une liste accessible aux points de sauvegarde de 300 objectifs à remplir. Elles sont exactement pareilles dans Reunion, et je dois bien avouer être dubitatif face à ces objectifs secondaires. Parce qu’aucun effort de narration n’a été fait pour les intégrer au scénario, ni même les rendre cohérentes. Par exemple, dans un niveau enneigé, on peut aller au point de sauvegarde pour commencer une mission et se retrouver dans Midgard ou une plaine en plein été. Néanmoins, malgré ce manque total de cohérence, elles ont au moins le mérite d’être accessibles facilement, de permettre de grinder sans encombre et d’éviter des allers-retours pénibles. Tout dépend de l’importance accordée à ce genre de quêtes, mais elles soufflent selon moi le chaud et le froid. Sachez toutefois qu’elles rallongent considérablement la durée de vie du jeu pour être intégralement complétées. Reunion passe d’une petite dizaine d’heures à une trentaine voire une quarantaine d’heures pour obtenir le fameux platine.
Mais alors, s’il y a si peu de changements, quel intérêt auriez-vous à jouer à ce Reunion ? Pour la simple et bonne raison que des changements, il y en a ! Le plus frappant étant bien sûr l’amélioration graphique. De ce côté-là, le jeu semble clairement lorgner du côté du remake tant le travail abattu est impressionnant et n’a plus grand-chose à voir avec l’original. Bien qu’il ne soit pas au niveau de FFVIIR dont il s’inspire, Reunion propose de très beaux décors avec des textures plutôt propres et de sympathiques effets de lumière. Point de ray tracing ni de technologie extravagante, mais le travail sur les assets et les textures confèrent au titre une ambiance visuelle globalement réussie. Les cinématiques en CGI sont les seules qui ont bénéficié d’un « simple » upscale en 4K, mais elles étaient déjà magnifiques à la sortie de l’original. Restent donc les animations qui ont mal vieilli et les expressions faciales, qui rappellent régulièrement qu’on est face à un remake. Mais rien de dramatique non plus.
Si vos yeux seront contents, vos oreilles aussi. Déjà par la bande-son réorchestrée qui fait des merveilles – comme celle de chaque Final Fantasy – mais aussi par le doublage intégral. Avec le choix entre le japonais et l’anglais, chaque dialogue est doublé et permet une plus grande immersion. Attention toutefois si vous vous attendiez à une claque nostalgique de ce côté-là, car les doubleurs ne sont pas ceux de l’original mais ceux déjà entendus dans FFVIIR. Par exemple, Zack n’est plus doublé en anglais par Rick Gomez mais par Caleb Pierce. Et ce changement qu’on pourrait croire mineur modifie complètement le personnage et la vision qu’on en a, notamment dans la seconde partie du jeu.
Et pour finir, le gameplay en combat a lui aussi été modifié. Crisis Core fait partie de cette vague de JRPG qui cherchaient à se détacher du tour par tour pour se rapprocher d’un jeu d’action plus classique, au grand dam des fans. Mais qui le faisait maladroitement, notamment à cause du système d’OCN.
L’OCN, pour Onde Cérébrale Numérique – oui, ça ne veut rien dire –, est une sorte de bandit manchot qui se lance automatiquement lors d’un combat et dépend des relations de Zack avec les autres personnages. Par exemple, lorsque Zack se sent proche d’Angeal, les chances d’obtenir un bonus lorsque la roulette se lance sont accrues. Un bon résultat peut entrainer divers bonus, comme un gain de PV/PM/PA, ou l’accès à une invocation ou une transcendance (une technique spéciale). Le hic, c’est qu’elles se déclenchaient automatiquement et ruinaient le rythme du combat. Difficile de gérer un enchaînement lorsque des cinématiques interrompent le combat. Fort heureusement, Reunion a fait le choix judicieux de vous laisser choisir quand vous désirez activer la transcendance ou l’invocation. De fait, les combats sont bien plus dynamiques et beaucoup moins frustrants.
Cependant, et de la même manière que l’aspect RPG, les combats sont relativement peu stratégiques. Comme il n’y a pas de pause active à la FFVIIR ou de gestion d’alliés, il suffit de taper, envoyer des sorts, esquiver et parer pour diminuer les dégâts encaissés. Un système de faiblesse par rapport à un élément (feu, foudre, etc.) amène un semblant de stratégie, mais rien qui ne retourne le cerveau. Et surtout, le système d’OCN est aussi le seul moyen de monter de niveau : Zack gagne un niveau supplémentaire lorsque la roulette s’arrête sur un triple 7, et en tant que joueur, vous n’avez aucun moyen d’influencer le système. En somme, l’aspect le plus intéressant d’un RPG est laissé à de l’aléatoire sans aucune prise dessus.
Alors, devez-vous craquer pour Crisis Core Reunion ? Tout dépend de votre amour pour la licence. C’est assurément le meilleur moyen de profiter d’une expérience de qualité. Sur PlayStation 5, le jeu tourne en 4 k à 60 images par seconde et se porte comme un charme. Avec son gameplay fluidifié et ses visuels rehaussés, c’est le meilleur moyen de (re) vivre les aventures de Zack. Pour autant, les non-initiés risquent de pester face à un jeu à la structure poussiéreuse et un aspect RPG très en retrait, en plus d’une histoire incompréhensible par moments et pas forcément très utile dans l’univers de Final Fantasy VII.