Vous avez toujours rêvé d’être un gourou ? De passer de victime à tortionnaire ? Vous tenez peut-être là le jeu idéal – mais pensez quand même à consulter, au cas où. Cult of the Lamb, développé par Massive Monster, détient une initiative similaire à Moonlighter : mélanger du rogue-like avec un autre genre. Mais avec un léger twist : vous êtes un gourou qui doit amener les brebis égarées dans la lumière d’un dieu pas si bienveillant que ça. Si sa direction artistique frappe la rétine dès les premières secondes, est-ce que la proposition ludique derrière tient la route ? Et bien, oui, carrément.
Dans Cult of the Lamb, on incarne un petit agneau tout mignon… victime d’un rituel sacrificiel. Mais avant d’atteindre le paradis des agneaux, il se retrouve face à un Dieu enchaîné qui lui propose un marché. En échange de sa résurrection, il devra créer un culte en son nom et le libérer de ses chaînes. Pour y parvenir, il doit mettre fin à la vie des quatre prélats qui l’ont condamné à l’oubli. En acceptant, petit agneau trop mignon revient à la vie, exécute avec plaisir ses bourreaux, avant de se mettre en quête d’adorateurs à recruter et d’hérétiques à éliminer. Deux objectifs indispensables pour la pérennité du culte et associés à deux genres de jeux diamétralement opposés. Le jeu se divise en deux phases : la simulation de vie avec la gestion des adeptes, la récolte de ressources et la création de bâtiments, et le rogue-like où on progresse dans un donjon jusqu’au boss. Si les deux catégories sont ici épurées, elles n’en sont pas moins efficaces et s’accordent à merveille.
Pour réussir à libérer notre sauveur des chaînes qui le restreignent, il va falloir venir à bout des quatre prélats. Bien sûr, ils ne vont pas gentiment se laisser faire et il faut aller les chercher. C’est la composante rogue-like de Cult of the Lamb : on entre dans un donjon, on choisit une arme et un pouvoir, et on va distribuer des beignes aux ennemis. Tous les codes habituels sont présents, des cartes générées aléatoirement aux ennemis aléatoires. Si l’inspiration principale reste The Binding of Isaac, on retrouve aussi un peu de Slay the Spire avec une arborescence permettant d’anticiper les récompenses récoltées en chemin. Et aussi un peu de Hades avec son gameplay dynamique et les roulades à l’infini sans aucune limite d’endurance.
Lorsque l’on arrive dans le donjon, le choix de l’arme est imposé. Ça peut être une épée qui représente l’équilibre entre vitesse et dégâts, une hache qui tape plus fort, mais plus lentement, une dague rapide, mais légère en attaque, etc. Et avec ça, un maléfice dont l’utilisation est délimitée par la ferveur que l’on récolte sur le cadavre des ennemis. Sans être nombreux, la variété de pouvoirs est assez large pour offrir des gameplays différents. On a par exemple la capacité de faire apparaître des tentacules autour de nous, envoyer une boule de feu, devenir invincible pendant deux secondes, et quelques autres. Mais il est aussi possible d’en changer lors d’événements aléatoires, par exemple lorsque l’on tombe sur un PNJ qui nous offre le choix entre trois armes ou la possibilité de remplacer un maléfice à la fin de certains combats. Et en plus de ça, on peut aussi compter sur un étrange allié qui propose à chaque rencontre de choisir entre deux cartes conférant des bonus. Ça peut aller d’une augmentation des dégâts à un cœur supplémentaire en passant par une probabilité plus élevée de récupérer du poisson sur les ennemis.
Avec tout ça et quelques bonifications apportés par l’aspect gestion du culte – dont je parle quelques lignes plus bas –, la difficulté se montre relativement accessible même aux non-habitués. Sans être une promenade de santé, progresser dans les donjons reste simple, tout comme le sont les combats de boss. Ils reprennent en général les patterns d’ennemis déjà croisés, et leur barre de vie fond comme neige au soleil avec les bons timings d’attaques et les bonnes armes. De manière générale, boucler un donjon se fait en une petite dizaine de minutes, empêchant ainsi le joueur de se lasser. Il en va de même pour le bestiaire, qui change à chaque niveau. Pour débloquer le suivant, rien de plus simple : vaincre le boss de la zone, accessible après quatre victoires. En gros, même avec les quelques difficultés que l’on peut rencontrer à cause d’une lisibilité souvent aux fraises du à des environnements trop chargés et une perspective parfois trompeuse, on peut plier le côté rogue-like du jeu en quatre heures.
Alors, comment le jeu fait-il pour nous occuper pendant une vingtaine d’heures ? Et bien, son nom n’est pas là pour faire beau. Dans Cult of the Lamb, il va surtout falloir gérer un culte et les adorateurs qui le composent. C’est là qu’on entre dans l’aspect simulation de vie, proche d’un Stardew Valley ou d’un Animal Crossing. Dès l’arrivée des premiers fidèles, il va falloir les chouchouter pour augmenter leur foi et les maintenir en bonne santé. Il y a trois jauges à surveiller : la foi qui permet bon nombre d’actions, la faim et la propreté des lieux. Mais avant tout ça, il va falloir construire un temple pour que les adeptes puissent prier et vous octroyer des points à dépenser en améliorations. Une fois ceci fait, on peut alors débloquer différents bâtiments, divisés en trois parties : l’utilitaire, la foi et la décoration. Chaque catégorie possède moult fonctions : pour l’utilitaire, il y a les constructions qui octroient du confort aux adeptes comme les lits ou les abris, ceux permettant de récolter des ressources comme la mine ou la maison de bûcherons, ceux utilisés pour la nourriture comme la ferme, etc. Pour la foi, il y a ceux qui permettent d’obtenir plus de dévotion (l’amour que nous portent les adeptes, une statistique propre à chacun) ou ceux permettant de recevoir des bonus dans les donjons, et la décoration comporte des éléments purement esthétiques.
Avec tout ça, il va falloir aménager correctement le lieu pour produire des ressources, faire attention à la bonne santé de vos adorateurs et se renforcer pour faciliter les donjons. Une gestion relativement minimaliste avec assez peu de libertés, mais qui fonctionne malgré tout. On s’applique à améliorer tranquillement le culte grâce à une progression en douceur et un élargissement des possibilités grandissant. Puis viennent les problèmes : alors que l’on est dans un donjon à terminer un boss, on se rend compte en revenant qu’untel est mort de vieillesse, que l’absence de toilettes en a forcé quelques-uns à laisser leurs excréments dans un coin que la foi a largement diminuée et que ça en a poussé certains à se rebeller. Parce que oui, dans Cult of the Lamb, partir à l’aventure n’arrête pas le temps et vos disciples continueront leurs petites vies avec ou sans vous. Alors devant ce carnage, il faut réagir : construire une fosse pour y insérer le cadavre (ou le découper en morceaux, au choix), construire des toilettes pour éviter que la vue de cacas malodorants ne propage des maladies, remonter la jauge de foi avec un sermon et créer des prisons pour les quelques contestataires histoire de les calmer et leur apprendre qui est le chef. Sauf que les ressources vont nécessairement manquer, alors repartir dans un donjon sera sans doute l’unique solution pour en obtenir de nouveau.
Et ainsi se crée une boucle qui maintient le joueur dans une course permanente à la progression. Tout est parfaitement huilé pour constamment donner l’envie d’en « faire une dernière ». Si le jeu possède une bonne durée de vie, il faut bien avouer qu’on ne voit pas les heures passer tant il est addictif. Parce qu’en plus de ce que j’ai expliqué précédemment, il y a aussi quelques atouts que vous possédez en tant que gourou. Rapidement, vous aurez à votre disposition la capacité d’imposer des doctrines, octroyant différents bonus. Utilisable généralement à travers un rituel qui demandera des os (récupéré sur les cadavres des ennemis) pour être effectué, ces rituels imposent par exemple aux adeptes de ne pas manger pendant trois jours, relève leur foi défaillante, permet de se marier ou de désigner un gardien de la foi, voire de sacrifier quelqu’un pour x ou y raisons. Parce que oui, si on s’attache parfois aux bambins qui nous rejoignent, ils finiront inéluctablement par mourir, que ce soit de vieillesse, lors d’un sacrifice ou dans une expédition risquée pour récupérer des ressources.
Et si vous n’en avez toujours pas assez, vous pouvez visiter d’autres lieux permettant de rencontrer différents PNJ, des marchands, ou de jouer à un mini-jeu fort sympathique. Face à un adversaire et avec des dés, vous devez remplir une grille de 9x9. Mais il y a deux règles qui peuvent altérer le cours d’une partie : deux chiffres similaires sur la même colonne les multiplient, tandis qu’un chiffre égal à celui de l’opposant sur une colonne supprimera son dé. Celui avec le plus haut score à la fin gagne. Sans être hautement stratégique, la simplicité d’accès et les combinaisons possibles en font un jeu amusant et un bonus non négligeable.
Reste un dernier point à aborder : sa direction artistique. Pas besoin de mille mots si vous avez déjà visionné un trailer, le jeu est très coloré. Avec son style enfantin et ses animaux tout mignons à l’écran, on pourrait presque se croire dans l’adaptation d’une comptine pour enfants. Mais comme ces dernières, le jeu cache en réalité de sombres événements. Et voir ses adeptes tout mignons mettre leur capuche avant de sacrifier une brebis égarée donne une tout autre ambiance. On oscille constamment entre ces deux facettes qui semblent presque dépendantes l’une de l’autre pour créer cette alchimie. Les musiques de River Boy, qui signe ici sa première bande-son vidéoludique, appuient à la perfection cette ambivalence en plus d’être d’excellentes compositions en elles-mêmes. Un sans faute artistique, excepté comme je l’ai dit précédemment pour la lisibilité des combats.
Avec tout ça, *Cult of the Lamb* parvient à garder le meilleur du *rogue-like* et de la simulation de vie tout en atténuant les défauts de ces deux genres. On passe de l'un à l'autre avec une fluidité exemplaire, sans se soucier de la répétitivité ou de la complexité que pourraient conférer l'une ou l'autre partie du jeu. Charmant, addictif, bien pensé, original et réussi en tout point, *Cult of the Lamb* nous plonge dans un univers loufoque dont on a bien du mal à ressortir. Petit point à noter : les quelques options d'accessibilité sont les bienvenues et font honneur à Massive Monster, tant elles sont rares sur les jeux « *indés* ».