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  • Test Don't Forget Me : sympa mais oubliable

    Par DonBear
    Publié dans Tests
    11 mai 2021
    6 min de lecture
    Test Don't Forget Me : sympa mais oubliable

    Depuis quelques années, le cyberpunk revient à la mode, surtout dans le jeu vidéo : Cyberpunk 2077, FF7 Remake, Cloudpunk, Ghostrunner… La liste est longue. Avec ses déceptions et ses réussites, le genre, pourtant désuet dans son incarnation des craintes d’une époque révolue, continue d’abreuver l’imagination des développeurs. The Red Strings Club est l’un de ses plus fiers représentants, grâce à une écriture subtile et d’une qualité encore peu égalée. Et forcément, ce genre d’œuvre finit par donner naissance à une nouvelle génération qui cherche à surpasser la précédente. Don’t Forget Me en fait partie, ou du moins, essaye tant bien que mal.

    Développeur & Éditeur : The Moon Pirates

    Sorti le 20 avril 2021 sur PC au prix de 14,99 €.

    Testé sur PC.

    Remember Me

    Don’t Forget Me raconte l’histoire de Fran, une jeune femme amnésique – et oui, une de plus – qui va se retrouver, sans raison particulière, à œuvrer avec un certain Bernard. Ce dernier bosse dans un domaine un peu singulier : il est copiste. Son travail ne consiste pas à copier-coller des documents – un bullshit job qui s’intégrerait bien dans une dystopie pourtant –, mais à recevoir des patients pour copier les souvenirs qu’ils souhaitent externaliser de leurs mémoires. Vous vous en doutez, on se trouve dans un univers cyberpunk, avec des histoires de puces implantées dans le cerveau, et probablement une vitesse de connexion supérieure à la 5G. Après la mise en place de l’univers, une trame de fond va rapidement s’installer, obligeant nos deux compères à s’allier avec un groupe de résistants contre le gouvernement, qui cherche une fois de plus à laver la cervelle de sa population.

    Don't Forget Me Screenshot

    Comme un air de déjà vu

    Un scénario qui ne sort pas des sentiers battus de la science-fiction et plus particulièrement du cyberpunk, loin de là. Les thématiques abordées ont un sérieux goût de réchauffé, malgré un traitement plutôt réussi. Et soyons honnêtes, on sait où on met les pieds, l’intention du titre s’affichant nettement dans le trailer. Le problème n’est pas là, mais plutôt dans le manque de subtilité du titre. Dès les premières minutes, le jeu s’enlise dans des dialogues lourds, dignes de discussions de comptoir que l’on pourrait entendre dans un bar en 2273. La narration, plutôt que de prendre le temps de développer ses personnages et son univers, préfère valoriser ses questionnements, qui nous tombent dessus comme un coup de massue. Voici un exemple, qui apparaît durant les cinq premières minutes du jeu :

    – Ce que j’adore dans ce style de musique, c’est le saxophone. Adolphe Sax voulait créer l’instrument le plus proche de la voix. Déjà dans le passé, on avait cette envie de donner à un objet une caractéristique de l’homme.

    – Un peu comme si le passé voulait rejoindre le futur…

    – C’est vrai, mais c’est étrange quand même. Pourquoi est-ce qu’on veut donner vie à des objets inanimés ? Regarde le monde autour de toi. Nous avons des IA, des robots et j’en passe… Ils nous facilitent la vie. Ils permettent à l’Humanité de ne plus se soucier des tâches rébarbatives ou complexes.

    – C’est plutôt cool, non ? T’as l’air de pas trop apprécier ça…

    – Et bien… Quelle est la place de l’être humain s’il n’a plus aucune tâche à accomplir ? Chaque innovation, aussi bienveillante soit-elle, a un côté destructeur.

    Don't Forget Me Screenshot

    On peut en parler après mon café ?

    D’emblée, on a envie de dire à Bernard de se calmer, parce qu’après tout, on n’a pas élevé les cochons ensemble, qu’on vient de se réveiller en étant amnésique et qu’on a d’autres problèmes infiniment plus urgents à régler. Sauf qu’il s’avère en réalité que non, puisque l’amnésie de Fran ne sera jamais un sujet abordé dans le jeu. Elle ne cherchera jamais à retrouver ses souvenirs perdus et ne développera à aucun moment une étincelle de curiosité quant à sa réelle identité. Difficile donc de croire en ce personnage qui apparaît je-m’en-foutiste à l’extrême, et pire encore, de s’y attacher. Sa fonction dans l’intrigue est bien trop transparente pour lui donner de l’épaisseur, et fait d’elle une coquille vide servant simplement à justifier la présentation de l’univers. Alors en y ajoutant Bernard et ses réflexions philosophiques ; la fameuse résistance qui ne semble pas très débrouillarde et qu’on a à peine le temps de connaître ; et un grand méchant trop cliché pour être crédible, on se retrouve avec une écriture qui peine à convaincre. Don’t Forget Me donne l’impression de jouer au bon élève en tentant de cocher les cases d’un scénario réussi, tout en loupant le coche. Voire même en se prenant parfois les pieds dans le tapis, avec des phrases comme : « détache-toi du passé pour donner un avenir au futur », déclamées d’un ton sérieux à un moment fatidique de l’intrigue.

    The Red Story Dinn Club

    Si son synopsis ne paraît pas très attrayant, ses inspirations le sont beaucoup plus. Don’t Forget Me les affiche de manière presque transparente, leur omniprésence accompagnant le récit à chaque instant. The Red Strings Club est à mon sens la plus importante, tant les parallèles sont nombreux et évidents. Que ce soit l’univers, le rôle des personnages, les péripéties ou la structure du jeu, tout évoque constamment le titre de Deconstructeam. Car oui, Fran rappelle inexorablement Akara, et s’intègre de la même manière à l’histoire. Leurs missions sont exactement les mêmes – accueillir les clients –, elles sont toutes deux accompagnées d’une personne expérimentée avec un regard critique sur le monde et une intelligence certaine, et elles ont la même fonction en tant que personnages : présenter l’univers et ses règles, qui leur sont tout aussi inconnus qu’au joueur.

    Graphiquement, les deux jeux utilisent un style de pixel-art identique, bien que celui de Don’t Forget Me soit plus coloré et un peu plus fin que celui de son aîné. The Red Strings Club brillait par sa direction artistique, et le titre de Moon Pirates fait de même : les décors sont peu nombreux, mais visuellement réussis et immergent immédiatement dans l’ambiance futuriste du soft. Composées par Aurélien Montéro, les musiques accompagnent parfaitement l’atmosphère du jeu. Savoureux mélange de synthwave et de jazz, la bande-son est assurément l’un des aspects les plus réussis et rappelle parfois les somptueuses compositions de fingerspit pour The Red Strings Club.

    Côté gameplay, Don’t Forget Me ressemble comme deux gouttes d’eau à Her Story. En tant qu’assistante de l’ami Bernard, Fran aura la lourde tâche de fouiller la mémoire de ses patients. Pour se faire, il faudra parcourir une suite de nœuds mémoriels à l’aide de mots clés. Par exemple, on apprend en discutant avec l’une des patientes qu’elle déteste l’uniforme imposé par son travail. En arrivant sur l’interface, il suffit de taper le mot « uniforme » pour avoir accès à des informations récitées par Bernard. On apprend donc qu’elle se méfie de ses employeurs, et qu’elle s’isole dans son bureau pour y faire des expériences. À partir de là, choisir un mot-clé valide permettra de débloquer le nœud suivant (dans mon exemple, « expérience », « employeurs » et « bureau » pourraient fonctionner). On avance ainsi de mot en mot, jusqu’à découvrir la conclusion du souvenir au bout du schéma mémoriel.

    Don't Forget Me Screenshot

    À la différence de Her Story, y a pas de vidéos, mais l'idée est là.

    Un gameplay efficace qui oblige le joueur à rester attentif pour ne pas passer à côté d’indices et se voir bloqué. J’ai par exemple dû m’y reprendre à deux fois – et donc recharger ma partie, j’avais l’air malin – avec la patiente à l’uniforme parce que je ne lisais qu’à moitié ce qu’elle racontait. Une certaine difficulté vient même pointer le bout de son nez, lorsque l’on tombe sur un souvenir protégé, ce qui déclenche un nouveau schéma mémoriel où le nombre d’erreurs possibles est cette fois-ci limité. Et qui dit trop grand nombre d’erreurs, dit retour à la case départ. C’est justement parce que cette mécanique est réussie qu’elle en devient frustrante : ces phases sont peu nombreuses dans les 3h nécessaires pour terminer l’aventure. Don’t Forget Me se transforme dans sa deuxième moitié en un point’n click plus classique, où on explore un environnement à la recherche d’objets – rien de bien compliqué, rassurez-vous. Passer d’un simili Her Story cyberpunk bien foutu à une jouabilité ordinaire rend l’expérience globale moins enivrante, malgré la découverte de nouveaux décors dans la deuxième partie. Le jeu se laisse suivre avec plaisir tout au long de son histoire, malgré quelques ficelles scénaristiques un peu grosses et une fin aussi ouverte qu’abrupte.

    Tous ces moments se perdront dans l’oubli

    Néanmoins, de bonnes inspirations ne sont bénéfiques qu’à la condition de réussir à s’en détacher. Et c’est là le plus gros problème de Don’t Forget Me : The Moon Pirates ne semble pas avoir pris le temps de digérer ses inspirations pour parvenir à lui insuffler une identité propre. Au cours de l’aventure, j’ai souvent eu le sentiment d’être confronté à un cocktail des jeux indés qui m’ont marqué ces dernières années. Sauf que le titre ne s’en extirpe jamais complètement, et reste donc convenu de bout en bout. Son manque d’identité ne lui permet d’être, tout au plus, qu’une version synthétique des bonnes idées croisées ici et là.

    Don't Forget Me Screenshot

    On avait remarqué.

    Et pourtant, à travers les quelques clients rencontrés, Don’t Forget Me raconte des histoires poignantes. Ces récits, superbement mis en scène et passionnants à suivre, obligent le joueur à faire des choix cornéliens, qui n’ont certes que peu d’impact, mais posent de vraies questions morales. C’est lorsque le jeu se détache de ses aînés qu’il brille le plus, et c’est sincèrement dommage qu’il n’ait pas osé le faire plus. Son univers aurait gagné à être plus développé, car il manque de substance en l’état pour vraiment subjuguer. Certes, on peut en découvrir de nouvelles bribes si on cherche à voir les 4 fins et les différents chemins qui y mènent. Mais la rejouabilité est en réalité assez faible, la faute à un nombre assez minime de différences entre chaque partie. Un manque qui peut se justifier par la petite équipe, et le temps développement relativement court du jeu. Comme l’explique Melanie Pourin, un des quatre fondateurs du studio, à ActuGaming, le contenu du jeu initial était bien plus restreint, et le développement ne devait durer qu’un an. Il devait servir de vitrine pour le jeune studio, mais s’est transformé en premier jeu au fil des idées qui s’intégraient petit à petit. Si l’essai ne se montre pas concluant, le studio montre un talent certain sur bien des points, et ce, malgré certaines erreurs d’écriture. Des défauts peut-être gommés avec leur prochain titre, que je suivrais avec intérêt.

    Don't Forget Me Screenshot

    Jamais essayé, mais ça doit pas être simple en effet

    Points positifs


    Le pixel-art sympa
    Les musiques
    Les mécaniques de gameplay
    Les dilemmes moraux
    Quelques passages vraiment cool

    Points négatifs


    Les dialogues
    Les personnages mal écrits
    Un univers pas assez fouillé
    Ne sort jamais de l'ombre de ses inspirations
    Un peu court

    5
    Convenable
    Don’t Forget Me est un jeu bourré de bonnes intentions et de bonnes idées, mais qui reste décevant. Une déception qui provient plus de la frustration engendrée par son potentiel inexploité que de ses défauts. L’histoire se déroule sous nos yeux sans pour autant nous emporter avec elle, la faute à des personnages peu crédibles et une écriture en dent de scie. Si les histoires des patients rencontrés offrent de vrais choix moraux, l’histoire des personnages que l’on suit, elle, est bien trop clichée pour impliquer le joueur. Un constat dommageable, tant le gameplay était intéressant et bien pensé. Le système de recherche dans les souvenirs, mélange de Her Story et Remember Me, apporte une vraie profondeur au titre. Mais comme pour le reste, The Moon Pirates ne va pas au bout de ses idées et ces séquences sont trop rares pour satisfaire le joueur. En somme, un jeu qui a oublié d’être marquant, mais qui reste une bonne expérience, à condition de ne pas avoir fait The Red Strings Club et Her Story auparavant.

    Tags

    Don't Forget MeMoon PirateNarratifCyberpunk

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    Tous ces moments se perdront dans l’oubli

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