Au fur et à mesure des infos que je lisais sur Dying Light 2, j’ai fini par me dire que le jeu ne sortirait probablement pas. Les conditions de développement exécrables et les scandales touchant certains postes importants semblaient n’en plus finir. Et finalement, le voilà débarqué. Le premier opus était novateur, sorte de mélange entre Mirror Edge et Dead Island. Mais la question à 100 millions consiste donc à se demander : est-ce que cette suite apporte suffisamment de choses pour être intéressante ; et plus globalement, Dying Light 2 n’a-t-il pas trop souffert de son développement laborieux ?
Les mondes post-apo peuvent se parcourir de bien des manières. De l’action aventure avec Mad Max, des choix cornéliens avec la série The Walking Dead de Telltale, des histoires centrées sur les personnages avec The Last of Us… Les variations sont légion. Ceci étant dit, Dying Light 2 et son prédécesseur offrent un concept unique : se promener dans une ville pleine de zombies avec grâce et élégance. L’utilisation du parkour et les galipettes virevoltantes en vue à la première personne permettent une fluidité presque inédite, Mirror Edge étant le seul contre-exemple – et qu’à moitié, puisqu’il se déroule dans un monde très différent.
Et justement, quand on lance Dying Light 2 pour la première fois, l’aisance avec laquelle Aiden se mouve impressionne. On peut aller partout, sauter dans tous les sens et se sentir vraiment fortiche. Pour autant, il n’est pas facile de maîtriser les déplacements à la perfection : à la différence des Assassin’s Creed et la pelletée de jeux qui ont suivi, rien ici n’est fait en mode automatique. Une fois arrivé en ville, il va falloir analyser constamment l’environnement. Calculer les sauts pour crapahuter de toit en toit sans faire de mauvaise chute. Et c’est tout bonnement grisant. Je me suis souvent surpris à simplement apprécier me balader, sans suivre d’objectif, juste pour le plaisir de la promenade.
Capacités qui s’étofferont au cours de l’aventure, et qui permettent à Dying Light 2 de se démarquer de son prédécesseur. Si vous avez suivi la campagne promotionnelle du jeu, vous savez de quoi je parle : le parapente. Dans la seconde moitié du jeu, le gameplay se voit bouleversé par cet ajout qui offre une vision totalement différente de la verticalité. Si vous vouliez atteindre ce toit en dessous, vous deviez dans la première partie du jeu faire des détours, car la chute serait potentiellement mortelle. Avec le parapente, les déplacements déjà fluides initialement prennent une tout autre envergure. Un atout de taille, mais limité pour ne pas en abuser : planer coûte de l’endurance, et à moins de trouver certaines aérations qui vous permettront d’en regagner, le temps imparti est très limité. Mais ce parapente et les quelques autres nouveautés offrent à ce Dying Light 2 un parkour aux petits oignons, surclassant l’excellence du premier.
Mais de bonnes mécaniques ne font pas tout, et Techland s’est assuré de donner aux joueurs les moyens d’exprimer leur créativité. Le level design est franchement réussi, s’approchant presque de celui d’un immersive sim. Si on ne profite pas d’autant de possibilités que dans un Dishonored, on possède malgré tout différentes cordes à notre arc, permettant ainsi de résoudre une situation de différentes manières – au-delà des séquences scriptées, bien entendu. Cependant, s’il est appréciable de voir des environnements si réussis en matière de level design, il en va autrement de la ville en elle-même.
Que l’on s’entende bien : le jeu est visuellement réussi, avec de jolies lumières, des textures honorables et une direction artistique correcte – sans être époustouflante. Certains panoramas sont à couper le souffle. Dying Light 2 m’a même souvent donné le vertige, sentiment que je n’avais pas ressenti depuis Death Stranding. Pour autant, Villedor manque d’âme et semble presque lambda. On sent pourtant le soin apporté aux détails, avec des bâtiments qui ont vraiment une belle gueule (l’église, les buildings, certains moulins). Mais je n’ai pu m’empêcher d’éprouver une certaine monotonie en me promenant dans ses rues ou sur ses toits. Je ne saurais par exemple pas expliquer concrètement les différences entre deux quartiers. Un cruel manque d’identité qui nuit à cet effet « Whaou » apporté par certains passages du scénario.
Heureusement, la musique sublime malgré tout n’importe quelle séquence du jeu. J’admire Olivier Dereviere depuis déjà de nombreuses années, grâce à ses compositions pour Assassin’s Creed Black Flag, A Plague Tale, Vampyr, 11:11 Memories Retold ou encore Remember Me. Pour Dying Light 2, le monsieur signe à nouveau une bande-son magistrale, à qui le jeu doit son ambiance. Les cycles jour/nuit offrent bien sûr des environnements distincts et des façons de jouer différentes, mais ce sont bien les musiques qui font toute la richesse de ces ambiances. Je me suis même surpris plusieurs fois à simplement m’arrêter pour laisser profiter mes oreilles. Une masterclass, comme disent les jeunes.
Une impression qui vient peut-être de la structure du jeu en elle-même : un monde ouvert aux mécaniques vues et revues. On retrouve tous les poncifs du genre, de l’aspect RPG rudimentaire à la carte remplie de points d’intérêts. Il faut savoir que Techland bosse sur le jeu depuis longtemps. Annoncé à l’E3 2018, l’arrivée de Dying Light 2 résulte d’un développement infernal, avec de nombreux départs et des indécisions quant à la direction que souhaitaient prendre les développeurs., en plus d’une ambiance délétère. Et c’est peut-être là qu’il faut chercher des éléments de réponse.
Bien que les mondes ouverts génériques continuent d’affluer chaque année, Dying Light 2 paraît presque trop lissé, même par rapport à eux. Des tours à grimper, des défis, des quêtes annexes inintéressantes, des coins de loot : toutes les cases sont cochées, avec le même manque de profondeur que les autres. Mais ici, ces activités annexes semblent tellement décorrélées du monde qu’elles en deviennent insipides. À part le défi de parkour, mais simplement grâce au plaisir ressenti quand on récupère la médaille d’or après avoir détalé sur les toits.
Et ce monde ouvert qui sonne creux, c’est pour moi le principal défaut du jeu. Ça, et son scénario. Parce que Dying Light 2 nous fait vivre une longue aventure, pleine de rebondissements et remplie de personnages plus ou moins appréciables. En réalité, l’histoire se suit bien, avec un suspense mesuré qui nous tient en haleine. Mais alors, qu’est-ce que c’est tiré en longueur. Le scénario impose des allers-retours indigestes et des tâches ingrates pour donner l’illusion d’être bien garni. Aiden, le personnage principal, ressemble plus à un facteur qu’à un Pèlerin – entendez par là un groupe de voyageurs. Son but initial — à savoir rejoindre sa sœur qu’il a perdue de vue depuis fort longtemps — se retrouve constamment parasité par Jean-Michel « Va me chercher mon écharpe à l’autre bout de la ville ». Et quand bien même ça concerne des événements importants, on est trimballé d’un lieu à l’autre pour des broutilles.
Forcément, l’histoire s’en retrouve rallongée à l’extrême. Et c’est bien dommage, car derrière les trop nombreux clichés qui nous servent d’acolytes se dégagent des petits cœurs qui battent virtuellement, et qui sont attachants. On découvre les factions et on voir l’univers s’épaissir petit à petit. Qui plus est, la présence de choix moraux vient un peu plus investir le joueur. Allez-vous laisser trépasser ce personnage qui vous a trahi en vous disant qu’il pourrait malgré tout vous aider plus tard, ou le sauverez-vous malgré le poignard dans le dos qu’il a pleinement mis en œuvre ? En sachant que ces choix influent sur la fin qu’on aura, on réfléchit à deux fois, bien qu’un temps limité ne nous laisse pas le luxe de posément considérer la question.
Au-delà de ces choix, il faut aussi choisir la faction que l’on souhaite soutenir à travers la récupération de quartiers. Si les bonus divergent en fonction du groupe favorisé, le plus agréable reste quand même les modifications dans la ville que ces décisions entrainent. Ceci étant dit, on reste très loin des promesses faites pendant la promo du jeu. Choisir tel ou tel groupuscule n’aura pas d’énormes répercussions et seront principalement environnementales. La représentation de ces deux groupes est par ailleurs un peu trop binaire : un groupe autoritaire et sécuritaire versus un groupe libertaire. Le jeu tend à exposer un groupe comme plus « gentil » que l’autre, puisque le premier est sous la domination du deuxième qui abuse de sa position. On est donc assez loin d’un monde complexe, malgré quelques subtilités intéressantes.
Alors, qu’est-ce qui nous pousse à continuer si les activités sont insipides et le scénario trop tiré en longueur pour être apprécié ? La progression du personnage. Lorsque le jeu commence, Aiden ne possède que des capacités basiques. Que ce soit pour le parkour (sauter et s’accrocher) ou pour le combat (esquive, parade, attaque légère). Au fur et à mesure des améliorations — qui nécessitent de récupérer un type d’objet spécifique — le gameplay s’étoffe de nombreuses variations. On peut ajouter un sprint, courir sur les murs, etc. De même pour le combat, qui octroie la possibilité d’avoir recours à des attaques utilisant le parkour. Bien que cela ponctue le jeu d’incohérences diégétiques, elles apportent un vrai sentiment de progression, en plus d’approfondir le gameplay. Les premières heures de combat sont laborieuses, mais deviennent plus intéressantes dès lors que l’on débloque certaines aptitudes.
Pour finir, abordons l’optimisation. Sur PC a été fait le choix d’utiliser la sécurité Denuvo (annoncé seulement quelques jorus avant la sortie). Si vous n’êtes pas un habitué du site, sachez que je déteste cordialement cet outil dont la philosophie consiste à punir les joueurs soutenant le studio par manque de confiance. De nombreuses rumeurs existent concernant l’impact de Denuvo sur les performances. Dans mon cas, je ne sais pas si elles sont liées, mais j’ai subi de multiples chutes de framerate, avec comme seule solution de relancer le jeu quand elles se produisaient. La même chose m’est arrivée sur Deathloop, unique raison pour laquelle je n’ai pas encore fini le jeu alors que j’adore le travail d’Arkane.
Bref, pour en revenir à Dying Light 2, je ne pense pas que le jeu soit suffisamment lourd pour faire cracher ses poumons à ma RTX 3080, ou à mon Ryzen 7 3800X et les 32 Go de ram qui le soutiennent. Excepté ces chutes de framerate, il est à noter de nombreux bugs, mais rien qui ne nuise au plaisir de jeu. Je parle ici de petits trucs marrants, qui peuvent briser l’immersion mais n’entacheront pas le ressenti global. N’ayant pas essayé la coopération, je ne saurais dire si elle fonctionne bien, mais des retours que j’ai pu voir, il semblerait qu’elle soit efficace.