Peu d’œuvres peuvent se targuer d’être plus emblématiques des années 80 que SOS Fantômes, Ghostbusters pour les amateurs de la langue de Kanye West. On parle quand même d’un film qui correspond à son époque, tant dans son ton que dans sa discrète insolence, le tout servi par un Bill Murray des grands soirs et un Dan Aykroyd alors au sommet de son art dans le SNL. Alors quand, 40 ans plus tard, l’équipe derrière l’excellent Vendredi 13, mais aussi Predators Hunting Grounds, jeu qui s’était illustré à égalité par son fan service et ses lacunes techniques béantes, s’attelle à un jeu asymétrique basé sur ce film culte, c’est peu dire que j’attends un peu avec une fourche et une torche.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que dès le lancement, le fan service vient faire une petite danse lascive particulièrement sexy devant nos yeux de fan : musique emblématique, ambiance sonore, Ecto-1, caserne de pompiers, personnages, tout y est, du bruit le plus discret au détail le plus insignifiant. C’est un fait acté depuis Predator et les aventures de Jason : IllFonics sait y faire pour extraire la substantifique moelle d’une licence.
Au début, vous ferez vos premiers pas en tant que chasseur de fantôme, et le gameplay est étonnamment précis et, en exagérant un peu, exigeant : il faut traquer le fantôme ou les portails par lesquels il se régénère, essayer de le capturer avec son pack puis le trainer vers un piège qu’il faudra au préalable avoir ouvert, sachant que tout cela consomme une énergie qui n’est pas infinie (même si elle se reconstitue spontanément). Mais, par exemple, pour ouvrir le piège, il faut avoir le pied au niveau du dispositif, et il faut penser à le récupérer. Détails, certes, mais qui renforcent l’immersion et permettent de se prendre un peu au sérieux (même si le ton général du jeu est évidemment très léger).
Fort heureusement, vous serez quatre pour cette périlleuse mission, et c’est tant mieux. Car au fur et à mesure d’une progression hélas trop courte, vous allez pouvoir customiser vos équipements : un fouet plus court mais plus puissant, un piège qui peut rester ouvert plus longtemps mais avec une zone d’effet amoindrie, etc. Du coup, en équipe, chacun pourra se spécialiser, même si la différenciation n’est pas non plus totale.
Passées quelques parties d’essai, vous allez enfin pouvoir passer de l’autre côté : le fantôme. Car à l’image d’un Dead by Daylight, il est tout à fait possible de jouer un ectoplasme bien décidé à hanter les lieux. Pour triompher, il doit faire monter la terreur des occupants et hanter différents objets, ce qui donne parfois lieu à des situations burlesques, tout en évitant les chasseurs, ce qui peut par exemple engendrer un ballet ininterrompu de chaises, le fantôme passant de l’une à l’autre pour éviter de se faire attraper. De l’autre côté, les chasseurs doivent essayer de ne pas trop démolir le matériel, même si la conséquence d’avoir retourné entièrement un niveau nous a paru assez discrète.
Pour le fantôme, le jeu est assez jubilatoire, puisqu’il s’agit de semer la pagaille en utilisant ses compétences, toutes assorties d’un chronomètre et d’un besoin en énergie qui se récupère en possédant un objet. À noter que certains fantômes peuvent posséder un civil, ou détruire le pack à protons d’un chasseur. Le jeu des Chasseurs est, quant à lui, plus rigoureux, mais pas moins fun, et l’impression d’enfiler pour de bon la chasuble des héros de 1984 est palpable à chaque instant, malgré les efforts que semblent faire certains pour utiliser le créateur de personnages afin de créer les personnages les plus ignobles possibles. Avec plusieurs fantômes jouables, tous bien distincts, et quelques variantes cosmétiques, comme l’incontournable Bouftou, il y a vraiment de quoi s’amuser en faisant tourner en bourrique les chasseurs, et en tant que chasseur l’aspect grisant ne se dément guère.
Pourtant Illfonics a encore une fois raté le coche, et plus ou moins raté une recette qu’ils maitrisaient si bien dans Vendredi 13. Ne soyons pas injustes, le jeu n’est pas mauvais, loin de là, mais certains éléments sont d’autant plus pénibles qu’ils étaient déjà présents dans Predators.
D’abord, c’est tout bête, mais la mobilité des fantômes et la hauteur de certaines pièces font qu’il est très facile pour eux parfois de s’en sortir à bon compte. Ajoutons à cela qu’aux premiers temps du jeu, certains streamers avaient découvert des glitchs qu’ils exploitaient copieusement, ce qui a un peu gâché le plaisir de l’ensemble (qu’ils soient ici remerciés par un doigt d’honneur mérité). Ajoutons surtout que le jeu tourne très, trop vite en rond. On a finalement vite fait le tour du contenu, et le gameplay n’est pas assez riche ni assez diversifié pour y rester trop longtemps. La durabilité de Dead by Daylight, référence de l’asymétrique, s’appuie sur une base de gameplay identique, mais parvient à greffer des innovations et des sensations différentes en permanence. Dans Ghostbusters, les chasseurs ne se singularisent pas assez. Les fantômes un peu plus, évidemment, mais la boucle de gameplay est trop simple pour espérer qu’elle puisse se renouveler sur le long terme. Erreur déjà présente dans Predators, et aussi dans Vendredi 13 mais dont la richesse thématique permettait de contourner cet écueil.
Et puis, surtout, surtout bon sang de bonsoir, le multi. MAIS QU’EST-CE QUE C’EST QUE ÇA ? Pour tout vous dire, après quelques jours de tests, j’ai écrit à DonBear pour lui dire « je ne vais pas écrire de tests, sinon je vais démolir le jeu ». Et c’était mérité. Même en demandant à jouer le fantôme, on passait parfois des sessions entières à ne pas y avoir droit tout en voyant le même antagoniste le jouer en boucle, par exemple. En équipe, l’un des joueurs se retrouvait fantôme alors qu’il demandait à jouer chasseur. Et surtout, le crossplay annoncé n’est jamais venu. Car même s’il est théoriquement possible, le launcher Epic est tellement pensé n’importe comment que jamais je n’ai pu jouer avec des compères sur Sony quand moi j’étais sur PC.
Bref, dès que l’on envisage le jeu sous l’angle de son multi en équipe ou qu’on décide de le mettre un peu à l’épreuve, il s’encastre dans tous les obstacles possibles. Cela étant, cela ne doit pas faire oublier que le jeu a de réelles qualités. Il ne les a juste pas assez longtemps.