
Heart Machine a vraiment un remarquable parcours. Hyper Light Drifter fait partie de cette vague d’indés du début de la décennie 2010 qui a considérablement changé le visage du jeu vidéo. Solar Ash, certes plus discret, était pourtant doté d’un gameplay efficace accompagné d’une superbe direction artistique. Possessor, prochain jeu annoncé sans date de sortie au moment où j’écris ces lignes, semble très prometteur. Mais Hyper Light Breaker, dont le nom donne un léger indice quant à son lien avec Hyper Light Drifter, peut ressembler au seul point noir au tableau. Au premier abord, un roguelite monde ouvert, ça peut faire peur. Et pourtant…
Si vous avez déjà joué à Hyper Light Drifter ou Solar Ash, vous savez de quoi le studio est capable. Le premier propose un pixel-art sublime et une musique atmosphérique de toute beauté, tandis que le deuxième dispose d’une direction artistique unique, appuyant d’autant plus la singularité du gameplay. Et bien, pour Hyper Light Breaker, le constat est le même, bien qu’il soit plus mesuré. La patte des artistes est ici bien présente, avec des chara-design uniques, des couleurs chaudes et, plus globalement, une proposition qu’on ne voit pas tous les jours. C’est simple : au-delà de toute considération pour les autres aspects du jeu, Hyper Light Breaker est un jeu agréable à contempler, et au moins autant à écouter, dans la continuité de son prédécesseur. Les musiques sont discrètes, mais elles apportent cette petite nuance qui change tout. On retrouve à la composition l’artiste Disasterpeace, qui avait déjà fait ses preuves sur les précédents jeux du studio. Bref, un régal artistique, qui ne présente pas des graphismes de pointe mais qui se différencie de tout ce qu’on a l’habitude de voir.
Certes, c’est chouette à regarder, mais qu’est-ce qu’on y fait dans ce jeu ? Hyper Light Breaker est un roguelite en monde ouvert. Autrement dit, lorsqu’on lance le jeu, on arrive dans un hub avec quelques marchands permettant d’acheter armes au corps à corps et à distance, et une armure. Une fois fait – si tant est qu’on ai ayez les moyens –, on lance une run et découvrez un monde relativement petit mais suffisamment grand pour avoir de quoi nous occuper quelques heures. D’autant plus qu’il est généré procéduralement : chaque partie recrée le monde différemment, les rendant toutes uniques.
Pour réussir une run, il vous faudra venir à bout de trois boss. Et pour atteindre chacun de ces trois boss, il faudra obtenir des prismes, que l’on récolte à différents endroits de la carte, généralement après un affrontement contre un demi-boss. Et c’est là où les problèmes commencent, parce que la courbe de difficulté est beaucoup trop inégale. On commence avec un kit de soin, octroyant donc la possibilité de se soigner, tandis que les prochains devront être achetés à des autels. Le truc, c’est que des points de vie, vous allez en perdre beaucoup, et vite. On s’acclimate rapidement aux ennemis basiques, mais les plus coriaces le sont drastiquement. Pas tant dans leur pattern qui sont globalement lisibles, mais plutôt dans le nombre de dégâts qu’ils font, faisant fondre votre barre de vie vitesse grand V.
Alors qu’il est indispensable de bien explorer pour s’équiper correctement et avoir de quoi tenir tête aux boss, on est vite désarçonné par la difficulté qui nous tombe sur le coin de l’œil. Et les boss sont encore pires, parce que eux mélangent dégâts élevés et patterns difficiles à appréhender. Pour être totalement honnête, je n’ai même pas réussi à vaincre le deuxième, ni atteindre le troisième. Pourtant, l’exploration ne pose pas trop de problème en soi, même si l’augmentation d’une jauge de « dangerosité » la rend de plus en plus difficile. Lorsqu’elle est au maximum, ça devient vite ingérable. La difficulté n’est pas un problème en soi, d’autant plus sur un roguelite, mais c’est plutôt l’équilibrage qui pose problème. Et encore, avant la dernière mise à jour, c’était bien pire. Certains ennemis nous paralysaient, on commençait sans soins… Bref, un véritable parcours du combattant.
Et c’est d’autant plus dommage que le gameplay est réussi. L’exploration se fait via un overboard pour se déplacer rapidement et une paravoile pour planer – oui, l’influence de Breath of the Wild est transparente dans le jeu. On prend vraiment plaisir à découvrir les différents biomes, tous très marqués visuellement, et on ne s’ennuie pas une seconde. Les affrontements sont du même acabit : toujours très lisibles et fluides. On peut se battre à distance ou au corps à corps et diverses façons grâce aux armes qui proposent des gameplays différents. Le marteau est très lent mais fait très mal, les griffes permettent d’enchainer les coups faibles et d’avoir beaucoup de mobilité, et pour les armes à distance, une logique similaire s’applique.
Et on peut en plus jouer en coopération jusqu’à trois. La difficulté augmente en conséquence, mais le multijoueur est bien intégré et fonctionne sans problème. On se retrouve facilement, la progression est sauvegardée aussi en solo, et je n’ai eu aucun problème. Une coop tout à fait fonctionnelle, qui rend l’expérience d’autant plus sympathique.
Bref, Hyper Light Breaker est un bon jeu malgré sa difficulté parfois frustrante. Et aussi, un autre détail va rapidement venir plomber l’expérience…
Malgré toutes les louanges, il faut savoir dans quoi on met les pieds lorsqu’on lance Hyper Light Breaker. C’est certes un jeu agréable, autant pour les sens que manette en main, mais qui semble sorti trop tôt. Et ce, pour plusieurs raisons.
La première, ce sont les bugs. Le jeu a encore beaucoup de soucis à ce niveau. Finir coincé après un mauvais saut, l’animation de course qui ne fonctionne pas correctement et ralentit le personnage, du loot qui n’apparaît pas… En seulement quelques heures de jeu, trop fréquents ont été les moments où un petit hic est venu perturber ma partie.
La deuxième et la plus importante, c’est assurément le manque de contenu. Hyper Light Breaker est un jeu en accès anticipé, autrement dit un jeu qui va se bonifier avec le temps et les retours des joueurs. Mais en l’état, le jeu manque cruellement de quoi vous maintenir intéressé passé quelques heures de jeu. Le bestiaire est rachitique, les armes peu nombreuses, les améliorations presque inexistantes. Après trois ou quatre run, malgré la génération procédurale, vous connaitrez bien la carte qui se compose des mêmes biomes. Le scénario se laisse apercevoir subrepticement via quelques collectibles, mais rien de concret encore de ce côté là.
Vous avez l’idée : selon moi, Hyper Light Breaker est sorti trop tôt. Il possède un merveilleux potentiel, mais il faudra aux devs parcourir encore beaucoup de chemin pour l’exploiter correctement. En l’état, il m’est difficile de vous le recommander comme j’aimerais pouvoir le faire.
La principale raison qui pourrait vous y pousser, ce serait sans doute la situation actuelle du studio, qui ne vit pas ses meilleurs jours. Ils en sont même au point d’avoir ouvert une page PatreonUn instant…, et cet accès anticipé prématuré s’explique sans doute par le manque de finances.