Les productions Marvel ont abouti à une certaine lassitude dans mon esprit. J’ai bien entendu été enchanté en découvrant le film Iron Man en 2008 et quelques autres qui ont suivi, mais j’ai depuis longtemps lâché l’affaire. Dans l’industrie vidéoludique, les mauvais échos du jeu Avengers m’ont poussé à la conclusion suivante : les adaptations réussies de super héros dans le jeu vidéo, ça tient plus de l’exception que de l’habitude. Autant vous dire que je n’attendais absolument pas les Gardiens de la Galaxie, et que la surprise n’en a été que d’autant plus grande.
Je n’étais absolument pas emballé à l’annonce de ce jeu Les Gardiens de la Galaxie, malgré le studio derrière son développement : Eidos Montréal, connu et apprécié pour les Deus Ex et le reboot de la série Tomb Raider. Les longues sessions de gameplay présentées lors des conférences ces derniers mois me faisaient craindre le pire, du moins quelque chose d’attendu et pas très affriolant. Bien qu’il s’agisse d’un jeu exclusivement solo sans aucune microtransaction et de jolis visuels, rien ne laissait transparaître ses véritables qualités.
Alors quand j’ai lancé le jeu pour la première fois, deux choses m’ont sauté à la figure et m’ont agréablement surpris : l’excellente dynamique des dialogues et les décors. Concernant le premier point, les vannes s’enchaînent constamment à travers un doublage en version française d’une qualité remarquable. On sourit souvent, on rigole parfois, et de temps à autre on se dit qu’ils auraient pu s’abstenir de faire cette blague. Dans tous les cas, l’ambiance est vite posée et promet une aventure bourrée d’échanges bien écrits, avec des personnages hauts en couleur. Ces derniers deviennent rapidement attachants, et malgré les discordes au sein du groupe tout au long du voyage, on apprend à apprécier leurs caractères – plus profonds qu’il n’y paraît aux premiers abords. Mention spéciale à Drax, dont la bêtise et le premier degré se mélangent à la perfection pour sortir des répliques incroyables. Un jeu vidéo humoristique réussi, ça se compte sur les doigts de quelques mains. C’est donc un gros point fort pour un jeu qui aurait pu facilement louper le coche.
Pour ce qui est des visuels, ils s’avèrent aussi réussis sur l’aspect technique qu’artistique. Les décors sont souvent grandioses, grâce à des planètes dotées d’une identité recherchée. Les ambiances varient en fonction des lieux, tandis qu’un profond sentiment de découverte suit le joueur tout au long de l’aventure. C’est coloré, rempli de détails insignifiants mais qui ont le mérite d’apporter une consistance à l’univers. Quant aux personnages, ils sont tout aussi saisissants : les habitués du MCU seront probablement perturbés par le casting des gardiens de la galaxie, mais on ne peut nier la qualité des animations faciales. Beaucoup d’émotions passent à travers des petits détails, et à vrai dire, peu de jeu peuvent se targuer de mettre en avant des personnages avec des expressions si réalistes.
Ceci étant dit, il faut néanmoins avouer que les animations manquent de fluidité, voire plus globalement de naturel. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’elles sont rigides, mais elles viennent ternir un bilan plus que positif. Des maladresses techniques qui se traduisent aussi par une palanquée de bug, allant des épées de Drax qui lui traversent le corps jusqu’au crash du jeu sans le moindre compromis. Un manque de finition probablement résolu lors de futures mises à jour, mais qui nuit actuellement à l’expérience.
En termes de mécaniques, Les Gardiens de la Galaxie reste un jeu somme toute très classique. Structurellement parlant, on reste dans la lignée des AAA solos actuels : on alterne entre des phases d’exploration portées par les dialogues et des phases d’action dans des couloirs avec généralement un boss au bout du chemin. Une structure très dirigiste, où l’on contrôle intégralement Star-Lord du début à la fin.
Un des gros morceaux du jeu, les combats, dévoile de bonnes idées, malheureusement restreintes par quelques défauts. Bon, déjà, c’est relativement classique : on vise, on tire, on ordonne à nos acolytes d’utiliser telle ou telle compétence, et on bourrine les ennemis. Mais les trop nombreuses combinaisons de touches rendent les affrontements quelque peu difficiles à prendre en main. Si ça ne suffisait pas, ils sont souvent brouillons, avec les ennemis et les alliés qui tapent de partout. Il m’est fréquemment arrivé de ne pas voir un ennemi juste à côté de moi en train de me distribuer des beignes, car je ne comprenais pas tout ce qui se déroulait sous mes yeux. Ils s’enrichissent au fur et à mesure, avec des adversaires sensibles à différents types d’attaques, tandis que d’autres auront des boucliers que seul Star-Lord pourra désactiver avec des tirs spéciaux.
Si les gourdins – oui, oui – de la galaxie ont une bonne synergie dans leurs techniques, on peut même aller plus loin en utilisant le rassemblement : pendant les combats, une jauge se remplit progressivement. Lorsqu’elle est pleine, on peut appeler ses potes et choisir entre deux réponses celle qui correspond le mieux à leur état d’esprit. Si la bonne réponse est choisie, tout le monde obtient un bonus qui permet de spammer les compétences de chacun. Dans tous les cas, Star-Lord en bénéficie tandis que la musique change, rythmant de plus belle le combat et donnant parfois lieu à des moments incroyables. Néanmoins, le passage où tout le monde se regroupe est super long, et finit inexorablement par lasser au bout de la 30e fois. Une bonne idée donc, mais qui ne laisse pas la possibilité de passer les 30 secondes de parlotte et casse à chaque fois la cadence du combat.
Surtout que les affrontements trainent souvent en longueur, avec des sacs à PV increvables. Par exemple, les combats contre les boss sont généralement réussis et spectaculaires, mais ils sont d’une longueur telle qu’ils en deviennent monotones. Qui plus est, les différentes attaques manquent de punch : on a beau tirer sans s’arrêter et voir la vie des ennemis descendre peu à peu, on a l’impression de les chatouiller. Dans leur globalité, les combats tiennent la route, mais manquent de quelques éléments pour ne pas rougir face aux autres qualités du jeu.
Bien sûr, Les Gardiens de la Galaxie n’échappe pas à quelques composantes RPG dispensables, comme la montée de niveau et la possibilité d’obtenir de nouvelles compétences et améliorations. Pour se faire, il faudra récolter tout au long de l’aventure deux ressources permettant d’améliorer son équipement et débloquer de nouvelles capacités, comme l’amélioration du nombre de points de vie, un ralenti lorsque l’on esquive au dernier moment, etc. Les combats octroient un gain d’expérience, qui se dépense dans l’achat de nouvelles compétences pour Star-Lord ou les autres membres du groupe. Sans être une mauvaise idée en soi, cet aspect RPG n’offre pas grand-chose d’intéressant, au point de sembler superflu. Comme si on l’avait ajouté pour suivre ce qui se fait, sans réfléchir à un système vraiment pertinent pour l’expérience.
Certains d’entre vous doivent certainement se demander : est-il possible d’apprécier le jeu sans connaître les comics ou les films ? Oui, sans aucun problème. Eidos Montréal a eu le bon goût de ne pas tomber dans des dialogues d’exposition interminables, tout en laissant la possibilité aux néophytes de se renseigner à travers un codex. D’ailleurs, ce dernier désigne pour chaque élément le comics dans lequel il est apparu en premier. Un détail, certes, mais qui est franchement appréciable et montre l’amour des développeurs pour le matériau de base.
Et c’est justement sur ce point que le studio a le plus réussi, contrairement à Crystal Dynamics lorsqu’ils ont développé Avengers : comprendre l’œuvre initiale pour mieux l’adapter. En mettant au cœur du jeu les interactions entre les membres du groupe, Les Gardiens de la Galaxie réussit à créer une dynamique des plus appréciables. Le jeu sera trop bavard pour certains, mais l’impression de faire une virée dans l’espace avec ses potes n’a jamais été aussi bien retranscrite depuis Mass Effect. D’ailleurs, de la même manière que ce dernier, Les Gardiens de la Galaxie propose des choix de dialogues qui auront une légère influence sur le déroulé des événements. Tous les joueurs auront grosso modo la même aventure, mais certains dialogues ou la manière d’aborder un événement seront modifiés selon vos choix. Un petit plus sympathique.
Cependant, ce qui fait la force des Gardiens de la Galaxie fait aussi sa faiblesse : les scripts de dialogues s’enchaînent parfois mal, et certains dialogues se superposent, quand ils ne se coupent pas. Il m’est souvent arrivé de devoir m’arrêter d’avancer pour attendre la fin de la conversation, sous peine d’être frustré en n’ayant pas le fin mot de l’histoire.
À part ça, le jeu met parfaitement en scène l’univers déjanté du comics. On parle avec un chien à l’accent soviétique chef de la sécurité d’une ville, on affronte des monstres gigantesques, on adopte un lama de l’espace, on tombe dans des situations rocambolesques : on vit une aventure riche en péripéties. L’histoire a aussi ses moments poignants, et alterne à la perfection entre l’humour et le sérieux de certains passages. Après, il ne faut pas s’attendre à un scénario révolutionnaire. Dynamisées par de nombreux MacGuffin, les mésaventures des gardiens donnent parfois l’impression d’être développées à partir d’un prétexte plutôt que par un élément déclencheur bien rodé. Mais finalement, peu importe. On s’amuse et on se prend au jeu en parcourant cet univers farfelu.
Pour finir, abordons l’ambiance années 80, parfaitement retranscrite grâce à l’incroyable OST du jeu. Bon déjà, le groupe Star-Lord, créé spécialement pour le jeu, est une véritable tuerie. N’importe quel fan de heavy-metal verra sa tête headbanger malgré lui en écoutant leur musique. Et si jamais ça ne suffit pas, on trouve du Iron Maiden, du KISS, du Bonnie Tyler, du Blue Öyster Cult et tant d’autres groupes emblématiques des années 70/80. De quoi satisfaire les plus difficiles musicalement parlant. De plus, la musique originale du jeu est composée par Richard Jacques, qui a entre autres participé à la musique des Mass Effect, de Jet Set Radio et de quelques Sonic. Orchestrale, elle accompagne parfaitement l’action et les moments plus calmes de l’aventure. En somme, du tout bon pour les oreilles.