La saga Yakuza raconte la vie de Kazuma Kiryu. Du premier au sixième opus, ce ne sont pas moins de quarante ans de sa vie qui sont racontées, avant de voir Ichiban Kasuga reprendre le flambeau à partir de Like A Dragon. Ce Like a Dragon Gaiden : The Man Who Erased His Name devait initialement être un simple DLC, mais c’est en réalité une page importante de l’histoire de Kiryu. Le retour de la légende, cinq ans après l’avoir quitté. Le premier jeu original sans Nagoshi, le papa de la licence. Le retour du beat-em’all après le passage en tour par tour opéré par le septième opus. Beaucoup de questions autour d’un stand alone qui se veut plus petit que la normale. Vous vous en doutez, on est là pour y répondre.
Après les tragiques événements de Yakuza 6, Kiryu a fait le choix de se faire passer pour mort. Pour ne pas représenter une menace pour les puissants, il a choisi de mentir à ses proches en se cachant pour le reste de sa vie. C’est ainsi que s’ouvre Like a Dragon Gaiden, où on retrouve Kiryu en pleine mission d’escorte. On comprend rapidement qu’il bosse pour les Daidoji, en contrepartie d’une vie à priori paisible et isolée. Mais comme on peut aisément l’imaginer, les choses vont rapidement se gâter lorsqu’une transaction – qui devait se dérouler sans accroc, bien entendu – tourne à la catastrophe avec l’intrusion d’un groupe masqué. Kiryu va devoir jongler entre sa fausse identité, son passé tumultueux, sa réputation et ses principes pour réussir à démêler une situation complexe.
Autant dire que retrouver Kiryu fait partie des plus gros plaisirs qu’offre le jeu. Ichiban Kasuga est un excellent protagoniste, mais Kiryu a forcément une place spéciale dans le cœur des fans, après vécu tant de choses avec lui. Surtout qu’il reste fidèle à lui-même : même lorsqu’il se retrouve face à des choix cornéliens, ses valeurs le poussent à faire le choix qu’il considère comme étant le plus juste, quitte à en payer le prix. Le scénario de Like a Dragon Gaiden a quelques défauts, comme l’absence d’un antagoniste marquant, mais rien n’égale la joie de suivre de nouveau le Dragon de Dojima. C’est un épisode très nostalgique, où on sent le poids des années passées, avec énormément de références aux précédents opus. Par exemple, le nom de Ryuji Goda est prononcé dans une quête secondaire, celui du Sunflower aussi, et quelques autres qui vous ramèneront quelques années en arrière. Kiryu est par ailleurs accompagnée de nouveaux personnages intéressants, à l’image d’Hanawa, membre des Daidoji chargé de surveiller Kiryu, ou encore d’Akame, la jeune informatrice de Sotenbori. Même si, finalement, les relations avec les personnages ne sont pas autant creusées que dans les précédents opus, on s’attache à ces nouveaux compagnons malgré tout.
Le scénario est plaisant à découvrir, malgré quelques lenteurs dans les chapitres intermédiaires. On sent que Ryu Ga Gotoku avait une histoire bien précise en tête, qu’ils ont étiré pour justifier le fait que Gaiden ne soit pas un DLC mais un jeu à part entière. On dirait presque que certaines quêtes secondaires se sont immiscées dans l’histoire principale, ce qui parfois empêche le scénario de briller à son maximum. Malgré tout, rien de dramatique, tant l’histoire est touchante. Toutes ces émotions gravitent autour de Kiryu, qui vous arrachera probablement une larme à la fin du jeu. C’est bien entendu personnel, mais c’est l’une des fins de la série qui m’a le plus attristé, et l’une des fins de jeu vidéo qui m’a le plus touché. Si vous êtes fan de Yakuza, je ne peux que vous conseiller de faire ce Like a Dragon : Gaiden, ne serait-ce que pour son final. Et aussi parce qu’il me semble indispensable pour faire la jonction entre le septième et le huitième opus.
Et aussi parce qu’il signe le retour au genre beat-em all. Après les combats Dragon Quest-esque du précédent, on revient ici aux bonnes vieilles bastons où on martèle sa manette pour balancer des coups ravageurs à des groupes d’ennemis à la physique ragdoll-esque. On enchaîne les combos avec deux touches, on monte sa jauge de Heat, on effectue des finish move toujours aussi cools, on prend les objets qui nous passent sous la main, on attrape les ennemis pour les balancer, bref, retour à la maison. Sauf que la décoration a bien changé : Kiryu possède désormais un nouvel attirail. Dans le style de combat Agent, le dragon de Dojima utilise des gadgets aussi loufoques que puissant. On alterne donc entre un câble capable de paralyser les ennemis et les envoyer valdinguer, un essaim de drones prêt à se jeter sur les ennemis, ou encore la cigarette explosive, effet garanti. On alterne entre le style Agent et le style classique d’une simple pression de touche avec une fluidité exemplaire, permettant au passage d’excellents combos. On retrouve aussi la même forme surpuissante que celle présente dans Yakuza 6, octroyant à Kiryu la capacité de mettre des coups dévastateurs.
Un système bien rodé avec de nouvelles compétences amusantes pour des combats vraiment réussis. Si on ajoute à ça les effets de particules sublimant visuellement ces affrontements, on tient sans doute là l’un des meilleurs systèmes de combat de la licence. Même si ceux de Judgement m’ont paru plus aboutis et plus réactifs – l’âge de Kiryu se fait ressentir niveau souplesse –, on prend un réel plaisir à défaire tous ces groupes d’ennemis. Le seul bémol vient plutôt des améliorations, qui rendent les combats trop simples passé un certain cap. Comme dans Yakuza 0, les compétences s’achètent avec de l’argent, qui coule à flot dans Gaiden. On devient rapidement surpuissant, peut-être un peu trop. Vers la fin du jeu, une barre de vie s’évaporait en seulement un enchaînement. Avec le bon équipement qui augmente l’attaque et les améliorations, les groupes d’ennemis ne tiennent pas la cadence.
Encore faut-il en gagner, de l’argent. Like a Dragon Gaiden se déroule majoritairement à Sotenbori, qu’on a déjà eu l’occasion de visiter plusieurs fois dans d’anciens épisodes. Et comme à son habitude, Kiryu va pouvoir profiter de moult divertissements pour oublier le poids sur ses épaules. Golf, billard, fléchettes, shogi, poker, blackjack, borne d’arcades – avec certains jeux inédits – sont tout autant de possibilités de s’amuser simplement et gagner quelques sous. Certaines activités font d’ailleurs particulièrement plaisir, à l’image du karaoké et de certaines musiques emblématiques de la licence – Baka Mitai en tête, bien sûr –, et surtout le retour de Pocket Circuit ! Oui, les petites voitures et la tonne d’heures nécessaire à leur customisation sont de retour. Un jeu absent depuis Yakuza 0, qui évoque nécessairement une certaine nostalgie, accompagné de fous rires lorsque Kiryu saute de joie après avoir vaincu des enfants innocents lors d’une course de voitures miniatures. D’autres activités sont néanmoins ratées, comme le cabaret, qui cette fois propose de discuter avec des actrices. Des vrai de vrai, qui créent instantanément un immense malaise au moins aussi grand qu’un certain mini jeu présent dans Yakuza Kiwami 2. La licence a toujours d’énormes progrès à faire concernant l’image qu’il véhicule des femmes, même si le but est de retranscrire une certaine forme de réalité. Engager des actrices pour incarner des hôtesses peut sembler immersif sur le papier, c’est simplement gênant à l’extrême dans la pratique.
On trouve aussi une nouvelle activité : lever constamment la caméra vers le haut pour dénicher des objets à attraper. Avec son nouveau gadget, Kiryu peut en effet attirer les objets vers lui, et il y en a une tonne à Sotenbori. Si c’est sympathique au début de s’enrichir facilement, on finit par toujours marcher les yeux au ciel, en ratant au passage ce qu’il se passe au niveau de nos pieds. Ceci étant dit, ça permet aussi de profiter du travail dantesque de modélisation de la ville, comme toujours avec Ryu Ga Gotoku. Même si les habitués connaissent déjà bien les rues de Sotenbori, le travail sur les lumières lui confère un côté éclatant. Les cinématiques sont, elles aussi, très réussies, même si le travail sur la mise en scène est moindre que dans les précédents opus, notamment le 6 et Kiwami 2 qui excellaient en la matière. Mais le vrai problème, c’est bien l’aspect inégal des graphismes : certaines textures sont vraiment baveuses, les visages des personnages secondaires sont vraiment ratés comparés aux personnages principaux. Cette inconstance se ressent tout au long du jeu, et crée un différentiel entre les activités principales et secondaires quelque peu dommageable.
D’ailleurs, en parlant des quêtes secondaires, elles sont pour la plupart réussies, même si certaines servent de remplissage. Néanmoins, il y a quelques belles histoires à découvrir, le retour de personnages qui rappelleront de bons souvenirs aux fans, des histoires drôles, des histoires tristes. Pour faire court, il y a de quoi vivre de belles aventures. Si ce n’est celles qui consistent à recruter des équipiers pour le Colisée, qui manquent de profondeur. Parce que oui, il y a un Colisée qui consiste à combattre dans une arène selon différentes conditions. On peut par exemple se battre en équipe, se battre seul contre plusieurs adversaires, etc. Un moyen efficace de gagner de l’argent et qui devrait vous occuper un bon bout de temps si vous aimez le système de combat.
Pour terminer, j’aimerais rapidement aborder deux problèmes qui ne ternissent pas l’expérience en elle-même, mais restent décevants. Le premier concerne la traduction : depuis Like a Dragon, une traduction française est disponible pour les jeux de la licence. Une excellente chose qui permet au plus grand nombre de profiter de ces incroyables aventures. Cependant, pour Gaiden, j’ai remarqué plusieurs problèmes qui rendent parfois les dialogues quelque peu confus. La gestion du vouvoiement est hasardeuse, avec Kiryu qui va vouvoyer quelqu’un pour le tutoyer deux lignes plus tard sans aucune raison. Elle semble régulièrement hasardeuse, comme l’écran de fin avec le mot « Suivant » au lieu de « À suivre ». Quel dommage de proposer une traduction française de cet acabit.
Le deuxième problème vient du prix. Vous le savez, je n’ai pas pour habitude de parler de ce paramètre dans mes critiques, simplement car je considère que la valeur accordée à une œuvre dépend de trop de facteurs individuels. Cependant, en s’alignant sur le prix des autres jeux de la licence, il apparaît presque évident que Like a Dragon Gaiden est passé de DLC à stand alone pour engranger des revenus supplémentaires. Le prix de 50 € pour une aventure trois fois plus courte que celle d’un Yakuza en temps normal me semble disproportionné. Ceci étant, le jeu est disponible dans le Game Pass, un bon moyen d’en profiter sans se ruiner. Par ailleurs, il est important de noter pour les plus impatients qu’une démo du huitième opus est disponible dans le jeu. Je ne m’étalerai pas plus que ça sur le sujet, étant donné que je ne l’ai pas essayé par volonté de préserver la surprise jusqu’à la sortie du jeu – et qu’en plus, ça serait hors sujet –.