Depuis sa création en 2005, la série des Yakuza a su se démarquer dans le genre pourtant très concurrentiel des mondes ouverts. Si la grande majorité des AAA utilisent une formule similaire, les Yakuza ont malgré tout réussi à conserver une fervente communauté. C’est avec une joie certaine que les Occidentaux peuvent désormais profiter du remake de Yakuza Ishin, jeu sorti en 2014 uniquement au Japon. Et autant dire que s’il ne renouvèle pas les mécaniques de la licence, il apporte néanmoins un vent de fraicheur des plus appréciables.
Like A Dragon Ishin raconte l’histoire de Ryoma Sakamoto, jeune épéiste subissant comme beaucoup les inégalités sociales dues à la structure des castes. Durant l’ère Edo, le shogunat a mis en place la suprématie des samouraïs, leur octroyant la possibilité de faire à peu près tout ce qu’ils veulent sans répercussion. Et ça, Ryoma Sakamoto, il aime pas trop. Et Toyo Yoshida, père adoptif de Ryoma et haut placé du domaine de Tosa, est plutôt d’accord avec lui. De même que son frère adoptif. Tous les trois fomentent un plan visant à renverser la structure sociétale actuelle pour mettre en place un système plus égalitaire. Sauf que, contre toute attente, un assassin débarque lors d’une réunion secrète et tue Toyo. Après avoir été accusé à tort et contraint de s’exiler de Tosa, voici le début d’une quête de vengeance remplie de complots, de drames, et de twists.
Si vous n’avez pas compris le synopsis à cause des mots « Edo » ou « shogunat », nombreuses sont les chances que vous soyez perdus en jouant à Like A Dragon Ishin. Ce remake prend place durant une période mouvementée de l’histoire du Japon nommée Bakumatsu, qui voyait s’affronter différents clans politiques dans la course au pouvoir. Ces événements précédent l’Ère Meiji, synonyme d’ouverture pour le pays jusque là fermé à toute notion d’échange avec les pays voisins ou occidentaux. Ce cadre historique permet à la licence de souffler un vent de fraîcheur sur tout ce qui compose le jeu. L’histoire reprend des figures historiques ayant vraiment existé, des structures réellement mises en place à l’époque comme le Shinsen-gumi, et relate des faits s’étant produits dans notre réalité.
Les références historiques sont nombreuses, comme cette quête secondaire qui voit un auteur en mal d’inspiration s’inspirant de Natsume Soseki, un auteur très connu au Japon. Ou celle qui voit Pony, un militaire américain, débarquer à Kyo à cause d’un mal de mer, référence évidente à Matthew Perry. Une tonne de détails qui tendent à rendre le jeu crédible, sans compter les décors somptueux qui retranscrivent à la perfection le Japon du XIXe siècle. Alors, oui, sur le plan technique, ce n’est pas toujours ça. Certaines textures bavent un peu, les visages hors cinématiques sont peu expressifs, et les animations font parfois datés. Mais la ville grouille de vie, la direction artistique est sublime, et se balader dans une ville a rarement été aussi satisfaisant.
Malgré la présence du cadre historique appréciable qui apporte une fraîcheur bienvenue, Like A Dragon Ishin s’appuie néanmoins sur les qualités qui ont fait la renommée de la licence, à commencer par la dramaturgie du scénario. Le jeu nous fait vivre des événements haletants à un rythme effréné. Lors de la dizaine de chapitres s’enchaînent drames, twists, et bien sûr confrontations épiques. La palette de personnage est aussi riche que variée, reprenant avec brio les personnages de la licence. Ryoma Sakamoto, le protagoniste, possède bien évidemment les traits de Kazuma Kiryuu, mais chaque personnage important est un clin d’œil aux icônes rencontrées dans les jeux canoniques.
Les quêtes secondaires loufoques sont, elles aussi, présentes. Comme chaque épisode de la série, ce Like A Dragon Ishin propose moult histoires totalement déjantées, venant alléger le ton sérieux du scénario. Se faire voler ses vêtements dans les bains publics, devenir le coursier le plus rapide de la ville, aider un homme éperdument amoureux à traduire le patois de sa bien-aimée, devenir assistant d’un professeur de géographie : les activités sont variées et généralement drôles. Certaines sont de mauvais goût, comme celle où on croit aller dans un bordel classique avant de tomber sur une « mauvaise » surprise. Certaines sont anecdotiques. Mais beaucoup d’autres sont mémorables, et passer à côté signifie louper un élément fondamental dans l’identité de la licence, et une bonne tranche de rigolade.
Et bien sûr, on retrouve également la tonne d’activités diverses et variées comme le karaoké, la danse, le jardinage, la cuisine, la pêche, aller au restaurant ou encore des duels de pierre-feuille-ciseaux. Tout ça fait qu’on ne s’ennuie jamais dans Like a Dragon Ishin, car il y a toujours quelque chose à faire. Les amitiés prennent une place importante dans le jeu, puisqu’on peut développer des amitiés avec des commerçants et certains personnages rencontrés dans les quêtes secondaires. Cette tonne de mini-jeux, toujours aussi créative, offre des gameplays diversifiés. Et puis, comment passer à côté du tube interplanétaire Baka Mitai dans un style japonais traditionnel ?
Au niveau des combats, on reste sur du relativement classique, même si la formule s’améliore grâce aux différents styles. Ils sont au nombre de quatre : danseur, bagarreur, sabreur et tireur. Ils permettent de soit se battre aux poings, au pistolet, ou au sabre. Certains sont plus dynamiques comme le danseur qui allie sabre et pistolet dans des mouvements virevoltants, soit plus concentrés sur la puissance comme le sabreur qui tape fort. Globalement, même s’ils n’ont jamais été le point fort de la licence, les combats sont agréables et offrent de la diversité dans le gameplay. La petite originalité vient surtout des soldats que l’on obtient plus tard dans le jeu, octroyant de puissantes capacités. Bien utiles face à des hordes d’ennemis, ils permettent de balancer des boules d’énergie, d’électrocuter tous les ennemis ou encore de se soigner. On peut totalement s’en passer, mais c’est un petit plus non négligeable.
Cependant, à vouloir en faire trop, on constate aussi certains loupés. Les donjons par exemple proposent de traverser des niveaux intéressants en terrassant les ennemis sur notre passage. Ils octroient certes l’obtention d’objets et de soldats, mais ils consistent néanmoins à avancer des couloirs peu reluisants. L’arène présente le même problème, en se résumant à un enchaînement de combats. Tout fan de la licence le sait, les affrontements sont loin de figurer parmi les points forts du jeu, et l’intérêt de ce genre d’activité semble donc relatif. Dernier élément discutable : l’artisanat. Like A Dragon Ishin propose d’aller voir un forgeron pour construire des sabres très puissants. Sauf que la tache en question n’est pas si simple : déjà, ça coûte très cher. Les meilleurs katanas sont sans nul doute les objets les plus chers du jeu, puisque certains peuvent grimper jusqu’à 270 ryo, une somme astronomique par rapport à l’argent gagné durant l’aventure. Qui plus est, les ingrédients nécessaires à la fabrication sont parfois difficiles à trouver et restent rares. Et comme le fait d’avoir un équipement de qualité est dispensable, il est aisé de laisser ça de côté.
Mais n’oublions pas qu’il s’agit d’un remake. Si la version originale n’est jamais sortie en Occident, les mécaniques étaient déjà présentes dans le jeu de base. Alors, quels sont les ajouts et les changements de ce remake ?
Le premier et le plus gros changement concernent évidemment les graphismes. Il est à noter que le studio a fait le choix d’utiliser l’Unreal Engine 4 pour la première fois. Un choix qui s’explique selon les développeurs par le fait qu’ils cherchaient à avoir un bon rendu de jour, chose rendue plus difficile par le moteur maison, le Dragon Engine. Ce dernier était pensé pour sublimer le quartier nocturne de Kamurocho, rempli de néons. Mais Like A Dragon Ishin, tout comme l’original (qui a été développé avec un autre moteur que le Dragon Engine lui aussi, se déroule principalement de jour. Le changement de moteur semblait donc totalement opportun pour bénéficier d’une meilleure qualité visuelle.
La refonte visuelle complète aboutit à de superbes cinématiques, avec un travail sur les visages et les expressions faciales dont seul Ryu Ga Gotoku a le secret. Beaucoup de non-dits passent à travers les expressions des personnages, et la mise en scène est d’une grande qualité. Les nombreuses cinématiques sont toujours un plaisir à regarder. Pour autant, lors des phases de jeu, on reste loin d’une technique exemplaire : certaines textures et personnages secondaires font peur à voir. Le travail sur les lumières se trouve dans les standards actuels, sans être renversant. Le jeu est bien plus beau que l’original, sans être pour autant une claque visuelle. Par contre, du côté des performances, le jeu est un sans faute : il tourne merveilleusement bien. Aucun ralentissement, les 60 FPS sont stables peu importe ce qui est affiché.
Pour finir, il faut savoir que certains visages ont été modifiés. Like A Dragon Ishin étant sorti avant Yakuza 0 et Yakuza 6, les développeurs ont choisi de changer quelques têtes pour intégrer des personnages iconiques de ces deux jeux. Difficile d’en dire plus sans gâcher la surprise, mais les fans devraient rapidement trouver les personnages concernés.