L’homme-araignée est probablement l’un des superhéros les plus célèbres. Et c’est peu de le dire, avec déjà neuf films et bien plus de jeux centrés sur lui, il a la cote. Mais combien d’œuvres peuvent prétendre être qualitatives ? En réalité, assez peu. Insomniac Games est venu renverser la table avec sa proposition sur PS4 en 2018, qui débarque aujourd’hui sur PC. Les portages PC des exclusivités Sony sont généralement de qualité, peut-on en dire autant de ce Spider-Man ?
Histoire de contextualiser un peu ce remaster sur PC, parlons tout d’abord du jeu en lui-même. Commençons par ce qui m’a le plus enthousiasmé dès les premières minutes jusqu’à la fin du jeu : son système de déplacement. Forcément, jouer l’homme-araignée signifie posséder une agilité sans commune mesure. Pour autant, la plupart des précédentes propositions vidéoludiques n’étaient pas toujours réussies à ce niveau-là. Marvel’s Spider-Man réussit avec brio à fournir des déplacements fluides, incroyablement beaux à regarder, immersifs et grisants à contrôler. Pourtant, c’est assez simple : il suffit de maintenir la gâchette de droite enfoncée pour que Spidey tisse sa toile d’immeubles en immeubles, coure sur les murs et voltige dans tous les sens. Toile qui d’ailleurs est constamment réaliste : si vous êtes dans un quartier où les bâtiments sont petits ou dans un parc, ne vous attendez pas à valdinguer à des centaines de mètres de haut. Vous pouvez aussi sauter pour prendre de la hauteur et plonger pour prendre de la vitesse. Il faut un léger temps d’adaptation, mais une fois qu’on l’a en main, le système montre une richesse et une efficacité rarement vue.
Et cette joie apportée par les déplacements est aussi due aux visuels du jeu qui sont simplement sublimes. En particulier sur deux aspects : les graphismes et les animations. Cette version PC donne le meilleur de ce que le jeu a à offrir, mais nous y reviendrons dans la partie consacrée à ce sujet. Spider-Man est un régal pour les yeux, autant grâce aux lumières qui prodiguent une teinte toute particulière à cette ville de New York fictive qu’aux nombreuses gesticulations de Spidey. On s’amuse autant à le voir faire des figures surréalistes qu’à admirer le nombre de détails affichés au loin, preuve d’un travail minutieux d’Insomniac Games. Le nombre de passants, de voitures, d’intérieurs et de bâtiments visibles au loin donne le tournis et immerge complètement dans cette ville, qui, soit dit en passant, possède une taille parfaite – ni trop petite, ni trop grande. De jour comme de nuit, de l’aurore au crépuscule, chaque recoin est un plaisir de découverte et l’exploration est sans aucun doute la partie la plus réussie du jeu.
Non pas que le reste soit mauvais, loin de là. Le scénario, et plus globalement l’écriture, offre une aventure divertissante tirée principalement des comics. Dans Marvel’s Spider-Man, on ne retrouve pas d’acteurs connus comme Toby Mcguire, Andrew Garfield (bien que c’est sa voix française qui le double dans le jeu) ou Tom Holland. D’ailleurs, pour le remaster, Insomniac a changé d’acteur concernant Spider-Man :
Afin d’offrir les meilleures performances aux joueurs de nos jeux Marvel’s Spider-Man de nouvelle génération, nous avons refondu le visage de Peter Parker. Nous avons adoré travailler avec John Bubniak sur le jeu original ; cependant, pour obtenir une meilleure correspondance avec la capture faciale de Yuri Lowenthal, l’acteur de Peter Parker/Spider-Man, nous avons choisi Ben Jordan comme modèle facial de Peter Parker sur la console PS5. Il est incroyable dans le jeu, et les performances émouvantes de Yuri prennent une nouvelle vie.
Tout ça pour dire que ceux qui s’attendent à retrouver les acteurs des films vont être déçus. Il en va de même pour l’univers créé spécifiquement pour le jeu et qui s’étend bien au-delà de ceux des films en se rapprochant beaucoup plus des comics. On retrouve des méchants inconnus dans les films mais célèbres dans le matériau original comme Vulture, Electro, le Caïd, Black Cat, etc. Un choix pertinent : ceux ayant seulement vu les adaptations peuvent en découvrir un peu plus, tandis que les fans trouveront une pléthore de références qui leur feront sans aucun doute plaisir. Le scénario évite l’habituelle origin story et place le joueur dans un cadre assez particulier. Peter Parker, alias Spider-Man, bosse régulièrement avec la police, aide bénévolement sa tante May qui bosse dans un refuge pour sans-abris et le docteur Octavius a réaliser des avancées scientifiques majeures. Jusqu’au jour où l’apparition d’un gang appelé les Démons vient mettre la ville sens dessus dessous, avec comme point culminant une attaque sur le Maire, Norman Osborn. Je ne vais pas trop en dévoiler, mais l’histoire devient intéressante après une longue mise en place et offre un joli spectacle.
Appuyées par une mise en scène dotée de quelques fulgurances – la course-poursuite avec l’hélicoptère en est sûrement le meilleur exemple –, les aventures de Spidey forment un fil rouge culminant dans son dernier tiers. Tout au long de l’aventure, les dialogues de l’homme-araignée sont plutôt bien écrits et son caractère blagueur rythme chaque instant. Dans l’ensemble, on sent le soin apporté par Insomniac Games sans pour autant être transcendé. Marvel’s Spider-Man est de ce côté-là du même acabit que les films, on en ressort satisfait sans avoir l’impression d’avoir assisté à la naissance d’une œuvre qui marquera les anales.
Et enfin, un autre des éléments fondamentaux est lui aussi réussi, à savoir les combats. Le jeu ne cherche pas bien loin son inspiration puisque son système de combat est quasiment un copié-collé de la série des Arkham. Tout comme Batman, Spider-Man attaque, esquive, possède un sixième sens lui indiquant les attaques sur le point de le toucher, utilise des gadgets pour immobiliser les ennemis et dispose d’un combo grandissant à chaque coup porté. Mais à la différence de la chauve-souris, l’araignée dispose d’une agilité hors du commun qui lui permet de virevolter entre chaque ennemi avec une aisance impressionnante. On passe d’un adversaire à l’autre avec grâce, on esquive les balles et les roquettes, et on marave la tronche aux malfrats avec style. Il en existe de plusieurs sortes : des bandits basiques, des gros durs qu’il faudra d’abord immobiliser avec une toile, certains avec des boucliers, d’autres avec des armes à feu. Toute cette jolie bande oblige Spidey à abuser de ses créations comme la bombe de toile pour immobiliser un groupe d’ennemis, la toile électrique ou encore les pièges de toile qui met automatiquement à terre un méchant pas beau. Qui plus est, on peut aussi comboter confortablement en envoyant les ennemis en l’air ou encore en utilisant le pouvoir spécial d’une tenue débloquée. Les combats offrent moult stratégies et deviennent un plaisir dès lors qu’on possède plus d’une corde à son arc.
Mais comme vous avez l’habitude de me l’entendre dire si vous me lisez régulièrement, tout n’est pas rose, loin de là. À commencer par le scénario, qui devient certes intéressant au bout de quelques heures, mais dispose d’une introduction beaucoup trop longue. Les vrais problèmes ne se dévoilent qu’à la moitié du jeu, laissant ainsi la première partie errer d’objectifs inintéressants en problèmes secondaires. Il faut s’accrocher longtemps pour découvrir ce que raconte réellement Marvel’s Spider-Man. Et ce n’est pas tout. Les combats aussi subissent ce problème de rythme. Durant les 3/4 de l’aventure, ils sont victimes d’une répétitivité imposée par le manque d’outils à notre disposition. Quel dommage de ne pouvoir en profiter pleinement seulement dans les derniers moments du jeu. Profitons-en pour aborder les combats de boss, qui sont anecdotiques. Le principe ? Attendre une ouverture en esquivant des attaques qui sont toujours les mêmes, et cogner. Répéter ce schéma trois ou quatre fois jusqu’à la fin de l’affrontement. Et ce ne sont pas les boss en duo qui changeront quoi que ce soit. C’est d’autant plus dommage d’assister à des affrontements aussi mous que la mise en scène de certains d’entre eux est particulièrement réussie. Pour en revenir au scénario, un autre problème m’a interloqué durant la dizaine d’heures que dure le jeu : la relation avec Mary-Jane. Pourtant, ça partait du bon pied avec une situation rarement vue dans l’histoire de l’homme-araignée, puisque l’aventure commence alors que le couple a rompu depuis quelques mois. Mais tout au long de l’intrigue, leur relation évolue de façon à enchaîner les clichés et tomber dans une romance mièvre et franchement peu intéressante.
Justement, en parlant de MJ, abordons un autre gros problème : les phases d’infiltrations. À plusieurs moments dans le scénario, on incarne MJ et Miles Morales pour s’infiltrer à certains endroits. Et je dois bien avouer ne pas comprendre la démarche car ces séquences sont tout bonnement inintéressantes. L’idée est sans doute de nous faire ressentir le sentiment d’impuissance pour ensuite apprécier encore plus les talents de Spider-Man. Sauf que, ça amène en général plus de frustration et de situations rocambolesques que de réelles inquiétudes pour les personnages. Parce qu’elles se résolvent assez facilement : quelques rares exceptions mises à part, il suffit la plupart du temps d’avancer sans se soucier des gardes. Le temps qu’ils mettent à nous repérer donne la possibilité d’aller à l’objectif qui déclenche un script et réinitialise leur suspicion. On se retrouve donc face à des phases qui mettent seulement en avant l’idiotie de l’IA et qui n’apportent rien en termes de gameplay.
Mais Spider-Man himself a lui aussi des phases d’infiltration. Sans être du niveau catastrophique de celles des autres personnages, il faut bien avouer qu’elles n’apportent pas grand-chose non plus. C’est une fois encore un copié-collé de ce qu’on trouve dans la série des Arkham. On se promène en hauteur en attendant le bon moment pour attraper les ennemis isolés, jusqu’à ce qu’il n’en reste aucun ou qu’on souhaite plutôt jouer à la bagarre. Entendons-nous bien : ces séquences ne sont pas mauvaises en soi. Le gameplay est simple et efficace, c’est amusant d’essayer d’être discret et comme pour le reste, les animations sont sublimes. Seulement, le problème réside dans leur facilité. Comme on dispose de la capacité de scanner les environs pour voir où se situent les ennemis et surtout de savoir si les mettre K.O est dangereux ou non, ça enlève tout le challenge. Il arrive souvent qu’ils soient en groupe de deux ou trois, il suffit alors de créer une diversion en tirant une toile sur un élément du décor pour ensuite vérifier s’ils sont dans le champ de vision de quelqu’un d’autre, avant de les enfermer dans un cocon suspendu au plafond. Résultat : on avance, on scanne, on prend les éléments isolés, on crée une diversion et on entoile ceux qui s’écartent. On répète ce schéma jusqu’au dernier garde, et voilà.
De la même manière, cette reproduction de la ville de New York est loin d’être ingrate. Les activités annexes sont variées sans pour autant être oppressantes et octroient même quelques séquences intéressantes. Par exemple, il arrive fréquemment qu’un groupe de bandit sévisse dans un quartier, ou qu’ils s’enfuient en voiture. Il nous incombera donc la tâche de les arrêter à travers en général une course poursuite suivie de QTE. Ou encore les défis qui représentent des bombes à désamorcer ou des drones à suivre. Ou encore la récupération de collectibles comme des sacs à dos ou le fait de photographier des monuments. Beaucoup de choses à faire, c’est certain. Ces objectifs tertiaires offrent par ailleurs des récompenses qui débloquent des améliorations, affichant là aussi un aspect pseudo-RPG dont le jeu se serait bien passé. Mais comme beaucoup de monde ouvert de ces dix dernières années, on reste encore coincé dans le modèle imaginé par Assassin’s Creed. Des tours à activer pour voir la carte, des camps de bandits et d’autres éléments qui appellent sans cesse cette impression de déjà-vu. Marvel’s Spider-Man n’est pas le plus mauvais des élèves, mais c’est tout ce qu’il est : un énième monde ouvert appliquant une formule poussiéreuse qui voit désormais de nouveaux modèles émerger comme Elden Ring ou Breath of the Wild. Et il est dommage d’observer un travail d’orfèvre sur la qualité visuelle pour finalement n’en faire qu’un terrain propice à des activités trop classiques pour être appréciables.
Mais nous sommes là pour parler de la version PC, alors parlons-en. Marvel’s Spider-Man est une première dans les portages PC des exclusivités Sony : il est porté par Nixxes, racheté par le constructeur en 2021. Une lourde tâche pour le studio qui réussit à proposer de nombreuses options graphiques et un support complet des technologies Nvidia et AMD avec le RTX, le DLSS, le DLAA et le FSR. Il n’y a pas grand-chose à redire sur le travail effectué : la plupart des résolutions sont prises en charge et beaucoup d’options graphiques permettent d’optimiser le jeu à sa convenance (on parle quand même d’une option de rendu des cheveux !). Les joueurs PC peuvent s’amuser à bidouiller autant qu’ils le souhaitent et obtenir un résultat performance/satisfaisant. Le ray-tracing est plus propre que celui sur PS5, et en plus quelques options de confort viennent s’ajouter. Le support des manettes Xbox est pris en charge, de même que celui de la DualSense qui permet même de profiter des retours haptiques et des gâchettes adaptatives si elle est branchée en USB au PC.
Alors, que demander de plus ? Et bien, des performances décentes pour atteindre le rendu de la PS5. Et c’est là que le bât blesse, parce que Marvel’s Spider-Man est gourmand, très gourmand. Pour en profiter dans de bonnes conditions, il va falloir allier carte graphique de dernière génération et processeur robuste. Sur ma config relativement musclée (RTX 3080, AMD Ryzen 7 3800x, 32 Go de RAM, installé sur un SSD), le jeu en 4K RTX et DLSS activé subit de grosses chutes de framerate. Il m’a fallu redescendre en 1440p et diminuer la qualité du ray-tracing pour enfin obtenir l’équilibre entre performances et fluidité. La faute sans doute à mon CPU un peu faiblard : l’option de distance d’affichage de la géométrie demande énormément de calculs et s’avère indispensable pour une bonne qualité visuelle. Ce monde ouvert pèse lourd à cause de plusieurs options graphiques et demandera sans aucun doute un effort titanesque aux configurations modestes. Le DLSS peut aider, mais il ne fait pas de miracles et ne sauvera pas les cartes graphiques les plus à la ramasse.