Cyberpunk 2077, Ghostrunner, Cloudpunk, Bomb Rush Cyberfunk, Disjunction, Nobody Wants to Die… C’est peu de dire que le genre cyberpunk revient sur le devant de la scène depuis quelques années, ou s’avère du moins un genre prolifique pour l’imagination des développeurs. Parler de la désuétude du genre dans une époque accablée par le réchauffement climatique exigerait bien trop de détours, alors attardons nous plutôt sur la dernière proposition en date : Neon Blood.
Sorti quelques mois seulement après Nobody Wants to Die, Neon Blood marche dans les mêmes traces, en ayant pourtant un contexte de développement totalement différent. Il raconte l’histoire d’Axel McCoin, anciennement brillant inspecteur de police devenu médiocre, sans doute à cause de son addiction à la drogue du coin, le Spark. En 2053, dans les rues mal famées de Blind City, peu sont capables de se dire blancs comme neige. Mais il va devoir sortir la tête du guidon, car une mystérieuse tueuse en série, armée de son katana, trucide à tour de bras les ingénieurs de la grosse boite du coin…
Vous avez une impression de déjà-vu ? C’est normal. Neon Blood ne s’enquiquine pas à aller chercher l’originalité, il pioche dans tout ce qui existe déjà pour poser les bases de son univers et de son scénario. Il va même jusqu’à citer ses inspirations, puisqu’on peut croiser Johnny Silverhand au détour d’une rue, et pleins d’autres encore croisés ailleurs.
Ce sentiment de mélange difforme de moults ɶuvres ne disparaît jamais vraiment. Pire encore, il s’accentue au fil des trois heures que durent l’aventure. Parce que l’histoire ne fait qu’aligner les clichés les uns après les autres : le flic amnésique, une « ville poubelle » pour citer le protagoniste, une méchante qui a peut-être un rapport plus profond que ce qu’on croit avec le personnage principal, une PDG aux intentions transparentes… Évidemment qu’il est difficile de se déterminer comme appartenant à un genre sans en reprendre les codes, mais on atteint ici le summum de l’univers creux, sans aucune authenticité. C’est simple : à aucun moment on n’est dedans, à aucun moment le monde semble avoir une vie propre ou un minimum de crédibilité. On est dans du cyberpunk, on le sait, le jeu le sait, et on a pas besoin de plus qu’une ville divisé entre beaux et bas quartiers. Un cadre éculé ne suffit pas à disqualifier une oeuvre ; le fait de se reposer uniquement dessus… un peu plus. Nobody Wants to Die faisait largement mieux de côté-là.
D’autant plus que le scénario n’apporte aucune changement à ce ressenti. Là encore, l’histoire est dépourvue d’intérêt, téléphonée à des kilomètres, avec des dialogues fades et des blagues pas drôles. Pourtant, on retrouve à l’écriture Paco Bescós, un écrivain et romancier espagnol spécialisé dans le genre policier. Peut-être était-il en panne d’inspiration, ou pire encore, pas suffisamment à l’aise avec le genre pour sortir de l’ombre de ses inspirations. Quoiqu’il en soit, le résultat est inintéressant à souhait. McCoin est exaspérant, le chef de la police transparent, l’antagoniste sans aucune épaisseur, les personnages rencontrés oubliables. Quelques éléments pourraient être intéressants, mais ils sont soit survolés, soit traités avec le même ton faussement dramatique, qui ne fait que rendre chaque passage ridicule. On a l’impression que l’écriture se veut premier degré, mais qu’elle ne peut être découverte qu’au trentième. Un problème dont souffrait aussi Nobody Wants to Die, d’ailleurs. Mais au moins, on était intrigué, et on avait quelques bonnes surprises. Là, on connait la fin dès le premier tiers du jeu terminé.
Faut dire aussi que Neon Blood n’est pas aidé par la traduction. Si vous aviez dans l’idée d’essayer le jeu en français, passez votre chemin si vous êtes anglophobe, ou basculez directement dans la langue de Shakespeare pour pouvoir réellement profiter de ce que le jeu a à offrir. On ne peut pas vraiment en vouloir à une équipe de trois personnes qui n’avaient sans doute pas le budget nécessaire pour engager un traducteur, mais l’utilisation de Google Traduction se ressent dans presque chaque ligne de dialogue. Il n’est pas rare de lire des phrases comme « Ne me viens pas avec des conneries sentimentales ; je m’en fous », avoir « exprimez » au lieu de parler au-dessus des personnages à qui l’on souhaite s’adresser, ou autres propos totalement incohérents en français. Il arrive même parfois que certaines phrases ne soient pas traduites. L’expérience n’était déjà pas réjouissante, elle en devient indigeste.
Alors, que reste-t-il à Neon Blood pour réussir à vous convaincre d’embarquer ? Ses néons, probablement. Visuellement, le jeu a de bonnes idées en mélangeant voxel et pixel-art traditionnel, processus qui rappelle le très attendu Replaced ou l’arlésienne The Last Night. À vrai dire, c’est cette direction artistique qui m’a poussé à m’intéresser au jeu, et je n’ai pas été déçu sur ce point : les décors sont très beaux, même s’ils manquent quelque peu de diversité. Bon, ils manquent parfois aussi de lisibilité, et il m’est fréquemment arriver de me cogner contre des objets ou des passants. Mais dans l’ensemble, rien qui n’empêche de profiter de l’ambiance.
Malheureusement, le gameplay n’est pas aussi affriolant. La majorité du jeu consiste à aller à un point A, engager un dialogue, faire un scan, engager un nouveau dialogue, combattre, aller à un point B, etc.
Le premier point noir dans cette boucle de gameplay réside dans les trop nombreux allers-retours imposés par le jeu, parfois pour des raisons absurdes. Tiens, un exemple : on arrive dans un lieu à la recherche de quelqu’un. En parlant au hasard avec différentes personnes, l’une d’entre elle finit par me dire qu’un cadavre gisant dans un coin de la rue était la personne que je recherche. Je vais donc examiner son corps, puis McCoin se dit que finalement, la personne doit avoir plus d’infos. Je retourne donc la voir pour qu’elle baragouine quelque chose d’incompréhensible et ne me donne… aucune info, ce qui pousse McCoin à se dire qu’il les trouvera lui-même et nous force donc à revenir voir le cadavre. C’est un exemple tout bête mais qui montre bien que Neon Blood se fiche de nous faire perdre plusieurs minutes sans aucune raison valable. Ça n’approfondit pas le lore, ni les personnages, ni ne apporte quoi que ce soit. C’est juste un dialogue vide, et l’obligation de voir McCoin courir à deux à l’heure.
Quant aux combats, l’idée aurait pu avoir du potentiel mais le jeu n’en tire jamais profit. On est face à des combats en tour par tour, avec les habituelles possibilités attaques, compétence, défense et objet. Une compétence de soin et une qui permet de faire un critique, une attaque qui dépend d’un lancer de dés (1d8 pour être exact), une défense pour bloquer et des objets à récupérer qui fournissent des bonus et…voilà. Au final, j’ai terminé le jeu en enchainant uniquement les attaques et les soins. Aucune profondeur, aucune stratégie, rien. Juste attaque, attaque, soin, attaque, attaque, soin, et ainsi de suite.
Reste alors les quelques cinématiques animées qui sont vraiment sympathiques, et quelques combats chorégraphiés – même s’ils imposent des QTE (oui, des QTE en 2024) – agréables à regarder grâce à leur mise en scène plus travaillée que le reste. Mais je pense que vous l’aurez compris : Neon Blood ne me laissera pas de souvenir impérissable.