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  • Test Nobody Wants to Die - Deckard, c'est toi ?

    Par DonBear
    Publié dans Tests
    10 août 2024
    6 min de lecture

    La pluie. Toujours la pluie. Le bruit tonitruant de la ville infinie. Des grattes-ciels empilés sur des grattes-ciels, des hauteurs qui dépassent l’entendement. Des voitures volantes, des routes imaginaires en trois dimensions. Tel les étoiles dans le ciel, les néons des enseignes semblent partout. La mort nulle part. Le plus grand rêve de l’humanité enfin atteint, l’homme s’est rapproché de Dieu et à dépassé sa condition de mortel. Et pourtant, elle survient lorsqu’on s’y attend le moins. Un détective. Un vieux de la vieille, un de ceux à qui on la fait pas. Et surtout, le futur a beau être le futur, l’homme a beau être au pic de la technologie, il n’a jamais réussi à supprimer ce qui condamne les cités, les empires, les royautés ou les démocraties : l’injustice.

    Vous reprendrez bien un peu de cyberpunk ?

    Cette introduction correspond bien au pitch de Nobody Wants to Die. Pour son premier jeu, le studio polonais Critical Hit Games a voulu nous plonger dans un monde cyberpunk à l’ancienne : une ville stupéfiante, remplie de voiture volantes, où le sol n’est même pas visible. Une nuit constante, des pics de pollution dangereux, des quartiers riches surplombant les quartiers pauvres. Pas de doute, le monde va mal. Et pourtant, l’être humain a réussi la prouesse qu’il convoitait tant : en finir avec la mort. Grâce à une technologie permettant de stocker sa conscience dans une banque mémorielle, il est désormais possible de passer d’un corps à un autre. Du moins, si on en a les moyens : il faut souscrire à un abonnement coûteux… Et obligatoire. Sinon, votre conscience est simplement stockée dans un état léthargique, et votre corps vendu au plus offrant.

    Dans ce monde peu enviable, on incarne James Karra, un vieux flic qui vient récemment d’obtenir un nouveau corps après avoir frôlé la mort. Il est chargé d’enquêter discrètement sur un événement des plus étranges : un des hommes les plus riches de la ville, Edward Green, est retrouvé mort. Mort… Mort. Pas de transfert de conscience possible. Avec l’aide de sa nouvelle coéquipière Sara Kai et d’un outil lui permettant de revoir des scènes du passé, James va devoir plonger dans les secrets des hautes sphères pour démasquer le coupable et comprendre ses motivations.

    Screenshot Nobody Wants to Die

    Alors, bien entendu, à la lecture de ce résumé, vous avez nécessairement des noms qui vous viennent en tête. Sans doute Blade Runner en premier lieu, peut-être Ghost in the Shell, et probablement Altered Carbon. Parce que oui, les deux œuvres partagent un squelette thématique commun : l’évolution de la société après l’émancipation de l’humanité face à la mort grâce à la technologie. Et oui, la trilogie de Robert K. Morgan semble être la principale inspiration de Critical Hit Games tant les similitudes sont nombreuses. Et pourtant, la comparaison ne tient pas la route très longtemps : forcément, une expérience vidéoludique de quelques heures ne peut pas apporter une richesse aussi importante à son univers que celle de trois livres entiers. Étonnamment, même au niveau des thématiques, on est sur une séparation nette, que je reproche à Nobody Wants to Die : la route semblait toute tracée pour parler de rapport au corps, de l’importance de la mort dans le cycle de la vie, de dérives qu’apporte une vie qui se compte en centaines d’années, voire d’identité ou de l’évolution d’une société immortelle avec, par exemple, la gestion du taux démographique. Non, rien de tout ça dans le jeu, ou en tout cas pas grand-chose.

    Nobody Wants to Die se concentre quasi exclusivement sur un thème bien précis : la lutte des classes. De ce côté-là non plus, rien de bien révolutionnaire pour peu qu’on s’intéresse au minimum au sujet, mais ne lui jetons pas la pierre parce qu’il réussit malgré tout à tenir la barque durant les 5h que dure l’aventure. S’il ne ressort rien d’original dans le traitement de cette thématique, ça reste bien fait et ce n’est certainement pas ici que je vais reprocher à une œuvre de mettre en évidence une injustice que je considère trop invisibilisée dans notre monde actuel. C’est par ailleurs un élément essentiel du cyberpunk, le thème majeur du plus gros jeu du genre à l’heure actuelle, Cyberpunk 2077. Rien d’étonnant donc à ce qu’il prenne autant de place dans Nobody Wants to Die.

    Screenshot Oxenfree II

    Ceci étant dit, le scénario lorgne beaucoup plus vers le polar noir que les jeux cyberpunk récents. Là, on plonge tout entier dedans, sans aucune retenue. On a droit à des monologues qu’on croirait tout droit sorti des classiques du genre, clope au bec face à la nuit pluvieuse. Non pas que ce soit dérangeant, bien au contraire, car ça contribue à l’ambiance globale du jeu. Mais c’est un genre tellement vu et revu, tellement éculé et bourré de clichés, qu’on ne sait plus si on doit le prendre au premier ou au second degré. Le vieux flic proche de la retraite, traumatisé par un événement antérieur et la perte d’un proche, et la jeune inexpérimentée qui enquête malgré les avertissements de leur chef, remontant la trace d’un tueur dans un environnement rempli de ripous et de riches escrocs qui usent des règles établies en société pour les contourner, ça pourrait être le synopsis d’un millier de films.

    Nobody Wants to Die raconte une histoire qu’on semble avoir déjà vu mille fois, mais il la raconte bien. Le mystère est bien entretenu tout du long, on s’interroge sur les liens entre les événements. Bon bien sûr, on voit venir à des kilomètres certains éléments, mais le rythme est maîtrisé de bout en bout. Les quelques twists arrivent au bon moment, sans jamais trop en faire. On s’attache aux deux protagonistes, et les choix de dialogue donnent à la fois la liberté au joueur d’exprimer légérement ses propres opinions et hypothèses, et de donner de la consistance à James – qui ne démord pas de son caractère de cochon malgré tout. Choix qui ont en plus des conséquences concrètes sur l’aventure que l’on vit, puisqu’il existe quatre fins différentes. C’est là mon dernier reproche concernant l’aspect scénaristique du jeu : je trouve que seul la « bonne » fin apporte une conclusion claire. Ma première run s’est terminée par une fin mitigée, et surtout une fin qui n’a apporté aucune réponse claire aux interrogations qui s’accumulent durant l’aventure. C’est potentiellement voulu par les développeurs, car on peut considérer que ça contribue à l’ambiance du jeu. Mais dans la pratique, c’est surtout très frustrant de voir le générique défiler sans avoir compris le fin mot de l’histoire.

    Screenshot Oxenfree II

    Un jeu narratif avec de bonnes idées, mais…

    Du côté de la manette, c’est assez simple. Nobody Wants to Die est un jeu narratif, dans la droite lignée des ténors du genre comme Firewatch, Dear Esther ou encore Everybody’s Gone to the Rapture. Entendez par là que vous n’aurez à votre disposition qu’un arsenal d’outils limités, un choix d’action restreint et que vous passerez le plus clair de votre temps à marcher ou regarder James effectuer une action. Ce qui peut devenir un problème, tant le jeu est dirigiste et ne laisse aucune place à la réflexion : lors de l’enquête, vous ne pouvez que suivre les indications données par les personnages. Alors oui, on peut légèrement sortir du chemin tracé, mais on est de toute manière obligé d’y revenir à un moment ou à un autre. Et ce ne sont pas les rapides phases de déductions où on doit placer les bons éléments à côté des uns des autres pour aboutir à une conclusion que le jeu offre réellement la possibilité de se sentir dans les bottes d’un détective : je m’attendais à un jeu d’enquête narratif, et c’est un jeu narratif d’enquête que j’ai eu. La nuance est fine, mais change diamétralement la façon d’aborder cette liberté d’enquêter comme on le souhaite, ou en l’occurrence cette absence de liberté dans le cas présent.

    Une fois qu’on a fait le deuil d’un jeu avec des mécaniques à la Sherlock, on peut commencer à apprécier les bonnes idées des développeurs. Le reconstructeur, cet outil permettant de « reconstruire » une scène du passé, offre d’excellentes sensations manette en main grâce aux effets visuels très réussis. On arrive sur le lieu du crime, on remarque un élément intéressant, on active le reconstructeur, et on voit la scène se dérouler dans une temporalité inversée, à condition de respecter l’ordre établi par l’outil via les touches L2 et R2. Rien de compliqué et l’échec est de toute façon inexistant, mais l’effet marche bien. Ensuite, on utilise des outils plus classiques : les rayons X et les rayons ultraviolets seront vos meilleurs alliés pour remonter une piste. Et de fil en aiguille, on arrive à comprendre la suite d’événements ayant causé la scène finale découverte lors de notre arrivée sur les lieux.

    Screenshot Oxenfree II

    Honnêtement, le gameplay reste très basique, mais rares sont les jeux narratifs ayant pour vocation de bouleverser via la manette plutôt que l’histoire (What Remains of Edith Finch reste l’exception). Pourtant, tout marche très bien grâce au rythme du scénario, et surtout l’appui visuel qui fait de ce Nobody Wants to Die une excellente surprise. Pouvoir contempler une ville similaire à celle découverte dans le film Blade Runner, c’est un plaisir absolu. La ville grouille de détails, de lumières tamisées, et les lieux en intérieur n’ont pas à rougir face à la comparaison. Les textures sont propres, les lumières sublimes, vraiment l’aspect technique est impressionnant, d’autant plus lorsqu’il s’agit du premier jeu des développeurs. Et ce n’est pas tout, le travail sur la direction artistique est tout bonnement excellent, l’ambiance est très immersive grâce aux visuels qui flattent la rétine. Ils contribuent aussi à donner de la vie à James en mettant souvent sa main à l’écran, aussi proche que peut l’être une main d’un œil. Lorsqu’il s’allume une clope, bois un coup ou prend ses cachets comme s’il s’agissait de Tic-Tac – je vous l’ai dit, un cliché sur pattes –, on sent presque sa physicalité. Les scènes d’enquêtes sont elles aussi très agréable grâce à cet effet de remontage de temps très réussi qui marche à la perfection. Les musiques accompagnent parfaitement le tout, bref vous l’aurez compris, Nobody Wants to Die est une franche réussite sur l’aspect artistique.

    Points positifs


    L’ambiance très réussie
    L’excellent doublage
    Les graphismes à la pointe
    La direction artistique, peu originale mais qui en met pleins les yeux
    Les mécaniques de gameplay bien utilisées
    Les choix et leurs conséquences

    Points négatifs


    Trop dirigiste
    Certaines thématiques totalement absentes
    Beaucoup de clichés éculés
    Si on a pas la « bonne » fin, on comprend pas grand-chose

    7
    C'est chouette
    Nobody Wants to Die est un jeu narratif pur jus. Avec son cadre cyberpunk, un rythme prenant et un mystère qui se tient, quelques bonnes idées de gameplay et une direction artistique de toute beauté, les fans du genre devraient aisément y trouver leur compte. Ou presque, car l’absence de certaines thématiques inhérente au genre se fait cruellement ressentir. Quant à ceux qui pensent faire face à un jeu d’enquête, ne vous méprenez pas : Nobody Wants to Die est dirigiste et ne laisse aucune liberté manette en main, si ce n’est les choix de dialogues qui impactent la fin. Un bon jeu narratif, prenant et beau, qui souffre de clichés éculés au bord du ridicule. Et rien de plus.

    Tags

    NarratifPS5

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    Fondateur

    DÉVELOPPEUR :

    Critical Hit Games

    ÉDITEUR :

    PLAION

    DATE DE SORTIE :

    17 juillet 2024

    PLATEFORME :

    PC, Xbox Series et PS5

    PRIX À LA SORTIE :

    24,99

    Testé sur PS5 grâce à un code fourni par l'éditeur

    Sommaire

    1
    Vous reprendrez bien un peu de cyberpunk ?
    2
    Un jeu narratif avec de bonnes idées, mais…

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