Au cas où vous ne seriez pas au courant, One Piece est l’œuvre littéraire la plus lue au monde avec Harry Potter. Rien d’étonnant donc au nombre florissant d’adaptations. À commencer par l’anime fleuve qui dure depuis déjà une vingtaine d’années, avec des films et des OAVs, mais aussi des jeux vidéo. Et là, le constat est plutôt amer : peu d’entre eux valent le détour. Alors quand un jeu est annoncé pour célébrer les 25 ans de la licence, forcément, la curiosité des fans est titillée. Un JRPG en plus, dans le style de Dragon Quest ? Peut-être tenons-nous l’aventure dont on rêve ?
Les fans de One Piece n’ont pas vraiment été gâtés côté jeu vidéo. La plupart sont des musou et des jeux de combat. Et je ne sais pas pour vous, mais à mes yeux, One Piece est surtout une invitation au voyage, avant d’être dans la droite lignée des shonen classiques avec des combats épiques. Mon moment préféré dans chaque arc, c’est toujours la découverte d’une nouvelle ile ou de personnages loufoques. Et ça, on n’a jamais pu réellement le vivre manette en main. Parce qu’il y a bien eu World Seeker qui se voulait être un jeu d’aventure, mais malheureusement, le pari était complètement loupé. La faute à un gameplay peu convaincant, un scénario pas folichon et globalement une aventure assez terne.
J’attendais énormément One Piece Odyssey. Déjà parce que j’avais l’espoir qu’un jeu prévu pour les 25 ans du manga ait un peu plus d’ambition. Mais aussi et surtout parce qu’il est développé par ILCA. Alors quand on regarde le CV, on voit par exemple Pokémon Diamant Étincelant et Perle Scintillante, rien de très rassurant. Mais ça serait dommage de s’arrêter à cette ligne, parce que le studio a aussi participé au développement de Dragon Quest XI, entre autres bons jeux.
Alors quand j’ai lancé One Piece Odyssey, mes attentes étaient plus hautes qu’à la normale. Déjà, parce que les trailers montraient un cel shading un peu plus fin que d’habitude, et aussi parce que le maître Oda s’est chargé lui-même d’écrire l’histoire du jeu. Et dès les premières minutes, on constate que la campagne marketing n’était pas malhonnête : sans être révolutionnaire ou même ce qu’on a vu de plus beau, visuellement, le jeu tient vachement la route. Sans être renversants, la plupart des décors sont agréables à regarder. Certes, la direction artistique est relativement banale, mais la technique s’avère solide. Le chara design est réussi et fidèle au manga, à un détail près : les animations faciales. Les fans le savent bien, les personnages de One Piece sont particulièrement expressifs, et souvent dans des proportions cartoonesques. Mais le rendu du jeu crée un décalage qui ne rend pas vraiment honneur aux personnages. C’est trop statique et souvent ridicule. Ceci étant dit, les cinématiques compensent ce défaut en étant bien modélisées et fluides, tout en reproduisant fidèlement certaines scènes de l’anime. En faisant un petit effort, on pourrait presque se dire qu’on est devant un filler.
One Piece Odyssey pourrait parfaitement s’intégrer comme un arc filler tant l’histoire est proche des aventures habituelles de l’équipage au chapeau de paille. En gros, les mugiwara s’échouent sur une ile après un léger accident qui abime le Sunny. Là, ils y font la rencontre de Lim et Adio : la première utilise son pouvoir pour les priver des leurs, tandis que Adio décide de les aider. Le pouvoir de Lim, qui transforme les capacités des gens en cube, impose aux héros une petite introspection en retournant dans leurs souvenirs. On va donc revivre certains arcs mythiques du manga comme Alabasta, Water Seven ou Marineford. Bien sûr, y regarder de trop près au niveau de la cohérence à de quoi faire souffler. Entre autres choses, la justification qui explique que Crocodile est devenu plus fort parce que l’équipage est devenu plus fort manque assurément de sens. Et puis, c’est assez bateau : les grandes lignes se dessinent rapidement et globalement, on peut deviner la fin dès les premières heures de jeu. Mais malgré tout, le fan service est plutôt efficace : le vent de nostalgie en retrouvant Vivi a instantanément fonctionné sur moi, et les fans du manga trouveront clairement de quoi se remémorer d’excellents passages. Se balader dans Water Seven est tout aussi plaisant, et je pense sincèrement que le meilleur choix a été fait : proposer une aventure originale qui permet de revivre les grands moments du manga.
Par contre, certains passages – comme les retrouvailles avec le Merry – manquent d’impact. C’est sans doute l’une de mes plus grosses déceptions dans le jeu : là où il y avait une autoroute pour satisfaire les fans, il n’y a qu’une mise en scène banale et sans grand intérêt. Que la mise en scène soit tout au plus passable lors de dialogues creux, je peux le comprendre parce que ce genre d’adaptation n’a généralement qu’un budget limité. Mais ce genre d’événements aurait dû bénéficier d’un soin tout particulier. Malgré cette déception, l’histoire emporte malgré tout, sans aucun doute grâce à la présence des seiyuu de l’anime. On retrouve les voix japonaises habituelles de Luffy, Zorro, Sanji, Nami, et même du narrateur ! Voilà de quoi donner de la crédibilité au jeu. Et même si on n’a pas les musiques de l’anime, on ne perd pas au change grâce au compositeur Motoi Sakuraba, connu notamment pour les musiques des Souls et des Tales of. C’est typé JRPG, mais ça marche à la perfection et ça s’écoute sans déplaisir.
Du coup, les gens qui ne connaissent pas One Piece passeront sans doute à côté de l’histoire, malgré la présence de résumés. Mais qu’en est-il des fans de JRPG, est-ce qu’ils peuvent trouver leur compte ? Bah, en fait, c’est compliqué. Parce que dans One Piece Odyssey, la gestion des personnages est plus que limitée, et ceux qui aiment passer des heures à optimiser équipement et compétences vont rapidement être déçus. Pour l’équipement, on a simplement une sorte de Tetris où chaque équipement prend un nombre de cases qu’il faut réussir à agencer pour avoir le plus de bonus possible. Même si ça paraît logique de ne pas retrouver une gestion aussi poussée que dans un Dragon Quest, on reste malgré tout sur notre faim. Et il en va de même pour tout ce qui est amélioration de compétences : grosso modo, lors de l’exploration, on récupère des cubes attachés à chaque personnage qu’on peut ensuite utiliser pour rendre une compétence plus puissante. Ne vous attendez donc pas à trouver un sphérier ou tout autre concept poussé. Odyssey n’a de JRPG que les combats.
Et de ce côté-là justement se mélangent de nombreuses idées. À commencer par le système de faiblesses triangulaire à la Fire Emblem : chaque personnage possède soit l’attribut force, vitesse ou technique. La force bat la vitesse qui bat la technique qui bat la force. Mais en plus de ça, il y a aussi les faiblesses associées à un élément : par exemple, certains ennemis sont sensibles à un type d’attaque spécifique, outrepassant au passage la structure de base. Mais en plus de ça, il y a aussi ce que le jeu appelle les zones de combats. Durant chaque affrontement, l’équipe et les ennemis seront placés sur trois zones distinctes. Pour qu’un personnage puisse attaquer un ennemi situé dans une autre zone que la sienne, il faut soit qu’il n’ait pas d’ennemis en face de lui, soit qu’il possède une attaque à distance. Sauf si vous décidez d’interchanger des membres de l’équipe, mécanique utilisable à volonté. Avec tous ces systèmes mélangés, les combats deOdyssey font assurément partie de ses points forts.
Mais c’est à contrebalancer avec le fait que le jeu est beaucoup trop facile. One Piece Odyssey n’offre quasiment jamais de challenge, et donne l’impression d’avoir implémenté moult mécaniques inutiles puisqu’elles s’avèrent régulièrement dispensables. Excepté certains combats de boss rendus plus ardus par la barre de vie interminable de l’ennemi, vous roulerez sans soucis sur tout ce qui vous barre la route. L’avantage, c’est que le grind est optionnel, sauf quand il s’agit de passer ces pics de difficultés. L’inconvénient, c’est qu’on ne se sent jamais obligé d’utiliser toute la panoplie d’options possibles pour vaincre.
D’ailleurs, on peut aussi appliquer ce constat aux donjons. Si le terme « donjon » est un peu fort pour parler de ces niveaux, il résume néanmoins l’idée de traverser une zone remplie d’ennemis et de quelques énigmes. Mais comme pour le reste, Odyssey semble s’adresser aux enfants : jamais, ô grand jamais vous ne vous prendrez la tête de désespoir face à un problème intellectuellement insoluble. Ici, il s’agit d’appuyer sur un bouton pour faire passer de l’électricité dans une porte ou de trouver des interrupteurs. En somme, utiliser le mot « énigme » semble disproportionné, à raison.
Comme dans tout bon JRPG qui se respecte, on retrouve moult activités secondaires. Vous pourrez partir à la chasse à la prime, cuisiner, faire la fête, et occasionnellement aider la veuve et l’orphelin. Rien de bien transcendant de ce côté-là. Par contre, il est à noter que le jeu contient de nombreuses options de conforts qui font plaisir : accélération et automatisation possible des combats et la course automatique rendent le potentiel farm plus rapide et moins fastidieux.