Lorsqu’il sort en 2016, Oxenfree surprend par l’efficacité de sa narration. Non pas que le scénario en lui-même soit d’une grande originalité : on incarne Alex, un adolescent qui va vivre une nuit pas comme les autres sur une île militaire abandonnée en ouvrant une porte spectrale. De bonnes idées et surtout une excellente conclusion rendent l’histoire plaisante à suivre, sans pour autant être du grand art. Non, tout le sel d’Oxenfree réside dans la fluidité des dialogues, leur donnant une tonalité particulière. À l’inverse de la grande majorité des jeux, les échanges s’enchaînent rapidement, les phrases se coupent et se reprennent, ça fuse dans tous les sens sans qu’on perde à aucun instant le fil de la conversation. Oxenfree propose des dialogues qui semblent naturels, réels. C’est assurément sa plus grande force, au-delà de sa direction artistique charmante ou ses personnages attachants.
Mais le studio ne s’est pas arrêté là. Le jeu suivant, Afterparty, utilise le même concept. Sauf qu’à ma propre surprise, je n’y trouvai pas mon compte. L’idée de base est plutôt sympa : Milo et Lola, deux jeunes gens récemment décédés, doivent réussir à battre Satan à un jeu d’alcool s’ils souhaitent revenir sur Terre. Totalement décalé dans son concept, le jeu m’a cependant paru trop lisse, trop fade. Les personnages sont peu intéressants, et malgré la qualité indéniable de la narration, la sauce n’a pas pris. Au point même où il m’est tombé des mains avant d’en voir le bout.
Alors pour Oxenfree II, la curiosité était de mise tout en restant sur ses gardes. Il ne faisait aucun doute que retrouver l’univers du jeu – qui n’est certes pas très marqué, mais suffisamment efficace pour créer une ambiance – me faisait très envie. Savoir ce que les développeurs ont à raconter après la fin du premier opus, retrouver cette narration si fluide. Mais Afterparty existait bel et bien ; était-ce un simple faux pas ou la nouvelle direction à suivre ?
Oxenfree II raconte l’histoire de Riley qui retourne sur son île natale pour étudier la présence d’étranges phénomènes. Très vite, ces événements surnaturels vont dévoiler quelque chose d’une ampleur bien plus grande. Difficile d’en dire plus sans gâcher la surprise, mais les fans du premier trouveront assurément leur compte. On retrouve cette ambiance particulière et ce basculement dans le fantastique qui était particulièrement réussi dans le premier Oxenfree. C’est traité ici avec un peu moins de subtilité, puisque le jeu bascule rapidement dans l’inattendu, avec certaines séquences parfois cryptiques.
Parce que ce qui faisait le charme du premier se trouve de nouveau bien présent : les dialogues sont naturels et dynamiques. Il faut parfois être relativement vif pour réussir à répondre dans les temps à une phrase balancée dans une simple discussion, mais c’est justement cet enchaînement rapide qui apporte ce côté vraisemblable. Les personnages sont crédibles, les dialogues agréables, et la patte de Night School est toujours aussi plaisante.
Un plaisir grandement dû au travail sur les doublages qui est irréprochables. Les comédiens sont tous très bons et participent vivement à l’ambiance du jeu. Au moins tout autant que les musiques, qui sont – comme dans le premier – discrètes mais parfaitement raccord avec l’atmosphère emplie de mystères. Vraiment, tout l’aspect artistique d’Oxenfree II est un sans faute, puisque la direction artistique réussit avec brio à retrouver le charme du premier opus. Petit point à noter tout de même pour ceux ne maîtrisant pas l’anglais, les voix sont seulement disponibles dans la langue de Shakespear. Il est parfois difficile de suivre une discussion en lisant uniquement les sous-titres, mais le niveau requis pour comprendre est relativement bas. En mixant lecture de sous-titres et écoute, vous devriez vous en sortir sans problème.
Du côté du gameplay, on retrouve la fameuse utilisation de fréquence, avec cette fois l’utilisation d’une radio pour discuter façon Firewatch avec plusieurs personnages. Les quelques mécaniques s’intègrent parfaitement au récit, et les mini-jeux sont à la fois simples et sympathiques visuellement, sans pour autant casser trois pattes à un canard. Tout comme son prédécesseur, Oxenfree II est un jeu principalement porté sur sa narration : en tant que joueur, vous passerez la majorité du temps à déplacer Riley, avec quelques fois des sortes de petites énigmes à résoudre.
Un scénario prenant, mais qui est de temps en temps difficile à suivre. Là où le premier intégrait petit à petit des éléments fantastiques, créant du mystère tout en développant doucement son intrigue, Oxenfree II part directement dans l’étrange et donne rapidement lieu à des scènes difficiles à comprendre. Je parlais plus haut de quelques passages cryptiques, et j’ai trouvé que certains d’entre eux étaient intégrés au forceps, brisant le rythme pourtant maitrisé la plupart du temps. J’ai parfois levé un sourcil face à quelques séquences n’apportant pas grand-chose au scénario, si ce n’est l’accentuation de l’ambiance mystérieuse.
Ce qui contribue à un problème plus global, à savoir le manque de découverte. Dans le premier Oxenfree, on ne savait pas vraiment où on mettait les pieds. On ne savait pas où l’histoire nous emmenait, et ça rendait l’histoire passionnante à suivre. Ici, les bases sont posées dès le début. L’avantage, c’est que ceux n’ayant pas fait le premier comprendront sans mal le scénario, excepté quelques références. L’inconvénient, c’est qu’on perd toute la force évocatrice du premier.
Un autre souci, plus pragmatique cette fois, concerne le lieu. Oxenfree II nous fait traverser de bout en bout une île relativement grande. Le problème, c’est que le scénario nous force à faire de nombreux allers-retours sans aucune possibilité de voyage rapide. Un choix logique puisque ce sont durant les déplacements que se déroulent les dialogues, mais qui s’accompagne donc d’un sentiment de redite très présent. Passer trois fois devant la même maison donne vite l’impression de tourner en rond.