Parlons sans détour : le Vaillant Petit Page, traduction du nom original The Plucky Squire, a de quoi faire tourner de l’oeil avec seulement quelques secondes de trailer. Sa direction artistique enchanteresse et les idées de game design qu’il semble proposer m’ont immédiatement rappelé It Takes Two. Mais alors, reste une question en suspend : est-ce qu’il peut plaire à un autre public que les enfants ?
Dès le premier regard, le Vaillant Petit Page fait étalage de sa plus grande force : sa beauté artistique. L’univers du jeu mélange habilement des styles graphiques en deux dimensions, rappelant les illustrations des livres pour enfants, et des environnements en 3D, où les textures sont certes pas incroyables, mais elles donnent vie aux objets du quotidien grâce à cette fracture visuelle. La transition entre les deux mondes est fluide, étonnamment bien intégrée, et elle crée un sentiment constant d’émerveillement. En somme, c’est le genre de jeu où on a envie de prendre des screenshot en rafale.
Le soin apporté aux détails est impressionnant. Les pages du livre où commence l’aventure, ornées de typographies élégantes et d’illustrations charmantes, contrastent parfaitement avec le monde tridimensionnel. Une fois dans cet univers 3D, on explore des environnements inspirés de jouets et d’objets domestiques : des tasses en céramique, des boîtes en carton et même des crayons prennent vie, évoquant les meilleurs moments de Toy Story.
Ce qui élève vraiment ce Vaillant Petit Page, c’est sa capacité à surprendre. On croit avoir tout vu, puis une nouvelle idée surgit. Typiquement, quand j’ai dû me battre contre une elfe dans une carte Magic, autant dire que je ne l’avais aucunement anticipé. Le jeu mélange moult styles, tous maitrisés, et c’est un plaisir de les découvrir.
En plus de son esthétique, le Vaillant Petit Page se démarque par sa proposition de gameplay hybride. On commence en 2D, à explorer les pages d’un livre, avant de littéralement en sortir pour découvrir un monde en 3D. Cette mécanique centrale est brillante dans son concept : chaque monde présente des opportunités pour mélanger les deux dimensions, et on se retrouve à devoir passer d’un monde à l’autre pour progresser. Par exemple, déplacer un objet dans une dimension pour résoudre un problème dans l’autre est toujours très satisfaisant, en plus d’appuyer toujours plus ce lien entre les deux mondes. Mais le jeu manque d’audace pour pousser cette mécanique à son potentiel maximal. Finalement, on fait souvent les mêmes choses, alors qu’il y avait pourtant tant de possibilités !
Le gameplay global est, lui aussi, assez basique. Les combats, bien qu’agréables dans leur présentation, manquent de profondeur. Il suffit souvent d’enchaîner les mêmes attaques ou d’éviter mécaniquement les ennemis sans trop se poser de questions. Les mini-jeux et défis ponctuels apportent un peu de variété, mais ils restent trop superficiels pour vraiment faire la différence. Encore une fois, on ressent une certaine monotonie au fil de l’aventure.
Mais le plus gros point noir, ça reste le rythme, tellement insupportable qu’il en vient à considérablement amoindrir la qualité de l’expérience. Il ne se passe pas une minute sans qu’on nous enlève le contrôle, soit pour lancer un dialogue, soit pour montrer où se rendre, soit pour présenter la zone à traverser. Et c’est vraiment dommage, parce que l’écriture est plutôt pas mal dans son genre. Encore faut-il adhérer à l’humour et les jeux de mots à la Francois Pérusse, mais pour peu ce soit le cas, aucun doute que le jeu vous décochera quelques sourires. Quel dommage qu’ils brisent constamment le rythme du jeu, au point de vraiment devenir une plaie.
Qui plus est, on est constamment tenu par la main. Plutôt que de nous laisser découvrir par nous-même, le jeu choisit trop souvent d’expliquer en long et en large ce qui va suivre, brisant ainsi l’élan de l’exploration. Cette surabondance d’informations finit par frustrer, surtout lorsque l’on souhaite simplement plonger dans l’action. En résulte une aventure qui manque de fluidité. On passe trop de temps à attendre ou à lire, ce qui contraste avec l’immédiateté et la simplicité des mécaniques de gameplay. Ce décalage constant entre le rythme voulu par le jeu et notre désir de progresser finit par peser, surtout dans une aventure qui ne dure pas plus de six ou sept heures.
Le Vaillant Petit Page n’est pas un mauvais jeu, loin de là. C’est une expérience marquée par une vision artistique forte, une ambiance chaleureuse, et quelques idées originales qui méritent d’être saluées. Mais en tant que jeu, il manque d’ambition dans l’exploitation de son gameplay. Là où des titres comme It Takes Two ou Paper Mario réussissent à transformer chaque idée en une surprise constante, le Vaillant Petit Page reste trop souvent sur des rails.
Certes, c’est un un jeu qui émerveille les yeux et qui montre à quel point le jeu vidéo peut être un médium artistique de premier plan. Mais derrière cette splendeur se cache une expérience de gameplay qui manque de profondeur et de variété pour marquer durablement. Si vous aimez les jeux visuellement uniques et que vous cherchez une aventure légère et accessible, le Vaillant Petit Page saura sans aucun doute vous séduire. Mais si vous espérez un gameplay riche, exigeant et inoubliable, vous risquez d’être déçu. Un beau voyage, certes, mais qui laisse en tête un petit goût d’inachevé.