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  • Test Resident Evil 8 : des vampires et des loups-garous

    By DonBear
    Published in Tests
    May 19, 2021
    9 min read

    Des zombies, on en mange à toutes les sauces depuis des années. Je ne citerais pas d’oeuvres en particulier, tant elles sont légion et de qualité diverse. Mais forcément, Capcom était devant une impasse avec son Resident Evil 8. Comment développer la peur des joueurs face à des ennemis dont l’aura est devenue banale ? La réponse est visible dès le premier trailer. Fini les zombies lents et idiots, place désormais aux monstruosités mythologiques. Vampires, loups-garous et autres sont donc les antagonistes de cet épisode, qui cherche à faire du neuf avec du vieux.

    La saga Resident Evil revient de loin. Malgré un nombre de ventes impressionnant, les 5e et 6e opus de la célèbre licence furent de véritables catastrophes. Cherchant à perpétuer l’aspect action développé à partir de Resident Evil 4, ces deux épisodes accentuaient le côté nanardesque de la série, avec un scénario écrit à peu près n’importe comment. La faute à des twists rocambolesques et des personnages au comportement… incohérent, pour ne pas dire saugrenu. Devant les nombreuses critiques et la déception des fans, Capcom a décidé de repartir de zéro – ou presque – pour le 7e opus. Avec sa vue FPS, son ambiance horrifique, ses mécaniques centrées sur le survival, ainsi qu’un protagoniste inédit à l’honneur, ce « reboot » permit au studio de regagner la confiance des joueurs, en dépit des errances scénaristiques et quelques défauts de ci de là. Malgré des ventes moins satisfaisantes que les précédents, cet opus marquait la réconciliation de la licence avec l’essence même des premiers jeux, et avec le cœur des joueurs.

    Il n’y a, de fait, rien d’étonnant à ce que Capcom décide de poursuivre sur cette voie avec ce nouvel épisode. Ethan Winters, papa depuis peu, va – comme à son habitude – subir des déconvenues familiales avec le meurtre de sa femme suivi de l’enlèvement de sa fille. La retrouver devient donc sa priorité absolue, en affrontant au passage un tas de monstruosités dans un village paumé de l’Europe de l’Est. Autant mettre le sujet sur la table tout de suite : oui, Resident Evil Village s’inspire beaucoup de la formule proposée dans le 4. Les clins d’œil sont nombreux, et un certain nombre de mécaniques ont été réutilisées. Mais comme on va le voir tout au long de ce test, Resident Evil 8 est en réalité bien plus qu’une redite du premier grand virage de la saga.

    Entretien avec un vampire

    Parce que oui, dès lors que l’on arrive dans ce fameux village, la ressemblance est flagrante. Il se dégage une atmosphère identique à celle ressentie dans le premier hameau sur lequel tombe Léon. Et pourtant, les deux lieux n’ont absolument pas la même fonction : dans ce 8e épisode, le village nous sert de hub central, où l’on débloquera des chemins au fur et à mesure des nouveaux objets collectés. Par exemple, certaines portes ne pourront être ouvertes qu’après avoir récupéré une clé dans un niveau précédent, fragmentant ainsi la découverte du village. Une particularité pour la licence qui permet d’appréhender le monde différemment : on ressent la petitesse de l’endroit, et on se sent réellement coupé du monde. Cela permet de comprendre la mainmise du grand méchant sur les habitants devenus monstres en tout genre, et donne l’impression d’être dans un terrain de jeu pour mégalomane complètement fou. Une bonne idée donc, qui à défaut d’apporter une réelle profondeur au game design, procure un sentiment d’enfermement cohérent.

    Resident Evil Village Screenshot

    Un bon endroit pour les vacances

    Bien évidemment, ce cher Ethan va très vite chercher des réponses et sera amené à aller à la rencontre de Lady Dimitrescu, l’une des antagonistes mises en avant dans la campagne promotionnelle du titre. Une fois face à elle et ses trois filles, on comprend très vite pourquoi : charismatique, ses 3 m de haut et son élégance l’imposent d’emblée comme un ennemi mémorable. Et elle n’est pas la seule à fasciner, car son château est tout aussi époustouflant : il permet au moteur RE Engine de montrer toute sa puissance et la maitrise des développeurs, acquise depuis quelques années. Déjà foutrement réussis en extérieur, les décors en intérieur flattent la rétine, grâce à des textures fines et des jeux de lumière sublimes. Ces derniers peuvent d’ailleurs être améliorés grâce au ray tracing, bien que la différence ne soit pas flagrante. Si le commissariat de Resident Evil 2 Remake et les décors de Devil May Cry 5 n’avaient pas suffi à vous convaincre, voilà de quoi désormais mettre tout le monde d’accord. Les visages, s’ils ne sont pas dotés d’une synchronisation labiale exemplaire, s’avèrent tout à fait convaincants. À noter d’ailleurs que le moteur est aussi utilisé pour Monster Hunter Rise, nonobstant une direction artistique pourtant à l’opposé.

    Resident Evil Village Screenshot

    Les graphismes sont de toute beauté

    Et si la qualité graphique ne suffisait pas, le level design du château est tout aussi réussi. Au début un peu perdu, on apprend à se repérer et à apprécier l’architecture labyrinthique du lieu. S’il n’est pas le niveau le plus effrayant, il fait pourtant partie des endroits qui resteront dans le cœur des fans grâce à ses raccourcis cohérents, sa taille propice à l’exploration, et ses énigmes à tout va. Ces dernières ne vous demanderont d’ailleurs pas trop d’efforts intellectuels, que ce soit au château ou ailleurs. En effet, elles ne reposent quasiment jamais sur de la logique ou sur de la compréhension, mais principalement sur de la recherche d’objets – sur lesquels on finit par tomber au cours de nos pérégrinations. Un point décevant du jeu donc, surtout pour les fans des anciens Resident Evil. Mais ce n’est peut-être pas plus mal, car réfléchir avec la Lady aux trousses s’avérerait compliqué : tel un Mr X sous stéroïde et inarrêtable, la dame n’a de cesse de nous traquer. Ses griffes sont mortelles, tout autant que les attaques de ses filles qui ne laissent aucunement au joueur le loisir de dévaliser leurs richesses et farfouiller dans chaque pièce.

    Resident Evil Village Screenshot

    Vous sentez les problèmes arriver ?

    Une fois le château retourné dans tous les sens vient le temps d’affronter la noble Dimitrescu, et arrive en même temps l’occasion d’aborder l’une des principales qualités du titre, tout autant que l’un de ses principaux défauts : les combats de boss. Formidablement mis en scène ces phases sont particulièrement réussies en termes de design. Énormes, repoussants, et même effrayants pour certains, les boss ont des carrures qui ne dénatureraient pas dans un Dark Souls. Cependant, ils sont aussi simples qu’ils sont grands : ils ne sont pas faciles à vaincre, mais l’éventail de mouvements à leur disposition est bien trop restreint. À tel point qu’on finit rapidement par tourner en rond. On évite un coup, on vide un chargeur, on s’écarte, on recharge, on vide un chargeur, et ce, jusqu’à ce mort s’en suive. Des rencontres mémorables pour des combats anodins.

    Même pas peur

    Mais une fois le château terminé, une question arrive indubitablement à l’esprit : « quand est-ce que j’ai peur ? » Après l’ambiance sombre du 7, est-ce que Capcom aurait décidé à nouveau de se concentrer sur l’action ? La réponse est en demi-teinte. Car s’il s’avère que la grande majorité de Resident Evil Village ne vous demandera pas un courage hors norme pour être traversée – si ce n’est quelques sursauts à cause de jumpscares faciles –, un niveau en particulier a rempli mes nuits de cauchemars. La maison de Beneviento fut une véritable angoisse à découvrir. Lorgnant de manière assez franche vers P.T (la démo d’un Silent Hill annulé créé par Guillermo Del Toro et Hideo Kojima), ce niveau a été le seul passage du jeu où je ne pouvais déloger la peur enfouie en moi. Est-ce à cause des environnements ou des ennemis rencontrés ? Je ne saurais dire, mais je dois bien avouer que j’ai vraiment eu les chocottes tout du long. Diablement réussie en termes d’ambiance, cette maison reste avec le château le lieu le plus marquant du jeu. C’est aussi le plus scripté, mais c’est bien le seul qui peut se vanter de justifier le genre horrifique du jeu.

    Resident Evil Village Screenshot

    Il est vraiment horrible.

    S’il n’est pas un jeu d’horreur tout au long de son aventure, Resident Evil Village est bien un survival. Comme dans chaque épisode de la licence, une bonne gestion de l’inventaire est indispensable pour ne pas pleurer toutes les larmes de son corps face à un objet imprenable à cause d’un inventaire plein. Et les cartouches, bien qu’elles ne soient pas difficiles à trouver, sont à utiliser avec parcimonie, sous peine de finir désarmé face à des ennemis enjoués à l’idée de vous refaire le portrait. Certains monstres restent abordables au couteau, mais d’autres, comme les lycans, vous feront passer un sale quart d’heure si vous n’avez pas de quoi vous défendre. D’autant plus que la capacité de protection – déjà vue dans le 7e opus – permet de recevoir moins de dégâts, mais fera preuve de peu d’utilité face aux monstres un peu énervés. Une difficulté qui provient principalement du mode dans lequel vous jouez, étant donné qu’il impacte le nombre de coups nécessaire pour venir à bout des ennemis. Certes plus généreux que ses prédécesseurs en loot, cette perpétuelle attention accordée aux munitions renforce néanmoins la sensation de danger constant – du moins dans les deux premiers tiers de l’aventure. Un danger qu’il faudra savoir fuir, et pour ce faire, le jeu retrouve une autre mécanique de Resident Evil 4, à savoir la possibilité de barricader les portes et fenêtres à l’aide d’armoires moisies. Une bonne idée, qui permet d’augmenter le stress, tout en aidant à se préparer à l’attaque qui pointe rapidement le bout de son nez.

    Resident Evil Village Screenshot

    Un couteau et des soins, tout ce dont j'ai besoin.

    Malgré cet aspect survival, c’est bien l’action qui prime dans ce nouveau Resident Evil. Grâce à toute une panoplie d’armes, Ethan a largement de quoi se défendre. Pistolets, fusils à pompes, mitrailleuses, lance-grenades… Tous les moyens sont bons pour zigouiller du monstre. Pour réussir à s’équiper correctement, une des grandes nouveautés du 4 fait son retour : le marchand. Bien différent de celui qui nous accueillait avec son désormais célèbre « Welcome, stranger ! », le Duc ici présent s’avère bien plus énigmatique, et d’autant plus bavard. Quand il ne propose pas de cuisiner un plat qui améliore les statistiques (sous réserve de lui apporter les ingrédients ), il se permet quelques commentaires qui l’intègrent au récit, tout en laissant un étrange flou sur son rôle à jouer. Une fois vos trésors vendus et votre argent dépensé, retour à la castagne. Et si ce n’est pas là où Resident Evil Village brille le plus, on ne peut lui retirer de bonnes sensations manette en main et un excellent sound-design concernant les armes à feu. La vue FPS, qui a déjà fait ses preuves sur le précédent opus, transforme l’essai en proposant une totale immersion. Les sensations sont amplifiées par la lourdeur du personnage, et on en vient presque à ressentir chaque mouvement d’Ethan. Parfois même un peu trop, lorsque le jeu décide de partir dans ses délires et se transforme en Call of Duty fantastique. Car oui, le dernier tiers ressemble plus à du tir au lapin qu’à un homme en difficulté face à des monstres terrifiants. On roule sur les ennemis grâce aux améliorations engrangées, et pour peu que l’on ait été minutieux dans nos fouilles, les balles ne manquent pas. C’est bien là où Resident Evil Village loupe le coche contrairement au 4. Ce dernier gardait tout du long une constance dans la difficulté à vaincre ses ennemis et réussissait à instiller dans l’esprit du joueur un sentiment de faiblesse.

    Resident Evil Village Screenshot

    Vous pensez qu'il y a une cuisine intégrée dans sa roulotte ?

    Un scénario qui… existe

    Pour justifier tous ces bains de sang, Ethan Winters invoque donc la recherche de Rosemary, sa fille disparue. Si l’introduction tout en animation est aussi originale que stupéfiante, le reste de l’histoire est aussi bancal que ce qu’on a pu voir dans les autres épisodes de la licence. Si la mise en scène réussit à tenir le joueur en haleine et le pousse à toujours aller plus loin, les twists scénaristiques quant à eux amènent des incohérences et des non-sens absurdes. Certes, on ne joue pas à un Resident Evil pour son scénario. Et même si les bas-fonds de l’écriture ont déjà été atteints avec le 6e opus, les révélations vers la fin du jeu laissent circonspect, au mieux. Et il faut bien avouer que la nonchalance – pour ne pas dire je m’en foutisme – d’Ethan donne à la dramaturgie des événements un aspect trop anodin. Il a beau lui arriver mille désastres, le bougre garde son calme en toute circonstance. Malgré toutes les mésaventures qui lui tombent sur le coin de la tronche – et on parle tout de même de se faire éventrer, par exemple –, rien ne semble le contrarier outre mesure. Une apathie renforcée par les doublages français, qui sonnent creux et manquent de naturel, malgré un casting de qualité : Ethan Winters est doublé par Damien Ferrette (connu entre autres comme la voix de Leonardo Di Caprio) Chris Redfield est doublé par Boris Rehlinger (la voix française de Colin Farrell, Jason Statam, Joachin Phoenix, etc.), Lady Dimitrescu est doublée par Claire Morin (voix française d’Eiza Gonzalez, Heather Doerksen, Amanda Clayton et d’autres), etc. Les doublages anglais semblent plus naturels, et je ne peux que vous conseiller d’en profiter pour une meilleure expérience.

    Resident Evil Village Screenshot

    Ça va piquer un peu.

    Un petit aparté pour les joueurs PC : beaucoup d’options sont disponibles sur cette version, permettant d’ajuster les graphismes à votre convenance. Si le DLSS est aux abonnés absents, le FidelityFX est quant à lui présent. Le RTX, comme dit plus haut, n’apporte que peu d’améliorations visuelles, les reflets étant relativement discrets. Sur ma RTX 3080, le jeu tourne en 4k 60 fps avec toute les options au max sans faire broncher la carte graphique. Un jeu bien optimisé dans l’ensemble, qui ne nécessite pas une machine de guerre pour tourner convenablement.

    Resident Evil Village est une bonne suite au 7e opus, et un très bon épisode de la saga. Reprenant beaucoup des mécaniques qui ont plu dans les derniers épisodes, le titre offre néanmoins une vision assez originale de son univers. Avec sa direction artistique et ses graphismes agréables à l’oeil, l’expérience visuelle est une réussite en tout point. Son ambiance est elle aussi réussie, mais ne saura satisfaire les joueurs à la recherche de sensations fortes, malgré la terrifiante maison de Beneviento. L’action, quant à elle, est plutôt réussie grâce à un sound design de qualité et une jouabilité agréable, sans pour autant révolutionner le genre. Soutenu par une vision FPS qui immerge profondément le joueur dans ce village de l’Europe de l’Est, ce Resident Evil est une belle aventure, à défaut d’avoir un scénario qui tienne la route.

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    1
    Entretien avec un vampire
    2
    Même pas peur
    3
    Un scénario qui… existe

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