Hyper Light Drifter était une sacrée claque en 2016. Le petit monde des jeux indés devenu grand avait déjà vu de belles productions débarquer, mais elles n’ont pas empêché le titre de Heart Machine de se démarquer. Par ses visuels, son gameplay bien rodé, ses thématiques chères à son créateur et sa finition exemplaire, il a su marquer les esprits. Alors quand le studio annonce un nouveau jeu, on ne peut qu’être fasciné. D’autant plus que l’équipe a vu ses ambitions à la hausse en passant de 9 à 39 employés, tout en signant avec l’éditeur Annapurna. Le trailer montre un jeu très éloigné de Hyper Light Drifter, mais avec une identité tout aussi affirmée. Et à raison, car Solar Ash intrigue autant qu’il accroche le joueur.
Le premier contact avec Solar Ash est quelque peu austère. On est balancé dans un univers énigmatique avec quelques menues mécaniques expliquées dans un tutoriel vite expédié. Certes, la direction artistique colorée vient flatter la rétine, mais les décors reflètent la désolation du monde et dévoilent une ambiance presque pesante. On ne comprend pas ce qu’on fait là, ni pourquoi on y est. Alors on avance. On dompte petit à petit le jeu et ses mécaniques.
Et c’est à partir de là que tout s’améliore. On finit par ne plus se demander où aller, quoi faire, comment atteindre telle plateforme. On se concentre un peu plus sur l’histoire. Les plus curieux iront collecter les journaux de l’équipage disparu sur ces terres désolées, et approfondiront par la même occasion leur connaissance de l’univers – en plus de pouvoir récupérer de nouvelles armures avec des bonus. Le monde dans lequel se déroule l’histoire intrigue autant qu’il demande du temps à être compris. Même s’il est bien plus bavard que le précédent jeu du studio, il n’en reste pas moins ésotérique. Mais qu’on ne s’y trompe pas : dans cette ambiance mystérieuse réside le charme du jeu, en plus de la magnifique direction artistique. Qui plus est, les réponses viendront à la fin du jeu, ne laissant aucun doute sur les événements passés et futurs. Le scénario est maîtrisé de bout en bout, et le final est tout simplement excellent.
Ce qui va vous agripper au début et surtout conserver un puissant attrait tout au long du jeu, ce sont les visuels. Tout a été pensé pour impressionner le joueur, et surtout, ne jamais briser cette sensation de fluidité. Au-delà des décors majestueux, les animations sont fines et élégantes ; les transitions après la mort de chaque boss surprennent autant qu’elles semblent naturelles et bien pensées ; les couleurs pétillent. Les derniers niveaux réservent de jolies surprises et ne font que démontrer le talent du studio pour créer des décors vertigineux. Certains effets font tourner la tête presque à la manière de montagnes russes, d’autres ébahissent par leur beauté. Les musiques accompagnent le tout à la perfection, grâce aux compositions de Rich « Disasterpeace » Vreeland (Fez, It Follows, Mini Metro et Hyper Light Drifter). Elles instaurent une ambiance unique, tout particulièrement contre les boss. Le seul défaut que je pourrais relever concerne le bestiaire qui manque un peu de diversité. Mais ce petit point négatif ne représente qu’une goutte dans un océan de qualités artistiques.
La boucle de gameplay de Solar Ash est fondée sur un concept très simple. À chaque niveau, on doit réussir quelques épreuves basées sur un mélange de plateforme et de réflexion. Une fois fait, le boss se réveillera et sera ainsi venu le temps d’aller le confronter. Simple et efficace, il n’en faudra pas plus pour découvrir un gameplay proche de la perfection.
Encore une fois, on reste sur de l’élémentaire : une gâchette pour glisser, l’autre pour enclencher un boost. En plus de ces deux actions basiques, on peut attaquer, sauter, scanner la zone pour situer l’objectif en cours, utiliser un grappin et faire appel à une compétence qui ralentit le temps pour aider à mieux viser. Et c’est tout. Solar Ash ne crée pas de progression par l’ajout de nouvelles mécaniques.
On possède toutes les cartes en main dès le début, qu’on apprend à maîtriser et à appliquer à différentes situations. Mais force est d’avouer que tout est réussi avec brio. On explore ces mondes dévastés avec aisance, car rien ne vient perturber la fluidité des mouvements. Les ennemis donnent parfois du fil à retordre, notamment lorsqu’ils sont nombreux, tout en étant facilement tuables – comptez 6 coups maximum pour les ennemis les plus résistants.
Ce sont les niveaux qui proposeront les nouveautés permettant à Solar Ash de se renouveler. Au-delà d’une esthétique singulière pour chacun, ils mettent tous en avant une mécanique bien précise pour remplir les objectifs nécessaires à l’apparition du boss. Et ça fonctionne à merveille : la base du jeu repose sur la vitesse et la précision, tandis que les niveaux octroient à chaque fois des applications différentes de cette base. Pour autant, certains défis ne sont pas évidents et opposent un vrai challenge. Si les réflexes requis restent relativement accessibles à tous – les habitués de plateformes ne devraient pas trop de difficultés –, la réflexion pour réussir à atteindre tel ou tel objectif imposera parfois une pause dans la course effrénée.
Les autres moments nécessitant une pause, ce sont les chutes. Car elles arrivent fréquemment dans le jeu, et peuvent parfois s’avérer frustrantes. Surtout quand on tombe de très haut et qu’on doit se taper de nouveau tout le chemin. Certes, on débloque des raccourcis, mais ça n’empêche pas d’avoir envie de jeter sa manette par la fenêtre.
Mais il y a mieux : les combats de boss. Ils sont pour moi le meilleur aspect du jeu. À la manière d’un Jenova Chen qui a étudié les meilleures options pour créer le sentiment de flow (une concentration extrême) pour Journey, Alex Preston réussit avec Solar Ash à procurer de magnifiques sensations. C’est intense, rythmé, et surtout maîtrisé. Avec leur taille démesurée, les boss impressionnent visuellement et sont loin d’être une promenade de santé, sans avoir une difficulté insurmontable. Comme ceux de Shadow of the Colossus dont il s’inspire, on doit grimper sur les bestiaux pour frapper certains points précis. La différence ici, c’est que certains ne sont atteignables que par le grappin. Mais peu importe finalement, tant Rei – la protagoniste – bouge avec aisance. Là où Shadow of the Colossus utilisait la rigidité des mouvements pour mettre en avant la difficulté du protagoniste à se mouvoir, Solar Ash va aux antipodes avec un gameplay vif et nerveux pour montrer qu’on n’est pas ici pour enfiler des perles.