Vous connaissez Devil Summoners : Soul Hackers ? Il serait peu étonnant que ce ne soit pas le cas. Et bien, une vingtaine d’années plus tard, Atlus s’est dit que ce serait pas mal de lui donner une suite.
Dans l’univers des Shin Megami Tensei, l’apocalypse porte bien son nom. Quel que soit l’opus dont on parle, le malaise face à cette Terre dévastée et remplie de démons est inévitable. Quant aux Persona, on observe avec intérêt ce mélange entre vie scolaire et explorateur de donjons. Ce cocktail saugrenu apporte une profondeur si grande au niveau des mécaniques qu’elle en donne le tournis. Et pour une licence comme pour l’autre, on peut aussi tabler sur une base solide de gameplay avec des combats au tour par tour stratégiques et des scénarios s’étalant sur des dizaines d’heures.
Soul Hackers 2, lui, il va puiser dans un imaginaire futuriste pour développer son univers. Et il le fait bien : la direction artistique est franchement réussie. On parcourt les différents quartiers de la ville avec plaisir et on s’extasie devant ce Tokyo presque crédible. Tous les décors ne sont pas forcément inspirés, comme ce donjon se déroulant dans une galerie de métro lambda. Mais il y a quand même de quoi apprécier la globale réussite visuelle du titre. Le chara-design colle bien avec l’ambiance et les environnements urbains immergent dans l’univers. Même si ce n’est pas un eldorado technique, la direction artistique suffit à créer une identité visuelle propre au jeu.
C’est dans ce cadre que l’on va suivre l’affrontement entre deux factions : Yatagarasu et la Société Fantôme. Les premiers ont plutôt bon fond malgré des méthodes douteuses, tandis que les seconds cherchent à détruire le monde pour repartir sur des bases saines. Dans cet univers, les humains et les démons vivent en harmonie, bien loin donc de l’apocalypse d’un SMT ou des monstres mis à la marge de la société d’un Persona. Mais une suite d’événements enclenchée par la Société Fantome va pousser Aion – une sorte de super IA – à intervenir pour empêcher la destruction de l’espèce humaine. Ce « gentil » Skynet décide donc de créer deux entités, Ringo et Figue, pour aider l’humanité à trouver une solution pérenne. C’est de ce postulat que découle l’aventure qui s’ensuit avec le recrutement de compagnons et les combats contre des adversaires énigmatiques.
Le scénario de Soul Hackers 2 n’a rien d’original pour un JRPG. Une prophétie, un groupe de jeunes gens devant sauver le monde, une organisation maléfique, et la majorité des tropes du genre sont bien présents. Pour autant, il fait preuve comme toute production d’Atlus d’une maturité appréciable dans son propos. Certes, il est assez simpliste, mais il traite de sujets adultes et les instille dans de nombreux détails. L’ambiance est sombre malgré une certaine légèreté dans les échanges qui colle avec ce monde noyé dans des questionnements existentiels. S’il n’est pas cyberpunk, il en reste proche et les fans du genre trouveront sûrement de quoi s’y intéresser. Notre groupe est composé de personnages aussi attachants qu’archétypaux, qu’on apprend à découvrir au fil de l’aventure. Si aucune surprise ne vient retourner la tête, le scénario et ses rebondissements suscitent la curiosité malgré quelques longueurs et des aller-retour incessants.
Parce que la structure même du jeu impose de nombreux trajets peu reluisants. La carte n’est qu’une liste de minuscules zones composées de magasins et de PNJ. Si la ville est belle, on ne la découvre qu’en surface sans jamais avoir l’opportunité de sortir des rails. On admire les néons et les bâtiments de loin sans pouvoir s’en approcher, et on est vite frustrés d’avoir si peu de liberté d’exploration. Surtout que ça pose un autre problème de taille : les temps de chargement. Ils sont très, très nombreux et viennent constamment briser le rythme de l’aventure.
Mettons par exemple que vous arrivez devant le boss du donjon, mais que vous n’êtes pas au niveau. Alors vous allez partir en quête d’objectifs secondaires, qui vous demandent d’aller à différents endroits. Une fois fait, vous allez au refuge pour vous reposer et manger un plat pour gagner un bonus. Et pour finir, vous allez améliorer vos armes, acheter de l’équipement et des objets – qui se trouvent dans des magasins différents –avec l’argent récolté. Entre chaque arrêt, un temps de chargement de plusieurs secondes impose une attente parfois longue. Au bout de plusieurs heures, ça devient frustrant.
Ce qui compte le plus dans Soul Hackers 2, c’est le groupe et les relations entre ceux qui le composent. Avec Arrow, Milady et Saigo, on va vivre de grandes aventures, mais aussi apprendre à découvrir des caractères opposés. On a presque l’impression de faire partie d’une bande de potes et cet aspect du jeu est probablement celui qui est le plus attrayant. Pour se faire, le jeu offre différentes possibilités : on peut par exemple aller boire des verres pour discuter ou s’engouffrer dans des donjons optionnels appelés Matrice de l’âme. Ces derniers, spécifiques à chaque allié, permettent d’améliorer le lien d’âme qui les lie avec Ringo – et accessoirement de farmer en cas de besoin –. Une bonne idée qui permet d’approfondir le passé des personnages tout en restant dispensable pour ceux qui veulent se concentrer sur l’aventure.
À un détail près : les donjons dans Soul Hackers 2 sont loin d’être une partie de plaisir. Que ce soit dans l’histoire principale ou les Matrices de l’âme, on erre dans des couloirs peu reluisants jusqu’au boss. En cours de route, des ennemis apparaissent que l’on peut étourdir pour les esquiver ou avoir un avantage en combat. Le principal problème, c’est qu’ils sont fades : une succession de couloirs ternes, composés généralement de tunnels ou de chemins bleus sans âme pour les donjons des copains, et de manière générale de lieux inintéressants. Bien entendu, on doit aussi composer avec des allers-retours, des portes bloquées nécessitant une clé à l’autre bout du donjon, et autres tropes dont on se passerait bien.
Heureusement, les combats sont d’une autre teneur : calqués sur le modèle habituel des SMT, ils sont dynamiques et stratégiques. Avant même d’aborder les mécaniques, la réussite de l’interface est à souligner. Si on est loin du punch de celle d’un Persona 5, elle n’n reste pas moins efficace et bien plus agréable que celle des JRPG classiques. Ceci étant dit, on reste sur du classique stratégiquement parlant. Grosso modo, Soul Hackers 2 s’appuie sur un système de faiblesse et de forces : chaque attaque dispose d’un type (feu, eau, électricité, poison, etc.) qui détermine les dégâts infligés. Chaque démon possède des résistances et des faiblesses, qu’il va falloir trouver pour maximiser ses attaques. Mais il y a un petit twist en plus : chaque attaque portée sur la faiblesse d’un ennemi augmente la valeur d’un compteur qui inflige des dégâts aux adversaires à la fin du tour. Loin d’être accessoires, ces dégâts supplémentaires jouent un rôle majeur dans une victoire.
Les affrontements sont efficaces car ils nécessitent souvent de choisir une stratégie adéquate et de bien s’équiper – surtout avant les combats de boss –. Encore une fois, au niveau de la personnalisation, on reste sur du classique : on achète des objets pour améliorer nos statistiques et on améliore les armes avec des objets récupérés sur les démons vaincus. Améliorations qui octroient certaines capacités primordiales, comme le fait de pouvoir changer le démon associé à un allié au cours d’un combat. Bien sûr, tout comme dans les autres jeux d’Atlus, on retrouve aussi la fusion de démons. Lors de l’aventure, il arrive fréquemment qu’un démon veuille rejoindre notre équipe. Chaque démon possède ses capacités et monte de niveau au fur et à mesure des combats. Tout va bien dans le meilleur des mondes donc, jusqu’au moment où on considère qu’il a atteint un plafond de verre. C’est là qu’entre en jeu la fusion, qui permet comme son nom l’indique de prendre deux démons et de les assembler pour en créer un nouveau. Généralement leurs niveaux s’additionnent, et on peut en plus choisir les capacités du nouveau-né. Un outil indispensable pour repenser efficacement sa stratégie, mais qui sent lui aussi un peu le réchauffé. Les habitués des jeux Atlus n’y trouveront aucune particularité, puisqu’il s’agit d’un copié-collé exact de la formule déjà vue dans les autres spin-offs de SMT.
Mais rien de tout ça n’empêche l’émergence de certains pics de difficultés. Les combats ont beau être accessibles et la courbe de progression fluide, on fait malgré tout face à certains murs incarnés dans des combats de boss. Parce que le système de force et faiblesse fait mal aux ennemis, mais aussi à l’équipe ! On se retrouve vite sous la même pression que les adversaires, d’autant plus lorsqu’ils attaquent deux fois par tour, ou voient leurs faiblesses disparaitre grâce à un sort. Dans ces cas-là, la seule solution est de partir farmer pour gagner quelques niveaux. Et il faut bien avouer que c’est désagréable : enchaîner les combats simplement pour gagner des niveaux ressemble plus à une tâche ingrate qu’à une véritable aventure. Mon conseil dans ces cas-là – que j’ai moi-même appliqué – est de passer le jeu en facile : d’un coup, la vie est plus belle et le résultat est le même, les heures de farm en moins. Épargnez-vous cette contrainte en mettant votre fierté de côté et rendez le jeu plus agréable.
Soul Hackers 2 n’est pas le meilleur des jeux signés Atlus, ni le plus original. Il fait même souvent moins bien qu’un SMT ou un Persona alors qu’il possède pourtant les mêmes bases de gameplay. Pour autant, on ne s’ennuie pas et l’histoire est suffisamment accrocheuse pour qu’on y accorde sans peine la trentaine d’heures nécessaires pour en voir le bout. Ce sont principalement les personnages et l’ambiance futuriste qui sont les pièces maitresses du jeu, et elles sont largement suffisantes pour profiter du jeu.