Mine de rien, le beat’em all est devenu relativement discret au fil des années. Il y a bien eu Devil May Cry V en 2019 et Bayonetta 3 qui s’apprête à sortir, mais les représentants du genre ont progressivement laissé leur place aux souls-like. Et si Soulstice n’a pas fait beaucoup de bruit, il n’en reste pas moins une nouvelle proposition intéressante.
Soulstice raconte l’histoire de Briar et Lute, deux sœurs unifiées sous la forme d’une Chimère. Dans ce monde médiéval très sombre, l’Ordre est une organisation créant ces guerriers aux capacités surhumaines pour vaincre des démons. Elles sont envoyées dans un royaume en proie à la destruction à cause de l’ouverture d’une faille qui ne cesse de grandir. Au fil de l’aventure, on en apprend à la fois plus sur l’Ordre qui n’est bien évidemment pas tout rose dans cette histoire, mais aussi sur les deux protagonistes et l’univers en lui-même.
Si ce léger synopsis vous rappelle quelque chose, ce n’est sans doute pas surprenant. Dans le ton, l’ambiance, le chara design, les armes, les thématiques, la façon de combattre… Tout rappelle l’excellent Claymore. Briar ressemble comme deux gouttes d’eau à Claire, personnage principal du manga imaginé par Norihiro Yagi et possède en partie le même tempérament, là où Lute rappelle incontestablement Raki. L’Ordre rappelle l’Organisation, qui semble plus ou moins opérer d’une façon similaire pour combattre le mal. S’il y a bien sûr des divergences, l’hommage est aussi beau que réussi.
Un autre manga très célèbre semble aisément s’être mis en tête de liste des inspirations : Berserk. Ce sera plus ici au niveau du design du bestiaire et de l’ambiance poisseuse qu’on note des points communs. Et ce mélange de deux mangas très sombre donne à Soulstice une ambiance dark fantasy très réussie, où le mal du monde se ressent à chaque instant. Si les décors ne sont pas des plus inspirés en intérieur, n’en reste pas moins l’impression de baigner dans des eaux plus que troubles au moindre recoin que l’on observe.
Il faut néanmoins admettre que le titre oscille régulièrement entre l’excellence visuelle et le moins bon. En matière d’architecture, Soulstice brille grâce à ses châteaux médiévaux de toute beauté et vraiment impressionnants. On en prend plein la rétine assez souvent et l’impression de grandeur offerte par les panoramas nous emporte régulièrement. Certes, la palette de couleur est terne, l’ambiance est sombre, mais certains cadres rappelleraient presque la magnifique Anor Londo de Dark Souls.
Pour autant, ça ne l’empêche pas d’être techniquement à la ramasse pour un jeu sorti en 2022. Un constat difficile à nier dans les intérieurs tant les textures bavent, les murs invisibles pullulent, les décors deviennent vite redondants et font preuve de peu d’inspiration. Il en va de même pour les cinématiques, pourtant propices aux actions épiques, qui ne font pas honneur à l’excellent chara design. L’animation est en berne, les rendus des personnages souvent grossiers, et tournent parfois au ridicule. On sent tout autant l’ambition du studio milanais Reply Game Studios à travers sa volonté de dépeigner des affrontements titanesques, que son manque de budget au vu du rendu final.
Heureusement, le scénario plutôt bien ficelé du jeu reste appréciable. Les nombreux twists renversent régulièrement la situation et le mystère concernant les tenants et aboutissants est bien conservé au fur et à mesure de la progression. On finit par s’attacher aux personnages, notamment grâce à des flash-back un peu particuliers, et à comprendre l’univers. Mais tout ça exige une certaine patience : le prix d’entrée est cher à payer.
On passe les premières heures du jeu à se demander ce qu’on peut bien faire là, et les réponses ne pointent le bout de leur nez qu’au bout d’un trop long moment. La durée de vie de Soulstice relativement conséquente pour le genre est certes une bonne chose, mais c’est une qualité diminuée par le temps nécessaire à l’intrigue pour se mettre en place. Et c’est sans compter les personnages archétypaux. Briar est fonceuse et impulsive, Lute est constamment apeurée mais intelligente, notre « manager » est énigmatique avec son corbeau sur l’épaule, etc etc. Pour les habitués de ce genre de tropes, la profondeur qu’obtiennent les personnages au cours de l’aventure ne pourra qu’être considérée comme attendu.
Mais bien sûr, dans un beat’em all, ce qui compte par-dessus tout, c’est le gameplay. De ce côté-là, Soulstice s’en sort plutôt bien. Le premier constat et le plus agréable réside dans la nervosité des combats. Ça bouge, ça tape vite et fort, ça saute et ça esquive de partout. Les fans de Devil May Cry et Bayonetta pourront aisément trouver de quoi s’amuser avec un système de combo bien construit et des scores à la fin de chaque affrontement et de chapitre. Un petit ajout sympathique réside dans la parade, qui s’effectue par une simple pression de bouton au bon moment. Dès lors qu’un timing est respecté, Lute gèlera les ennemis en cours d’attaque, octroyant la capacité de se déplacer pour éviter l’attaque, ou enchaîner de coups l’ennemi en question pour le tuer avant.
Un système cependant mis en berne par la caméra qui aime faire des siennes. Que ce soit dans les phases d’exploration, d’énigmes, de plateforme ou de combats, ce sera sans aucun doute votre pire ennemi. Elle reste fixe en dehors des affrontements et pose régulièrement des soucis de lisibilité pour parvenir à atteindre une plateforme. On saute souvent à côté parce que l’impression de profondeur avec le placement de la caméra est mal retranscrite. Mais même les combats constituent un bras de fer contre elle, qui nuit constamment à la lisibilité. Vaincre ses adversaires demande déjà une bonne vision tant les attaques noyées sous le nombre d’ennemis sont brouillonnes, alors rajouter une caméra capricieuse n’aide vraiment pas la choucroute. Taper dans le vide devient rapidement une habitude, tout autant que pester contre un élément aussi fondateur dans un jeu nerveux qu’est la caméra.
N’en reste pas moins un système de combat qui se développe au fur et à mesure de la progression, avec l’utilisation par exemple des champs rouge et bleu. Assez rapidement dans le jeu, certains ennemis nécessiteront d’utiliser ces zones autour de nous pour pouvoir être touchés par les attaques de Briar. Un élément pouvant paraître anodin, mais qui rajoute une certaine profondeur au gameplay. Il faut enchaîner les bonnes combinaisons de touches sans se tromper, et avec la nervosité des combats, les erreurs peuvent vite arriver. De quoi complexifier les affrontements, sans pour autant les rendre ingérables. Et si on ajoute à ça le système des armes secondaire, on se retrouve face à un système de combat vraiment bien rodé. L’arme principale, une énorme épée à deux mains, ne change jamais. Mais plusieurs combinaisons sont possibles : une massue pour briser l’armure des adversaires, un arc pour attaquer à distance, un fouet pour enchaîner les coups rapidement, etc etc. Chaque arme secondaire amène avec elle de nouvelles compétences, et diversifie le gameplay.
Pour revenir sur la mécanique des champs de couleur, elle est aussi utilisée lors des phases d’exploration, de plateforme et d’énigme. Car sont disséminés dans les niveaux des cristaux rouges et bleus, octroyant des points à dépenser pour obtenir des améliorations pour les deux sœurs. L’exploration est donc toujours récompensée et la progression est fluide, même lorsque les montants exigés pour acheter une compétence dépassent les quatre chiffres. On ne peut pas en dire autant des phases de plateformes, qui auraient pu être intéressantes grâce à l’utilisation du champ bleu pour faire apparaître une plateforme et sauter dessus, mais encore une fois le placement de la caméra rend ces passages plus éreintants qu’amusants.