• Tests
  • Coulisses
  • Archives
  • Analyses
  • Test South of the Circle - Le jeu qui rafraichit

    By DonBear
    Published in Tests
    July 29, 2022
    6 min read

    11 Bit Studios, ça se voit que ce sont des gens qui aiment le froid. Déjà parce que Frostpunk était un jeu si glacial que j’avais presque des frissons lors de mes parties alors qu’on était en plein été. Mais aussi parce que South of the Circle porte bien son nom et nous emmène nous les geler en Antarctique, tout en racontant une histoire bien ancrée dans le réel.

    On dirait le Sud

    Quelque part paumé dans une tempête de neige, durant la Guerre Froide. Deux hommes inquiets pour leurs vies discutent des solutions qui s’offrent à eux dans un cockpit d’avion. Le crash ne leur a pas fait de cadeaux : le pilote s’est cassé la jambe et ne peut pas marcher, et l’avion n’a pas l’air partant pour redémarrer. Seule possibilité : celui encore apte à affronter la tempête doit aller chercher de l’aide dans la base la plus proche, visible seulement par le clignotement d’un halo lumineux provenant de sa tour de communication. Alors il se met en route, malgré la peur qui lui hurle de rester au chaud. En marchant, Peter se remémore comment il en est arrivé là. Ses études sur le climat, sa rencontre avec Clara, son professeur de thèse aussi apeuré des communistes que des évolutions sociales, et bien sûr, son incapacité à finir son papier sur le mouvement des nuages. Avec un peu de bol – ou un peu d’aide – peut-être parviendrait-il à comprendre comment fonctionne le champ magnétique de la Terre et devenir un brillant climatologue…

    South of the Circle Screenshot

    Voilà comment commence à peu près South of the Circle. Au départ, on est beaucoup plus intéressé par la survie du Peter dans le présent que par les difficultés du Peter dans le passé. Puis au fur et à mesure que le cadre s’installe, que les personnages se dévoilent et que les problèmes s’accumulent, la narration finit par trouver un équilibre réussi et atteint son apothéose lorsqu’elle relie les deux histoires entre elles. Parce que ce que le jeu cherche à nous raconter est loin d’être inintéressant : il met certes du temps à intriguer le joueur, mais une fois qu’il l’a accroché, il ne le lâche plus jusqu’à la fin. On finit par être happé dans l’histoire, même si elle reste relativement prévisible.

    Un contexte intéressant

    Surtout que le jeu a pour lui l’avantage de parler d’une période assez peu traitée dans le jeu vidéo : la Guerre Froide. Enfin, disons plutôt qu’il traite de sujets rarement évoqués aussi frontalement. South of the Circle n’hésite pas à aborder la condition des femmes et de leur difficulté à s’intégrer dans un domaine réservé aux hommes, de réchauffement climatique, de géopolitique et aussi d’éducation. Il fait tout ça dans un contexte de Guerre Froide, qui frappe par son omniprésence tout en étant relativement absente des enjeux personnels des personnages. L’écriture du studio State of Play fait plaisir à voir tant elle joue sur de nombreux tableaux d’une façon trop peu fréquente dans le jeu vidéo, en étant assez directe dans son message sans pour autant être moralisatrice. South of the Circle cherche à dépeindre une époque de la façon la plus réaliste possible et, même si ça sera probablement à chacun de se faire son propre avis sur la question, y parvient très bien selon moi.

    South of the Circle Screenshot

    C’est sans aucun doute grâce à sa mise en scène qu’il réussit à immerger le joueur. Elle constitue assurément le meilleur point du jeu tant elle rend la narration fluide et permet de rester happé dans le jeu. Par exemple, les transitions entre le passé et le présent offrent à la fois un plaisir visuel et une cohérence globale des plus appréciables. Quel dommage de ne pas pouvoir en dire autant des graphismes – notamment des ombres –, qui font parfois un peu tache face à l’ambition scénaristique du jeu. C’est d’autant plus décevant que la direction artistique en soi opte pour un parti pris plutôt original.

    Il manque le « jeu » de « jeu vidéo »

    Ça aurait été sympa de terminer le test là-dessus. Sauf qu’il est temps d’évoquer selon moi le principal écueil du jeu, à savoir son gameplay. Ou plutôt, son non-gameplay. Il y a dans le jeu trois actions possibles : avancer, interagir avec des éléments du décor et faire des choix.

    Pour les deux premiers, c’est très basique. Quand je parle d’avancer, le jeu nous place presque sur autopilote et il suffit de mettre le stick sur l’avant pour que l’histoire continue sa route. Pareil pour les interactions : on peut regarder des objets pour obtenir quelques informations supplémentaires – mais c’est assez rare et généralement peu enrichissant – et on sera parfois appelé à trouver une fréquence radio. Dans l’ensemble, ça ne casse pas trois pattes à un canard. Mais après tout, pourquoi pas ? On n’a pas forcément besoin d’un gameplay génial pour apprécier un jeu narratif. Non, le souci vient justement du troisième point, les choix qui ne servent à rien.

    South of the Circle Screenshot

    South of the Circle fait la distinction entre deux types de choix : on doit déterminer l’humeur du protagoniste dans un dialogue et dans d’autres cas répondre à des questions. Concernant la psychologie du personnage, l’idée sur le papier est originale en plus d’être vraiment intéressante, parce qu’elle permet de créer une connexion avec le personnage. Par exemple, alors qu’on est en plein travail, notre professeur vient nous voir pour nous demander où on en est. Choisir la panique plutôt que la confiance en soi est pertinent puisqu’on est vraiment en retard et dans une galère sans fin de thèse qui n’en finit pas. Mais jouer la carte de la confiance peut aussi servir de bluff et donner l’impression qu’on maitrise notre sujet. Sélectionner une humeur plutôt qu’une autre change la façon dont Peter réagit face aux autres personnages et sur le papier, ça marche vraiment bien.

    Sauf que, vous vous en doutez, dans les faits, ça ne fonctionne pas du tout. Déjà parce qu’il arrive fréquemment que le jeu demande d’appuyer sur une touche associée à une émotion, sauf que… il n’y a que celle-là. Quel est l’intérêt de nous demander d’effectuer une action s’il n’y a pas de choix ? Ça donne l’impression que les développeurs cherchent à maintenir le joueur concentré mais sans qu’il n’y en ait vraiment besoin, et il en découle un ressenti étrange. Surtout que, appuyer ou pas ne changera rien puisqu’au bout d’un moment, le jeu continuera le dialogue sans intervention de la part du joueur. Et même quand il y a un choix à faire, la seule chose qui change est la manière dont le protagoniste va s’exprimer. L’idée est globalement la même, elle est juste déclarée différemment. Les personnages en face n’ont pas de réaction spécifique et les relations n’évoluent pas non plus en fonction de nos humeurs.

    South of the Circle Screenshot

    On peut sûrement allouer ça au fait que c’est un « petit » jeu avec un budget limité. Mais la linéarité de South of the Circle ne laisse pas de vraie place au joueur qui ne fait que regarder l’aventure se dérouler sous ses yeux, avec une illusion vite perdue d’influence. Il en va de même pour les choix de réponses : lors de certains dialogues, on doit choisir entre plusieurs réponses ce qui nous convient le mieux. Par exemple, si on préfère notre café avec ou sans sucre, ou notre préférence entre les maisons bleues et rouges qu’on aperçoit au loin lors d’une promenade. Une fois la réponse sélectionnée, le jeu indiquera qu’elle a une importance et qu’elle servira plus tard (les fameux « Intel s’en souviendra » des Telltale).

    Tout au long du jeu, les choix retenus par le jeu paraissent étranges. On se demande donc à quoi ils pourront servir, et autant dire que la déception est d’autant plus grande lorsqu’on a le fin mot de l’histoire. Sans aller jusqu’à dire qu’ils ne proposent rien, leur utilisation reste totalement anecdotique et n’apporte vraiment rien au scénario. En réalité, South of the Circle donne l’impression de ne pas savoir quoi faire du joueur et cherche à l’intégrer à son histoire par des actions inutiles.

    J’adore les jeux narratifs. Je suis de ceux qui considèrent que des gameplay simplistes peuvent être tout aussi cohérents avec l’intention des développeurs que des gameplay alambiqués. Firewatch, Everybody’s Gone to the Rapture, Gone Home, Tacoma, What Remain of Edith Finch, Heavy Rain et tant d’autres m’ont montré la puissance narrative du jeu vidéo appuyé par un gameplay accessible. Et c’est justement parce que j’aime le genre que South of the Circle m’a décontenancé d’autant plus. Parce que j’ai eu l’impression tout du long de voir un film qui voulait se faire passer pour un jeu vidéo sans y parvenir. Le gameplay n’est pas seulement anecdotique : il ne sert en substance à rien. Heureusement que l’histoire se hisse à la hauteur des jeux précédemment cités pour maintenir l’intérêt du joueur.

    Points positifs


    Un scénario intéressant
    Une mise en scène très réussie
    La direction artistique originale
    Une bonne idée de gameplay...

    Points négatifs


    Quelques erreurs de traduction dans les sous-titres
    Des graphismes parfois chancelants
    Des choix inutiles
    ... Malheureusement mal appliquée

    6
    Sympa sans plus
    South of the Circle raconte une bonne histoire et la raconte bien. Sa mise en scène permet une immersion efficace malgré un début un peu lent. Mais le vrai problème du jeu, c'est qu'il n'en est pas vraiment un. Le système de choix d'humeur est une excellente idée sur le papier, mais elle n'est jamais vraiment utilisée puisque choisir une émotion plutôt qu'une autre ne change rien. Et c'est dommage, parce que South of the Circle aurait presque plus gagné à être un film qu'un jeu, tant son écriture est réussie.

    Tags

    PS5State of Play11 bit studiosNarratif

    Partager :

    Ça pourrait vous intéresser :

    Test Frostpunk 2 : une suite qui va diviser
    Test Frostpunk 2 : une suite qui va diviser
    10 oct. 2024
    7 min
    DonBear

    DonBear

    Fondateur

    DÉVELOPPEUR :

    State of Play

    ÉDITEUR :

    11 bit studios

    DATE DE SORTIE :

    3 aout 2022

    PLATEFORME :

    PC, PS4/5, Xbox One/Series, Switch

    PRIX À LA SORTIE :

    12,99

    Testé sur PS5 grâce à un code fourni par Warning Up et l'éditeur

    Table Of Contents

    1
    On dirait le Sud
    2
    Un contexte intéressant
    3
    Il manque le « jeu » de « jeu vidéo »

    Social Media