Portal est un jeu important dans l’histoire du jeu vidéo. Au-delà de son ingéniosité, c’est tout simplement un concept encore inégalé qui associait un gameplay unique avec un univers original et des personnages emblématiques. Et comme tout jeu de son envergure, il en inspire d’autres. The Entropy Centre fait assurément partie de ceux-là, mais réussit-il à sortir de l’ombre du cultissime jeu de Valve ?
Imaginez un univers où la Terre serait régulièrement détruite sans que personne le sache. Du moins, tous ceux y vivant. Car un petit groupe d’individus serait posté dans une base spatiale à des milliers de kilomètres pour la rembobiner. Comment est-ce possible ? En utilisant l’entropie, pardi ! Un nom simple qui désigne quelque chose que le commun des mortels ne comprend pas – moi y compris, je vous rassure –, puisqu’il caractérise le degré de désorganisation, ou d’imprédictibilité, du contenu en information d’un système. Du moins, selon Wikipedia. Et c’est sur cette notion que repose intégralement Entropy Centre, qui porte son nom à la perfection.
On incarne Aria, une femme amnésique qui se réveille dans une chambre peu accueillante. En déambulant dans les couloirs sans vraiment savoir où elle se trouve, elle va tomber sur un fusil doté d’une IA nommée Astra. Et c’est justement cette arme qui va lui permettre de jouer avec les lois de la physique. Ça vous rappelle quelque chose ? C’est normal, on va y revenir. Accompagnée de cette IA bien moins cynique que GlaDOS, cette mystérieuse personne va donc découvrir qu’elle est une employée de l’Entropy Centre, une station spatiale utilisée pour rembobiner la planète en cas de catastrophe. Sauf que le canon déployé pour réussir cet exploit est vide, et pour couronner le tout, elle ne trouve aucune âme qui vive à des lieues à la ronde. Et en plus, la Terre explose. Oui, c’est du sérieux. Le scénario de The Entropy Centre n’est pas le meilleur qui soit, tant s’en faut. Mais il a le mérite d’utiliser au maximum le concept au cœur du gameplay pour raconter quelque chose, et imaginer un univers original et vraiment intéressant.
Mais l’écriture ne brille pas par sa qualité sur tous les plans, à commencer par celle des dialogues avec Astra. Elle donne l’impression au départ qu’on est face à une GlaDOS moins incisive. Mais il n’en est rien : sa personnalité est à peu près égale à son utilité, à savoir au ras des pâquerettes. Elle développe l’univers en nous expliquant différents éléments importants à la compréhension du scénario, mais n’apporte que peu de touches d’humour ou même d’intérêt de manière générale. Malgré les nombreuses interactions, aucune n’est à la hauteur de ce qu’on pourrait espérer. Cependant, le scénario prend une tournure intéressante passé un certain stade, et se plonger dans ce centre étrange devient rapidement le moteur principal de l’intérêt porté au jeu, devant les énigmes. Qui plus est, l’exploration similaire à celle de Prey est pourtant une bonne idée : on découvre à travers des emails les règles qui régissent la station, et quelques événements qui ont pu s’y dérouler – certains sont même assez drôles, notamment les échanges autour d’un chat –. Si le scénario de The Entropy Centre ne fera pas l’unanimité, notamment sa fin, l’univers et son développement font sans aucun doute partie des points forts du titre. Et c’est sans compter sur l’ambiance, qui permet de parfaitement ressentir l’incompréhension et l’appréhension d’Aria, avant que les pièces du puzzle ne se mettent en place.
Une aventure agréable qui le doit aussi au level design. Lorsque l’on découvre l’Entropy Centre, on enchaîne les niveaux qui sont généralement des pièces avec des puzzles à résoudre. L’inspiration de Portal est à ce moment trop présente. Mais au fil de la progression, le jeu va s’en détacher pour se créer sa propre identité. Les énigmes ne se feront plus dans des salles blanches mais dans des environnements variés. Ces derniers oscillent entre le très bon et le moins bon : certains sont magnifiques, notamment là où la nature commence à reprendre ses droits – ce qui peut sembler paradoxal pour une station spatiale – avec de la végétation sur les murs, ou encore certains lieux où on voit la Terre. D’autres en revanche sont fades, et paraissent génériques au possible. Techniquement parlant, le jeu parfaitement maîtrisé, un élément d’autant plus impressionnant lorsque l’on sait que The Entropy Centre a été développé par une seule personne.
Si je parlais précédemment de Portal, le jeu va réussir à s’en détacher un peu plus dans son gameplay grâce à son cœur de jeu, à savoir l’entropie. Le concept est simple à utiliser, mais pas forcément simple à comprendre dans tout ce qu’il permet : on peut faire remonter le temps à des objets. Le cœur des énigmes se trouve dans des cubes, qui, au fur et à mesure de l’aventure, auront différentes utilités. On a ainsi un cube qui sert de pont, un cube qui tire un rayon laser, etc. La progression est bien construite et ajoute de nouveaux éléments au bon moment : pas trop tôt pour bien intégrer les précédentes mécaniques, et pas trop tard pour empêcher l’ennui de pointer le bout de son nez. On devra entre autres composer avec une sorte de trampoline, des tapis roulants, etc. Et bien sûr l’entropie, au centre des réflexions.
Le but étant à chaque fois de sortir de la pièce, il faut trouver un moyen d’ouvrir la – ou les – porte(s) qui s’active avec un – ou des – interrupteur(s). La difficulté se situe donc dans le parcours que vont effectuer les éléments permettant d’appuyer sur ces interrupteurs. Prenons un exemple : dans une salle se trouve un couloir avec au bout la sortie, bloquée par deux portes. À côté de ce couloir, il y a un cube et deux interrupteurs. L’idée est d’aller avec le cube sur le deuxième interrupteur, puis sur le premier. Ainsi, on peut passer la première porte, et avec l’entropy gun, on va pouvoir tirer sur le cube pour qu’il retrace son chemin dans le sens inverse et se poser sur le deuxième interrupteur. Simple, non ? Au début, oui. Mais une fois que l’on combine tous les éléments cités auparavant, ça peut vite donner la migraine.
En plus d’être original, ce concept permet de créer des puzzles vraiment complexes tout en restant accessible. Parce qu’avec une seule mécanique au cœur du gameplay, la solution ne peut venir que d’une seule façon. Ça peut être un défaut comme une qualité : à ma connaissance, il est impossible de résoudre une énigme autrement que de la façon dont l’a imaginé son créateur. Ça peut paraître rigide, comme ça peut aider à débloquer un problème parce qu’il n’y a qu’une seule solution possible, basée sur l’entropie. Non, le vrai problème, c’est que les énigmes finissent par toute se ressembler. J’ai eu l’impression au cours de l’aventure de toujours devoir réfléchir de la même façon, et ce, malgré la venue de nouveaux outils. Comme la logique reste globalement la même, les solutions restent elles aussi similaires. Attention toutefois, le jeu n’est pas simple pour autant – surtout pour les non-initiés –, même s’il ne présente pas une difficulté aussi grande que The Talos Principle ou The Witness. Il est du même acabit que Portal, son inspiration directe.
J’aurais aimé m’arrêter là, mais le studio Stubby Games a eu la mauvaise idée d’intégrer des phases « d’action ». En effet, des petites tourelles viendront vous tirer dessus à partir d’un certain moment, et autant dire que ces passages font partie des pires du jeu. Au-delà de ne rien apporter – il suffit de rembobiner leurs projectiles pour en venir à bout –, elles viendront parfois vous incommoder durant vos phases de réflexion. Si réfléchir sous la contrainte devait théoriquement apporter un peu de piquant, ça ne confère en réalité que de la frustration et accable plus que ça n’intéresse. En ajoutant le fait qu’Aria bouge comme un 33 tonnes à reculons et qu’elle ne saute pas bien haut, on a vite fait de pester contre cette idée. The Entropy Centre a peut-être voulu un peu trop s’inspirer de Portal sur ce coup-ci.