Everybody’s Gone to the Rapture fait partie des aventures narratives qui ont marqué mon parcours de joueur. De par son ambiance et son mystère lancinant, le titre réussit à instaurer un sentiment de calme et de mélancolie comme peu d’autres y arrivent. Lorsque j’ai appris que le lead designer du studio Chinese Room, Andrew Crawshaw, avait monté sa propre équipe, Thunkd, et planchait sur un nouveau jeu, j’ai tout de suite été intrigué.
The Magnificent Trufflepigs se présente comme une expérience narrative dans la droite lignée de Firewatch ou le précédent jeu sur lequel a travaillé Andrew Crawshaw, Everybody’s Gone to the Rapture. Le titre mise avant tout sur son scénario, et particulièrement sur ses personnages et leurs discussions. Le joueur incarne Adam, revenu dans sa ville d’enfance pour aider Beth, une amie de longue date, à retrouver une boucle d’oreille. Bien entendu, ce synopsis simple en apparence dévoilera au fur et à mesure des enjeux plus dramatiques, surtout pour Beth. Elle abordera tout au long de l’aventure ses angoisses et ses rêves, conférant au jeu des dialogues réalistes et surtout très humains. Une intrigue qui rappelle fortement Firewatch, dans la forme comme dans le fond : ils évoquent tous les deux des thématiques adultes – notamment la séparation et les choix de vie – et utilisent une approche intimiste pour en parler. Beth, tout comme Henry dans le titre de Campo Santo, révèle une personnalité complexe et un questionnement, et permet ainsi au jeu d’avoir une profondeur inattendue.
Des dialogues bien écrits
La ressemblance ne s’arrête pas là. Beth et Adam communiquent par talkiewalkie – comme Henry et Delilah dans Firewatch – et son gameplay minimaliste, ainsi que les décors, offrent une expérience relaxante. Aucune action ici, aucune stratégie ni un rythme soutenu : c’est même tout l’inverse. Le rythme du jeu prend son temps, laissant planer une atmosphère plaisante. The Magnificent Trufflepigs réussit néanmoins à accrocher le joueur grâce à son scénario, et plus précisément grâce aux dialogues entre les protagonistes. Pas de grand mystère à résoudre, pas de meurtre ni d’étranges phénomènes, mais simplement l’obsession de Beth envers cette fameuse boucle d’oreille. Une idée fixe qui pousse le joueur à continuer, pour essayer de mieux la comprendre.
Une histoire intimiste
Et c’est une bonne chose. Firewatch, excellent sur de nombreux points, a malgré tout déçu beaucoup de joueurs à cause de sa résolution. Si The Magnificent TrufflePigs tente bien une sorte de twist à la fin de son récit – c’est très léger, mais c’est là quand même –, sa narration se montre bien plus cohérente dans l’ensemble et réussit à investir émotionnellement le joueur sans jamais lui faire miroiter un mystère insoluble. Le titre se concentre exclusivement sur les relations humaines, et le gameplay contribue, d’une certaine manière, à appuyer le récit. Un peu lent à arriver, le développement de Beth dispose d’une écriture convaincante, et propose même une certaine réflexion sur des sujets complexes. Que faire de notre vie quand notre rêve se révèle n’être en réalité qu’une solution de simplicité ? Fuir nos problèmes à l’aide d’un doux souvenir d’enfance permet-il de mieux les affronter ? Ce genre de questions, posées par le jeu, semble pouvoir raisonner en chacun d’entre nous.
Pour raconter son histoire, The Magnificent Trufflepigs place son décor dans une petite ferme entourée de champs. Champêtre et rempli de couleurs chatoyantes, le titre se présente comme une ode au calme et à l’apaisement. La patte graphique ressemble énormément à celle de Everybody’s Gone to the Rapture. Même tons, mêmes couleurs, même ambiance de la campagne anglaise, bien qu’il se déroule dans la ville imaginaire de Stanning. Dans l’ensemble, la technique est très réussie, avec une jolie végétation et de sympathiques effets de lumières. On pourra toujours reprocher à certaines textures de ne pas être à la hauteur – notamment la terre – mais ce serait pinailler. Puis, est-on vraiment là pour ça ?
Des décors champêtres
Comme dit précédemment, le gameplay sert simplement la narration et reste très basique. On se déplace avec un détecteur de métaux, qui bipera de plus en plus fort au fur et à mesure qu’on se rapproche d’un objet. Arrivé au bon endroit, il suffit d’appuyer la gâchette de gauche de la manette pour creuser avec la pelle, puis d’appuyer sur celle de droite pour utiliser la truelle et enfin accéder à l’objet. Une fois la tâche effectuée, on prend une photo de l’objet qu’on envoie à Beth par SMS, puis en fonction de l’objet, un dialogue se déclenche ou non. On regrettera toutefois l’incapacité d’Adam à faire plusieurs choses à la fois, comme parler un talkiewalkie et porter le détecteur. Chaque fois qu’une conversation se lance, le titre ne laisse aucune possibilité d’action tant que le dialogue n’est pas terminé. Un peu frustrant, bien que l’idée consiste évidemment à se concentrer sur l’échange entre les protagonistes.
Un gameplay simple mais pas inintéressant
Le jeu dispose de choix de dialogues qui pourront changer légèrement l’attitude de Beth à votre égard. Mais rien de décisif : The Magnificent Trufflepigs ne bénéficie que d’une fin unique, et peu importe la réponse choisie, n’espérez pas sortir des rails prévus par le scénario. En résulte une aventure au rythme précis, à défaut d’être longue : comptez deux heures pour en voir le bout. Le jeu intègre un new game plus, qui laisse la possibilité au joueur de trouver d’autres objets que ceux découverts lors de la première partie. Un ajout sympathique, mais qui n’offre malheureusement pas assez d’intérêt pour relancer le titre une fois la conclusion déjà vue.
Un bon exemple de choix qui n'en est pas réellement un
À noter que le jeu propose une version française pour le texte, ainsi qu’une traduction dans 9 langues. Un fait assez rare pour les jeux de ce budget, d’autant plus que la traduction fait preuve de qualité malgré la présence de quelques coquilles. Les doublages, en anglais, sont très réussis, grâce à un casting prestigieux : Adam est doublé par Arthur Darvill (Doctor Who, DC’s Legends of Tomorrow), tandis que Beth est doublée par Luci Fish (Safe House, Another Eden). Un doublage de qualité qui vient pallier un manque parfois brutal d’ambiance musicale. Certains passages donnent une impression de vide, la faute à des musiques trop discrètes. Un constat dommageable, au moment où l’on s’aperçoit qu’elles accompagnent pourtant à la perfection l’ambiance du titre lorsqu’elles se laissent écouter.
The Magnificent Trufflepigs est une aventure relaxante, axée sur les sentiments d’une femme paumée dans sa vie. S’il ne possède pas la qualité graphique d’un Everybody’s Gone to the Rapture ou des animations aussi travaillées que Firewatch, il réussit néanmoins à développer sa propre identité et transmettre avec brio son message. Avec son ton intimiste, le jeu aborde des thématiques adultes et intéressantes, à défaut de proposer une aventure propulsée par son gameplay. Car oui, déterrer des objets – la globalité du gameplay, en somme – se montre en réalité secondaire, là où les discussions avec Beth sont au cœur du scénario, rendant de fait le joueur plus spectateur qu’acteur de l’histoire. Le jeu s’adresse à ceux recherchant une expérience courte mais bien écrite, qui sans rester dans les mémoires, leur fera passer un bon moment.
Développeur : Thunkd - Éditeur : AMC Games
Sorti le 3 juin sur PC