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  • Test The Thaumaturge - un mélange entre The Witcher et Disco Elysium

    Par DonBear
    Publié dans Tests
    27 mars 2024
    7 min de lecture

    Fool’s Theory, un studio fondé par des anciens de CD Projekt, et 11 Bit Studios à l’édition à qui l’on doit l’incroyable Frostpunk. Rien qu’avec ça, on demande tout de suite où signer. Puis on se rappelle de Seven, précédent jeu du studio avec un potentiel certain mais dont le résultat est globalement décevant. En mélangeant le point’n click et le RPG, le fantastique et l’historique, est-ce que le studio a les épaules pour produire un jeu aussi riche et digne d’intérêt ?

    Une histoire originale…

    Varsovie, 1905. Wiktor Szulski rentre chez lui pour retrouver sa famille endeuillée après le décès du patriarche. Le timing est serré, il vient juste de réussir à guérir d’une maladie liée à sa condition. Parce que oui, Wiktor n’est pas n’importe qui : c’est un thaumaturge. Ce sont des sortes de médiums qui ont la capacité de voir les salutors, des esprits se nourrissant des défauts des humains. Lorsqu’un individu tombe dans un excès, disons par exemple de fierté ou d’ambition, une faille se crée et attire les salutors qui viennent l’agrandir autant que faire se peut. Les thaumaturges sont des personnes capables de voir ces êtres surnaturels, de signer un pacte avec eux, et de manipuler les esprits humains via leurs acolytes éthérés. Sauf que Wiktor, lui-même victime d’une fierté trop imposante, s’est cru capable de signer plusieurs pactes avec des salutors différents – une grave erreur qu’il paye de sa santé mentale. Heureusement pour lui, un étrange énergumène nommé Raspoutine réussit à le sortir de ce mauvais pas, et même à capturer un deuxième salutor.

    Une fois à Varsovie, Wiktor retrouve sa ville natale en proie à la révolution. Le nouveau gouverneur, Skavol, ne semble pas faire l’unanimité et attise même l’animosité des ouvriers. Le climat en Pologne, alors sous le joug de la Russie, est plus que tendu et la révolution semble doucement s’annoncer. Mais Wiktor ne fait pas dans la politique, pas pour l’instant en tout cas. Il retrouve sa sœur et son oncle, attristés par leur perte. Wiktor, lui, n’est pas exactement sur la même longueur d’onde, la faute à une haine nourrie à l’égard de son père depuis qu’il l’a exilé de sa ville natale. Mais il prend sur lui et écoute calmement le testament. C’est là qu’il apprend que son père lui lègue l’outil indispensable à tous les thaumaturges, son grimoire. Parce que, oui, ce statut s’est transmis de père en fils dans la famille depuis plusieurs générations. Sauf que, petit problème, le grimoire a disparu, et la mort de son père est suspicieuse…

    Screenshot The Thaumaturge

    Ce mélange de récit historique et de fantastique semble atypique, et à raison : on a peu l’habitude de voir l’histoire de la Pologne comme contexte narratif, et encore moins lorsqu’elle est mélangé à des éléments fantastique. En découle un exotique mélange entre Disco Elysium et The Witcher, très plaisant à découvrir. On se promène dans la Varsovie du début XXe, on combat des monstres inspirés de différentes mythologies, et on profite d’un cadre original.

    De manière générale, j’apprécie énormément le style d’écriture présent dans les jeux de l’Europe de l’Est. Ruiner, Frostpunk, Stalker, et tant d’autres ont une certaine aridité. Une froideur doté d’un cadre pourtant porté sur l’humain et sa façon d’agir face à une situation complexe. The Thaumaturge n’y fait pas exception, bien au contraire. C’est peut-être même plus encore perceptible dans un jeu qui parle de l’Histoire du pays natal des développeurs. Tout comme dans Disco Elysium, la politique est inhérente au contexte et s’affiche nettement. On parle d’antisémitisme, de racisme, de grève, de lutte ouvrière, et de tout ce que peut apporter une période historique riche en changements. Les développeurs parlent franchement et sans détours des sujets importants de l’époque, avec bien sûr le biais d’un habitant sur l’histoire de son pays.

    Si j’étais inquiet de la place que prendrait le surnaturel dans tout ça, je suis finalement rassuré de voir qu’un juste milieu a été trouvé. Les histoires de thaumaturges sont intéressantes et ne viennent pas piétiner l’aspect historique. Les salutors revêtent bien sûr une importance primordiale dans le scénario, mais n’en sont pas le cœur. Cette « surcouche » de fantastique ressemble fortement à ce qu’on peut voir dans The Witcher 3 : on parle de monstres, de sorceleurs et de magiciennes dans un monde médiéval, mais la toile de fond reste concentré sur les humains et leurs actions.

    The Thaumaturge est bien écrit avec des personnages nuancés malgré des dialogues relativement convenus. En parallèle de la recherche du grimoire de son père et de l’enquête concernant sa mort, apparaît en filigrane une quête à une échelle plus vaste, à savoir la venue prochaine d’une révolution qui s’annonce périlleuse. De quête principale en quête principale, on grapille quelques informations ici et là, avant que la toile de fond n’arrive au premier plan et prenne de l’ampleur. Le scénario est agréable à suivre, bien qu’il ne subisse quelques fois des longueurs inutiles. Surtout qu’il est assez long : comptez au moins une dizaine d’heures uniquement pour l’histoire principale. On se serait donc bien passé de ces ventres mous, mais ils n’entachent que très légèrement l’intérêt ressenti et la curiosité qui nous pousse à avoir le fin mot de l’histoire.

    Screenshot The Thaumaturge

    Bien sûr, étant principalement un RPG, on peut aussi s’adonner à des quêtes secondaires. Bien intégrées et plaisantes à suivre, ces histoires tournent souvent autour d’un mystère à résoudre. Par exemple, l’une d’elle nous demande de démasquer un tueur en série dans le quartier pauvre de la ville. On progresse au fur et à mesure que les indices s’accumulent, on rencontre des personnages hauts en couleurs, et on utilise nos salutors à bon escient pour suivre les maigres pistes disponibles. Dans l’ensemble, la majorité des quêtes ajoutent de la profondeur à l’univers sans être trop envahissantes.

    … Pour un jeu réussi mais pas dénué de défauts

    Leur plus gros problème, qu’on peut d’ailleurs appliquer à l’entièreté du jeu, c’est la répétitivité. Le jeu se divise en trois phases : l’exploration, les dialogues, et les combats. Le parcours est quasiment toujours le même : notre objectif nous demande d’aller à un endroit précis. On s’y rend, sans avoir besoin de faire des détours, si ce n’est trouver des collectibles. Ces derniers sont intéressants car ils ajoutent à l’immersion : on va par exemple tomber sur une note qui parle d’une exposition sur un photographe, un concert ou n’importe quoi qui donne de la consistance à cette Varsovie du début XXe.

    Screenshot The Thaumaturge

    Malheureusement, l’exploration ne se limite qu’à ça : fouiller toutes les rues de fond en comble n’apporte rien, si ce n’est de l’expérience en trouvant les collectibles. Une ville si jolie, une ambiance si prenante, pour finalement ne rien en faire, c’en est presque du gâchis. Parce qu’elle est réellement agréable à parcourir et bien découpée. Elle est divisée en plusieurs quartiers, qui sont des zones totalement ouvertes. On a par exemple le quartier riche, le quartier pauvre, le port, etc. Chacun de ces quartier possède une ambiance qui lui est propre et ne ressemble à aucun autre. On voit les disparités simplement avec les détails présents dans le décor. La ville en elle-même délivre un message et nous aide à comprendre la situation. On est donc d’autant plus déçu lorsque l’on comprend qu’on ne peut rien y faire, si ce n’est baguenauder.

    Bref. Une fois arrivé à destination, on doit donc parler avec notre interlocuteur, qui nous donne du contexte. Puis on se met à fouiller la pièce où l’on est : d’une simple pression de touche – un peu à la manière du sens du sorceleur – on voit les objets à observer. Avec nos talents de thaumaturges, on peut ressentir les émotions ressenties par celui ou celle qui a utilisé l’objet. On va par exemple voir un livre, le toucher, et avoir un peu plus d’informations sur la personne qui détenait ce livre. L’idée est très intéressante, et plutôt bien exécutée, mais le problème reste le même : on finit par toujours faire la même chose. La boucle de gameplay n’évolue jamais.

    Screenshot The Thaumaturge

    Il en va de même pour un des éléments primordiaux du jeu, à savoir les choix multiples. Dans The Thaumaturge, il nous est parfois octroyé la possibilité de choisir entre plusieurs réponses. Sauf que A et B reviennent souvent au même. Par exemple, à un moment, un ami nous propose de finir une nuit déjà bien mouvementée dans un bar. Que l’on accepte ou que l’on refuse, la finalité sera la même : on finira par boire malgré tout, même si on s’y opposait initialement. Wiktor se laisse amadouer par l’argumentaire irréprochable de son ami « Oh, allez ! », et nous laisse impuissant face à la frustration d’un choix inutile. Tous ne le sont pas, certains peuvent influer sur la relation avec certains personnages, d’autres auront une conséquence sur la fin que l’on aura – car elles sont multiples –, et quelques uns ont une influence sur le comportement de Wiktor. Mais dans l’ensemble, le budget limité du studio impacte sa capacité à délivrer un jeu avec divers embranchements, et ces choix de dialogues apparaissent caduques dès lors qu’on s’y penche.

    Reste alors le dernier élément de la boucle de gameplay, et pas des moindres : les combats. The Thaumaturge est un RPG avec des combats au tour par tour où s’appuyer sur les pouvoirs des salutors est indispensable. Trois outils sont à notre disposition : l’ordre des tours – que l’on peut modifier avec des bonus –, la concentration qui une fois arrivée à 0 nous rend bon à rien et la souffrance qui permet de faire des dégâts étalé dans le temps. Puis il y a les ennemis qui possèdent des bonus, par exemple la réduction des dégâts à 80%, que l’on ne peut supprimer qu’avec un salutor spécifique. Grâce à tous ces éléments, les combats demande de la stratégie. Ils sont intéressants et plutôt bien construits, bien que relativement simples : une fois qu’on a la bonne méthode, on roule sur nos ennemis avec une aisance presque insultante.

    Screenshot The Thaumaturge

    Exception faite des combats de boss, qui profitent d’une mise en scène soignée et d’une difficulté réhaussée. Ils sont peu nombreux mais toujours marquants : voir un salutor gigantesque nous amener une petite horde d’ennemis, ça fait toujours son petit effet.

    The Thaumaturge est un jeu ambitieux pour un petit studio. Le travail sur les visuels est certes techniquement perfectible, mais malgré tout réussi à l’exception des visages lors des dialogues qui restent majoritairement inexpressifs. Les musiques nous plongent dans cette ambiance slave, les menus sont agréables à parcourir, malgré le fait qu’ils soient très chargés en informations. Les combats sont prenants et riches, l’histoire est captivante, tous les dialogues sont doublés et la traduction est propre. Globalement, l’expérience est à la hauteur, malgré quelques couacs ici et là comme l’exploration inutile.

    Points positifs


    L’ambiance
    Le cadre original
    Les dialogues bien écrits
    L’histoire prenante
    Les combats stratégiques
    Varsovie et ses quartiers

    Points négatifs


    L’exploration inutile
    Pas toujours au top techniquement
    Certains ventres mous scénaristiques
    Les menus trop chargés

    7
    C'est chouette
    The Thaumaturge avait de quoi intéresser les curieux. Ces mêmes curieux ont eu raison de se plonger dans cette Varsovie surnaturelle du XXe siècle : l’histoire est prenante et les systèmes de jeux sont cohérents. Les combats, bien que trop fréquents, sont intéressants, et les dialogues bien écrits. Même si l’exploration est trop en retrait, l’ambiance suffit à elle seule à rendre le jeu intéressant. Tout n'est pas parfait, mais on ressent la bonne volonté des développeurs qui manquaient probablement de budget par rapport à leur ambition. Voilà de quoi être rassuré pour le remake de The Witcher.

    Tags

    RPG11 Bit StudiosPC

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    DonBear

    Fondateur

    DÉVELOPPEUR :

    Fool's Theory

    ÉDITEUR :

    11 Bit Studios

    DATE DE SORTIE :

    04 mars 2024

    PLATEFORME :

    PS5, Xbox Series, PC

    PRIX À LA SORTIE :

    34,99

    Testé sur PC grâce à un code fourni par Warning Up et l'éditeur

    Sommaire

    1
    Une histoire originale…
    2
    … Pour un jeu réussi mais pas dénué de défauts

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