Vous adorez l’Antiquité, Sherlock Holmes et les voyages dans le temps ? Alors peut-être que The Forgotten City est fait pour vous. Dans ce jeu narratif, vous devez vous échapper d’une cité romaine après avoir traversé un portail temporel qui vous ramène 2000 ans en arrière. Passé d’un mod de Skyrim acclamé par les joueurs à un jeu complet, le titre et le studio créé spécifiquement pour le développer, Modern Storyteller, ont fait un sacré bout de chemin. Après quatre années de développement par trois personnes, le jeu en vaut-il la chandelle ?
The Forgotten City, c’est initialement un mod tiré de Skyrim avec un succès retentissant. En effet, pas moins de 3 millions de joueurs l’ont téléchargé, et il a même gagné le prix national de la Writers’ Guild. Devant une telle réussite, l’équipe de 3 personnes composant Modern Storyteller s’est décidée à proposer le jeu dans une version stand-alone, retravaillée pour l’occasion. Et ils n’ont pas fait les choses à moitié : le scénario a été réécrit et contient désormais le double de mots (80 000 mots !) par rapport à l’original, des fins ont été ajoutées, ainsi que de nouvelles énigmes. Cette mouture inédite s’adresse donc autant à ceux n’ayant pas eu vent du mod qu’à ceux qui ont déjà visité la cité antique.
The Forgotten City raconte une énième histoire de boucle temporelle, mais celle-ci a le mérite de comporter de nombreux éléments originaux. Après une brève introduction, vous voilà projeté 2000 ans en arrière après avoir passé un étrange portail. Vous découvrez une impressionnante cité romaine, puis un habitant vous emmène voir le magistrat Sentius, qui gère la bourgade. Il vous explique que les résidents de cette cité sont tous maudits et doivent respecter la Règle d’Or. Cette dernière stipule que quiconque commettra un péché transformera la population tout entière en statues. Sauf que, si tuer ou voler représente bien évidemment un crime, qu’en est-il du blasphème, de l’hypocrisie ou du suicide ? Ça va être à vous de le découvrir, puisque Sentius pressent qu’un habitant cherche à commettre l’irréparable, et vous confie la lourde tâche de le trouver pour l’en empêcher. Il vous promet qu’une fois la chose faite, il vous aidera à retourner à votre époque.
Pour dénicher l’individu aux mauvaises intentions, il faudra donc discuter avec les 23 personnes présentes en ces lieux, comprendre leurs motivations et réussir à leur soutirer des informations. L’occasion de faire face à des choix moraux difficiles, de réfléchir à des thématiques comme la religion ou la politique, et surtout, profiter de l’excellente écriture des dialogues. Au-delà du fait que les doublages soient naturels et très satisfaisants, le studio réussit à rendre tous ses personnages intéressants d’une manière ou d’une autre : ils ont tous une histoire, des motivations et des envies différentes. Tous sont dotés d’une vraie consistance les rendant à la fois crédibles et attachants. Bien que le jeu soit relativement rapide à finir – comptez entre 5 et 10 h –, arriver à la quatrième et véritable fin demande de réfléchir et d’avancer pas à pas. Construit comme un jeu d’enquête, on glane des informations ici et là, on mémorise petit à petit le nom et la fonction de chacun, et on finit par comprendre la toile de fond au fur et à mesure. L’astucieuse utilisation de la boucle temporelle – qui se déclenche lorsqu’un péché a été commis – appuie d’autant plus cette progression au compte-goutte. Jamais un sentiment de répétitivité ne s’instaure, malgré cette mécanique qui y serait propice.
Si The Forgotten City reste linéaire avec des choix qui n’ont que peu d’importance, il laisse tout de même la liberté au joueur d’effectuer les quêtes dans l’ordre qu’il le souhaite. Vous pouvez déambuler dans la cité et parler à qui vous voulez, quand vous le voulez : il s’en dégage une agréable liberté d’action qui permet de réfléchir sans jamais se sentir au pied du mur. Loin de la construction d’un jeu à la manière de Telltale, The Forgotten City permet de réparer ses erreurs en relançant une boucle temporelle et ainsi se dépatouiller d’une personne froissée à cause d’une réponse mal choisie. Le titre évite toute frustration en donnant la capacité au joueur d’explorer pleinement, sans être restreint dans ses possibilités. Au détriment néanmoins d’une quelconque tension dans le fait de bien sélectionner ses réponses.
Enfin si, il y a tout de même une certaine tension. Recommencer une nouvelle boucle transforme tous les habitants en statue, tandis que vous courez aussi vite que possible vers le portail. Et justement, si l’écriture est assurément le point fort du titre, l’ambiance n’est quant à elle pas en reste. Cette cité romaine imprègne le joueur de son aura et l’atmosphère morose qui y règne ne laissera personne indifférent. Que ce soit les statues présentes ici et là, témoignant d’une histoire tragique ou des murmures que l’on entend parfois, on sent rapidement le danger de cette ville aux premiers abords sympathique. Les lieux plus sombres, comme les grottes ou certains bâtiments mal éclairés appuient eux aussi ce sentiment d’insécurité. L’ambiance générale fonctionne à merveille et pousse le joueur à ne jamais oublier les enjeux du récit, qui vont bien au-delà de la quête personnelle du personnage principal.
Si cette narration et cette ambiance font mouche, c’est en profitant de l’aspect technique. Dérivé du moteur utilisé pour Skyrim, les graphismes de The Forgotten City mettent en avant de superbes décors. Grâce aux jeux de lumière et à l’architecture, le joueur est immergé dans des environnements remplis de détails. C’est un véritable plaisir à explorer, bien que la zone soit assez restreinte. Techniquement, le titre est loin d’être révolutionnaire, puisqu’il utilise un moteur qui commence à accumuler le poids des années. Certaines textures tirent un peu la tronche, et on décèle du clipping ici et là. Mais globalement, ils permettent largement d’apprécier la qualité du scénario.
De la même manière, les dialogues profitent d’une mise en scène soignée bien qu’un peu vieillotte. Les visages sont tout autant réussis que la synchronisation labiale, qui aide à rendre les échanges crédibles. Les expressions faciales sont certes légèrement raides, mais il ne faut pas oublier que Modern Storyteller ne comporte que trois personnes. Et le travail abattu par ces trois personnes est conséquent et, sans être exemplaire, tout l’aspect visuel s’avère suffisamment efficace pour s’immerger dans l’univers. Oui, les animations restent rigides – surtout celle de la course du personnage – et prêtent parfois à sourire tant elles manquent de naturel. Mais ces légers défauts ne sont rien face à la pléthore de qualités dont le titre dispose.
On pourrait dire la même chose du gameplay. Simple à souhait, ce n’est clairement pas là que réside l’intérêt de The Forgotten City. Au-delà des actions classiques comme sprinter, vous serez confrontés à certaines phases de combat. Sans être époustouflantes, elles maintiennent malgré tout le rythme et remplissent leur fonction. Le cœur du jeu étant les dialogues, le reste des mécaniques demeure anecdotique et ne fait que servir la narration d’une manière basique. À noter toutefois qu’il vous sera demandé en début de partie de choisir entre quatre classes. Celles-ci proposeront soit de monter sa défense, soit de posséder un pistolet avec 10 balles (qui seront les seules balles disponibles dans le jeu), soit de courir plus vite, soit d’être un spécialiste de l’Antiquité, octroyant des choix de dialogues supplémentaires. S’ils ne changent pas radicalement ce qui se passera ensuite, demander au joueur de choisir une classe sans savoir l’impact que celle-ci aura sur la suite est une mécanique intéressante, et plutôt bien utilisée.