Si les Vikings ont le vent en poupe en ce moment, les samouraï commencent eux aussi à avoir de beaux représentants dans l’industrie vidéoludique. Sucker Punch a par exemple coupé l’herbe sous le pied à Ubisoft avec Ghost of Tsushima, magnifique représentation du Japon féodal en monde ouvert. Et le petit plus réside dans le mode Kurosawa qui enlève les couleurs pour se rapprocher au plus près des films du réalisateur portant le nom du mode. Flying Wild Hog s’est décidé à proposer une esthétique similaire avec un gameplay radicalement différent. La question à un million, c’est donc : est-ce que ça marche aussi bien ?
Trek To Yomi, comme le jeu inspiré du cinéma chanbara qu’il est, raconte une histoire de vendetta relativement simpliste. Un jeune samouraï crie vengeance après la destruction du petit village où il vit, ainsi que la mort de ses habitants et de sa douce et dulcinée. Des bandits, des katanas, de l’honneur sont bien sûr au programme, mais aussi une virée vers le fantastique loin d’être déplaisante. Elle ne raconte pas forcément grand-chose, mais elle apporte un cachet certain à une histoire déjà vue et revue. Qui plus est, la présence de quelques choix moraux viennent directement nous impliquer dans l’histoire, à défaut d’être réellement impactants. Certes, le jeu dispose de plusieurs fins, mais rien qui ne va au-delà de l’artifice. Quoiqu’il en soit, on est emporté par les pérégrinations de Hiroki au cours des 5 heures que dure l’aventure, magnifiées par l’esthétique du jeu.
Parce que, vous vous en doutez si vous avez visionné le trailer, c’est là son principal point fort. Les graphismes du jeu et l’ambiance qu’ils apportent lui octroient une véritable identité, jonction presque parfaite entre le jeu vidéo et le cinéma. Le noir et blanc ainsi que le grain apposé à l’image rappellent bien sûr les meilleurs films de Kurosawa comme Les 7 samouraïs, et le choix de chaque plan méticuleusement pensé rend l’expérience contemplative. Trop lent diront certains, mais les autres pourront apprécier la composition des plans et la beauté qui en découle.
Car dans Trek To Yomi, on ne choisit pas comment positionner la caméra : on alterne entre défilement horizontal pour les combats, et 3D dans des écrans fixes pour les phases d’exploration. Un choix qui permet d’obtenir des plans marquants la rétine, en plus d’offrir une ambiance vraiment immersive. Petit conseil au passage : n’enlevez pas le grain de l’image, au risque d’avoir un rendu très lisse, trop jeu vidéo, et donc très éloigné de l’intention des développeurs. Certes, on gagne en visibilité (qui est un vrai problème pour les collectibles) mais on perd énormément de l’expérience cinématographique.
Ceci étant dit, l’illusion s’estompe parfois à cause des animations très rigides des personnages et des visages parfois vilains lors des cinématiques. Quant à l’ambiance sonore, elle devient rapidement agaçante à cause des pleurs des villageois – compréhensibles, certes – qui usent les oreilles à la longue. Heureusement que les musiques de Yôko Honda et Cody Matthew Johnson rehaussent le tout et offrent une bande-son magistrale. Orchestrée avec des instruments de l’époque Edo pour toujours plus de « réalisme », la musique immerge d’autant plus qu’elle s’adapte parfaitement à l’évolution du scénario. Un sans faute, ou presque, si elle n’était pas dévoyée par les apitoiements quasi constants.
Mais une fois manette en main, c’est une autre paire de manches. Comme dit précédemment, Trek To Yomi est un jeu à défilement horizontal lors des affrontements. Il faut donc alors vaincre ses ennemis qui peuvent venir de la gauche ou de la droite. Pour se faire, on a accès aux mécaniques habituelles : attaque légère, attaque lourde, esquive blocage et parade. On peut aussi compter sur quelques outils supplémentaires comme l’arc qui permet d’attaquer à distance. Et ce qui semble le plus intéressant, c’est bien sûr les enchaînements qui octroient différents bonus, comme le « deux coups faibles puis un coup fort » permettant de stun les ennemis.
Assez classique dans la forme, on pourrait se dire que c’est suffisant pour créer des affrontements épiques. Mais dans les faits, les combats sont l’aspect le plus raté du jeu. Parce qu’avoir des enchaînements, c’est bien, mais encore faudrait-il avoir un intérêt à les utiliser. Progresser dans le jeu se résume en réalité à deux actions : parer et utiliser le coup puissant. Ce simple duo suffit à vaincre tous les ennemis du jeu, là où effectuer des pirouettes avec son sabre pour le style amène généralement des dégâts, voire des morts. Alors, pourquoi se prendre la tête ? Surtout que la parade est relativement aisée à réaliser, le timing requis étant vraiment large. On se sent puissant, mais on ne profite pas de la palette de mouvements offerts.
On pourrait croire que le problème vient de la difficulté du jeu, mal dosée. Et c’est en effet le cas : en normal comme en difficile, on avance sans trop de problèmes, surtout que Trek To Yomi est généreux en points de sauvegarde – qui vous rendent l’entièreté de vos points de vie. Du coup, on n’est jamais vraiment stressé, car une défaite signifie généralement revenir quelques mètres en arrière pour tenter à nouveau de rosser les ennemis.
Toutefois, ma principale incompréhension concerne le mode de difficulté le plus élevé, qui n’est déblocable qu’après avoir fini le jeu. Et ce choix me paraît peu pertinent, car c’est en réalité le seul qui propose quelque chose d’intéressant : un coup est égal à une mort, du côté des adversaires comme du votre. En plus d’apporter un certain réalisme, il octroie également une exigence qui apporte une nouvelle dimension au jeu – même s’il n’apporte pas de diversification au gameplay, la formule magique continue de s’appliquer dans ce cas. Mais alors, pourquoi ne pas l’avoir rendu disponible dès le début ? Surtout qu’un New Game + n’apporte en réalité pas grand-chose, puisqu’on va parcourir les mêmes lieux au même moment. On peut certes en profiter pour voir une autre fin et faire d’autres choix, mais comme dit précédemment, ces choix restent relativement superficiels.
Parce qu’il faut bien l’avouer, le jeu devient rapidement répétitif. La direction artistique rend le voyage agréable, la pointe de surnaturel amenée par le scénario apporte un renouvellement, et il y a bien quelques phases qui changent un peu, comme le passage où vous devez vous cacher derrière rochers et arbres pour éviter des pluies de flèches. Mais malgré tout, le manque de diversité des ennemis donne l’impression de combattre toujours les mêmes ennemis : des samouraïs et des bandits, tous habillés pareil et tous dotés d’attaques et expressions similaires. On trouve par la suite quelques variations, mais rien qui n’apporte de grosse nouveauté. Ajoutons à cela quelques boss oubliables parsemés au sein de l’aventure et des énigmes résolvables en deux temps, trois mouvements, et voilà tout ce qui compose le jeu.
Du côté de l’exploration, ce n’est pas tellement mieux, la faute à une lisibilité trop fréquemment absente. Fouiller dans les décors permet de trouver des améliorations de vie et d’endurance (rendant donc le jeu encore plus simple), en plus de quelques collectibles sympathiques. Mais la vue en 3D, celle établie en dehors des combats donc, rend le personnage peu maniable et certains angles de caméras trompeurs. On finit par juste se cogner contre tous les murs, malgré le fait que les choses à récupérer brillent et sont donc facilement localisables.